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Etude et modélisation du système biophysique à l’échelle parcellaire

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 148-154)

DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES

VI.1. Etude et modélisation du système biophysique à l’échelle parcellaire

VI.1.1. Le système de culture prairial irrigué et le déficit hydrique modéré

L’étude apporte des éléments de réflexion sur la problématique de la réaction des systèmes prairiaux à des déficits hydriques. Nous avons mis en place une démarche complète et équilibrée qui n’a pas privilégié l’étude d’un des composants (plante, sol, eau). L’intérêt de cette étude réside aussi dans l’association de l’approche écologique de la composition floristique en lien avec la recherche d’indicateurs du statut hydrique du sol et de seuils de stress hydrique. Nous avons (i) observé une forte sensibilité de la prairie à un déficit hydrique modéré et (ii) validé deux indicateurs de pilotage de l’irrigation : FTSW et le potentiel hydrique du sol dans la zone racinaire.

(i) Concernant la sensibilité de la prairie au déficit hydrique modéré, peu d’études ont été conduites sur des prairies permanentes dans des conditions irriguées, la plupart étant conduites dans des conditions de sécheresses estivales (Volaire et Lelièvre, 2001). Ce travail

Analyse et modélisation du fonctionnement biophysique et décisionnel d’un système prairial irrigué Anne Mérot – Th.D - 2007

contribue donc à mieux connaître le fonctionnement des prairies irriguées et permet de préciser les évolutions en biomasse de chaque espèce en déficit hydrique modéré mais fréquent, les études en conditions de déficit hydrique fort (sécheresse) permettant plutôt de qualifier les évolutions du nombre d’espèces prairiales à long terme. Cependant, cette forte sensibilité de la prairie a été peu étudiée pour les espèces prairiales (Belaygue et al., 1996 ; Volaire et Lelièvre, 2001) et pour d’autres cultures comme la vigne (Pellegrino et al., 2006) à ce niveau de déficit hydrique. La baisse de la disponibilité en azote liée à l’augmentation du déficit hydrique dans un milieu peu fertilisé (Lemaire et Denoix, 1987; Kelly et al., 2003) pourrait expliquer la réponse de la prairie observée. Quelques évaluations de l’Indice de Nutrition Azotée (INN) sur les échantillons de mélange ont montré que l’INN était systématiquement en dessous de 1 indiquant des déficits en azote notamment lors des dessèchements. Il serait souhaitable de continuer à creuser cette question d’autant que la notion d’Indice de Nutrition azoté en peuplement plurispécifique demande à être discutée car les variations de composition floristique en fonction du déficit hydrique rendent délicate l’obtention d’une courbe de référence.

(ii) Deux indicateurs de pilotage de l’irrigation basés sur la mesure du statut hydrique du sol perçu par la plante (Wery et al., 2005) ont été validés : la tension (valeur absolue du potentiel matriciel) dans la zone racinaire et le Fraction maximum d’Eau du sol Transpirable par la plante FTSW. La tension, mesurée à plusieurs profondeurs, renseigne à la fois sur le niveau de déficit hydrique du sol et sur les flux dans et sous la zone racinaire. La FTSW donne une valeur synthétique du déficit hydrique perçu par la plante compte tenu de la réserve utile du sol, de la distribution de l’enracinement et de la capacité de la plante à extraire l’eau liée à son caractère isohydrique (vigne, Pellegrino et al., 2004 ; ou le maïs, Cabelguenne et Debaeke, 1998) ou anisohydrique (le coton, Lacape et al., 1998 ou le tournesol, Cabelguenne et Debaeke, 1998). Nos résultats suggèrent sur l’irrigation d’une prairie plurispécifique peut être pilotée par des indicateurs développés sur des cultures monospécifiques (Wery, 2005) bien que la réaction de chaque espèce au déficit hydrique puisse-être différente. Ceci suggère que les prairies de Crau fonctionnent sur le principe de la ‘belowground dominance’ (Burke et al., 1998) où les relations de dominance entre espèces prairiales sont liées à un seul facteur limitant, l’eau. La ‘belowground dominance’ se traduit par une colonisation uniforme de la couche de sol par les racines (Burke et al., 1998). Seule la différence de capacité de prélèvement de l’eau par les racines (Lelièvre et Desplobins, 1994) va différencier les espèces

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entre elles, mais la densité racinaire est telle que l’association des espèces se comporte comme un couvert monospécifique pour la perception du dessèchement du sol. Du point de vue du déclenchement de l’irrigation, la prairie peut donc être considérée comme une culture monospécifique avec un enracinement uniforme.

VI.1.2. L’étude de systèmes plurispécifiques

Dans cette thèse, la notion de plurispécificité était importante pour trois raisons : (i) toutes les espèces n’ont pas le même potentiel de croissance, l’ensemble des espèces présentes sont donc à l’origine d’un certain potentiel de croissance ; (ii) toutes les espèces n’ont pas la même valeur nutritionnelle ce qui influe sur la qualité du foin (Figure II.1) ; (iii) la présence de plusieurs espèces avec un fonctionnement différent crée de l’hétérogénéité. Confrontés à la plurispécificité lors de l’étude des prairies et de la modélisation de cette plurispécificité, nous avons adopté deux démarches complémentaires :

(i) dans le cadre de l’acquisition de connaissances sur le système de culture, une approche écologique a été utilisée. L’étude de la plurispécificité fait appel à des effets de concurrence pour les ressources et à des stratégies de développement d’espèces dans un milieu donné (Lelievre et Desplobins, 1994 ; Burke et al., 1998 ; Liancourt et al., 2005). En peuplement plurispécifique, une espèce se développe souvent au détriment d’une autre espèce. Une composition floristique est alors la résultante de divers comportements d’espèces dans un environnement. Nous avons ainsi caractérisé la prairie en termes de composition floristique (en biomasse mais pas en nombre d’individus) et de valeur pastorale comme critère de qualité des prairies (Delpech, 1960 ; Daget et Poissonet, 1971). Nous avons montré que la composition floristique des prairies étudiées était très sensible à des déficits hydriques modérés provoqués par des changements de la fréquence d’irrigation. Des comportements différenciés entre espèces ont été observés, les espèces de la catégorie « diverses » à faible potentiel nutritionnel et de rendement, sont favorisées par des déficits hydriques modérés au détriment des graminées. Les études précédentes cherchaient à classer les espèces par rapport à leur sensibilité à de fortes humidités du sol (Klapp, 1965 cité par Pervanchon, 2004) ou de forts dessèchements (Volaire et Lelièvre, 1992). Dans notre approche nous avons privilégié l’étude de la réaction globale du mélange à des déficits hydriques modérés plus réalistes par rapport aux conditions de production. Nos résultats sont donc difficiles à interpréter à partir

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des connaissances actuelles sur le comportement de chaque espèce. Des études sur le plus long terme permettraient de conclure sur l’évolution de la composition floristique en nombre d’individus plutôt qu’en biomasse.

(ii) L’approche écologique est lourde à mettre en œuvre (Daget et Poissonnet, 1971) surtout lorsqu’on veut modéliser la dynamique du système. Lors de la modélisation de la culture, une démarche plus opérationnelle a été adoptée pour adapter un modèle de culture (Adam et al., 2007) basé sur l’approche des traits fonctionnels (Lavorel et al., 1997). Les prairies de la plaine de Crau combinent une dizaine d’espèces très variées dont la proportion évolue en cours de saison. Le potentiel de rendement aux différentes coupes qui est la résultante des traits fonctionnels du mélange, varie en fonction du ratio entre toutes ces

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l’hétérogénéité dans le sens d’avancement de l’eau. Nous n’avons pas mis en évidence d’hétérogénéité spatialement structurée dans les parcelles étudiées. Cependant on note que les graminées sont plus présentes (et les rendements supérieurs) en bas de parcelle. La notion de stratégie d’espèce englobe aussi la stratégie de reproduction des espèces (Burke et al., 1998).

Il a été observé que les graines des graminées étaient entrainées vers le bas de la parcelle. Ces observations demanderaient à être étudiées avec une expérimentation spécifique sur cette question.

VI.1.3. Modélisation du système biophysique

Concernant la modélisation de l’eau dans le sol en lien avec le fonctionnement hydrique de la culture, trois aspects méritent d’être discutés :

(i) La dynamique de l’eau dans le sol a pu être simulée directement à partir d’un réservoir de sol monocouche.

(ii) L’utilisation du concept de la fraction total d’eau transpirable par la culture FTSW (Lacape et al., 1998) a permis de mieux simuler l’effet du déficit hydrique sur la plante (Lacape et al, 1998; Cabelguenne et Debaeke 1998; Pellegrino et al., 2006).

(iii) L’évaluation des prélèvements par la culture intègre des effets de vent mais n’est pas basée sur le concept de coefficients culturaux.

La représentation du sol en un réservoir monocouche a bien fonctionné dans notre cas d’étude – avec peu de remontées capillaires et une macroporosité forte. Cette représentation est intéressante dans la perspective d’un couplage (Cros et al., 2003) car elle est plus simple à mettre en œuvre qu’une représentation multicouche ou une approche fonctionnelle comme celle proposée dans le modèle PASTIS (Lafolie, 1991).

L’utilisation du concept de FTSW permet de se rapprocher de la réserve en eau du sol réellement consommable par la culture par rapport à la notion de réserve utile. La relation non linéaire entre le FTSW et la croissance via un indice de stress, a la particularité de mieux faire ressortir la sensibilité de la prairie à un déficit hydrique modéré et court. L’indice de stress augmente en effet plus vite que dans des modèles basés sur le concept Réserve Facilement Utilisable RFU/RU (Mailhol et al., 1997 ; Smith, 1991) quand le déficit hydrique du sol débute après une irrigation.

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Nous avons aussi choisi de ne pas simuler les prélèvements par la culture à partir des coefficients culturaux (Smith, 1991 ; Allen et al., 1998). L’évapotranspiration réelle est égale à l’évapotranspiration de référence pondérée par l’état de dessèchement du sol (Cros et al., 2003 ; Adam et al., 2007) et par le vent. L’approximation ET0 = ETM s’est avérée satisfaisante. Dans le cas de la prairie, les coefficients culturaux sont proches de 1 (Allen et al., 1998), ce qui est une approximation juste avant coupe ou juste après coupe. L’effet du vent est souvent pris en compte à l’échelle des stomates en relation au déficit hydrique (Sato et al., 2006) mais pas à l’échelle du système plante-sol ou même du champ cultivé. La prise en compte d’un effet du vent sur les prélèvements d’eau par la culture à l’échelle du système plante-sol a amélioré les simulations.

Le modèle d’irrigation nous a permis de simuler correctement le déroulement de l’irrigation en particulier la durée d’irrigation dans des sols très caillouteux, peu épais et très filtrants avec des effets macropore non négligeables. Le choix d’une loi d’infiltration à caractère prédictif s’est avéré judicieux pour faciliter le couplage entre le modèle d’irrigation et le modèle de culture (Mailhol, 2003). Ce caractère prédictif nous a permis de caler une relation entre la rugosité et l’indice foliaire. Le couplage a donc été réalisé à partir de deux variables physiques : le déficit en eau du sol et l’indice foliaire, ce qui n’aurait pas été possible à partir d’un modèle tel que SIRMOD (Walker, 2003). Malgré la qualité des simulations, il nous faut toutefois émettre deux réserves :

(i) les simulations ont donné des résultats très satisfaisants excepté pour les colatures. Des écoulements horizontaux pourraient être récupérés par drainage dans ce fossé de colature. Il serait nécessaire de réaliser quelques observations supplémentaires. Si cette hypothèse se vérifiait, le passage à un modèle plus complet serait nécessaire pour simuler les pertes en colature.

(ii) nous avons testé le modèle d’irrigation sur des planches rectangulaires et uniformes.

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