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Chapitre III – Comportement plastique et à rupture d’un acier medium Mn à

1. Comportement mécanique à température ambiante

1.3. Analyse physique de la rupture à température ambiante

1.3.2. Etude de l’endommagement

Cette étude s’est focalisée uniquement sur l’endommagement dans les éprouvettes lisses. Elle a été réalisée sur un MEB-FEG FEI Nova NanoSEM 450, sous une tension d’accélération de 5 kV. Le protocole de préparation des échantillons a été le même que pour la famille UFG (cf. Chapitre III, section 1.4.1)

Comme pour la famille UFG, aucun endommagement généralisé dans le volume n’a été observé et ce, pour les deux nuances de la famille DT. Sur chacune, de la martensite est observée sous la surface rompue, signe qu’un effet TRIP local a eu lieu en raison des fortes sollicitations dans cette région (Figure IV-13-a)). Toutefois, en s’éloignant de la surface rompue, au-delà de 50 µm, la martensite n’est plus observée. Près de la surface rompue, deux sortes d’endommagement apparaissent, chacun dans une faible proportion.

Premièrement, des fissures longitudinales sont observées aux interfaces entre les régions FG et la ferrite δ (Figure IV-13-b)), elles peuvent aller jusqu’à 100 µm sous la surface rompue. Comme évoqué dans le Chapitre I, section 3.3. Choi et al. ont également observé des fissures longitudinales, soit dans les bandes de ferrite δ, soit aux interfaces entre les bandes de ferrite δ et les zones FG [Choi, 2017]. Ils les ont associées à du clivage (« cleavage-like cracks ») car celui-ci a lieu au niveau de bandes de ferrite orientées dans le plan {100} (plan associé au clivage de la ferrite). Leur interprétation reste ambiguë d’autant plus qu’un essai interrompu juste avant la rupture n’a pas permis de mettre en évidence de traces de clivage, mais uniquement des cavités d’endommagement. Ils pensent donc que ces « cleavage-like cracks » sont une conséquence de la rupture du matériau et non une des causes menant à cette rupture. Ici, les fractographies ont montré que les fissures de délaminage étaient clairement ductiles (Figure IV-8). Elles résultent probablement de la différence de déformabilité entre la ferrite δ (molle) et les zones FG (dures, cf. Chapitre II, Tableau II-7). Un cisaillement des interfaces entre ces deux régions microstructurales pourrait alors conduire à cette rupture ductile.

Deuxièmement, dans les zones FG, quelques cavités localisées aux interfaces ferrite/martensite sont visibles (Figure IV-14). Elles se situent sous la surface rompue, dans les 20 premiers micromètres. Ces cavités résultent de la décohésion progressive entre les deux phases de la région FG lors de la déformation. En effet, tant que localement la déformation n’est pas suffisamment

5 µm RD ND 5 µm RD ND

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élevée pour que l’austénite retenue se transforme en martensite, les grains de ferrite α et d’austénite vont se déformer de façon similaire. Mais pour de plus grandes déformations, l’austénite retenue va se transformer en martensite. A ce stade, la martensite fraîche est enrichie en carbone et manganèse et a sans doute hérité des dislocations formées préalablement dans l’austénite pendant la déformation, elle est donc très dure. Même si la ferrite s’est également écrouie, il est légitime de penser que la martensite fraîche est plus dure que la ferrite écrouie. En conséquence, sa déformabilité est moindre que celle de la ferrite. Ce contraste de déformabilité explique que parfois une décohésion à l’interface ferrite/martensite va s’amorcer, conduisant à la formation des cavités observées. Ce second type d’endommagement est similaire à celui observé sur les aciers DP, toutefois, le nombre de cavités observés est nettement moins important [Dalloz, 2007]. Choi et al. ont également observé ce second type d’endommagement aux interfaces ferrite/martensite [Choi, 2017]. Cependant, aucune micrographie avec une vue d’ensemble n’a été présentée et les auteurs n’ont pas mentionné la densité de cavités observées dans leur acier.

Ce faible endommagement est confirmé par la très fine bande de localisation formée juste avant la rupture (quelques micromètres, cf. la flèche blanche sur la Figure IV-14-b)).

a) b)

Figure IV-13 : Micrographie MEB, après attaque Nital, sur la nuance DT 900 a) martensite près de la surface rompue, pas d’endommagement, b) fissures longitudinales

a) b)

Figure IV-14 : Micrographies MEB, après attaque Nital, sur les nuances a) DT 850, b) DT 900 (cercle rouge : cavité, flèche blanche : fine bande de localisation)

1.4. Synthèse

L’étude des nuances DT 850 et DT 900 en traction uniaxiale et en déchirure ductile montre qu’elles présentent des propriétés mécaniques similaires. Ainsi, contrairement à la famille UFG, cette famille paraît peu sensible à la température de recuit. En traction simple, aucun effet TRIP généralisé n’est mis en évidence, signe de la très grande stabilité de l’austénite retenue issue du

2 µm TD ND 5 µm TD ND 5 µm TD ND 2 µm TD ND

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recuit intercritique. En raison de la structure en bandes du matériau, une légère anisotropie est présente. Enfin, cette famille semble beaucoup moins propice à la localisation de la déformation (bande de Lüders et bandes PLC) que la famille UFG. Comparée à la famille UFG, la famille DT présente une meilleure résistance à la déchirure ductile, avec notamment une meilleure résistance à la propagation de la fissure.

L’étude des fractographies sur éprouvettes lisses et éprouvettes Kahn montre que la rupture des deux nuances est essentiellement ductile. Une sensibilité au clivage est toutefois constatée avec la présence de facettes de clivage de plusieurs dizaines de micromètres, associées à la ferrite δ. Cette sensibilité au clivage est principalement présente sur le DT 900. Enfin l’étude de l’endommagement sur éprouvettes lisses montre l’existence de martensite localement près de la surface rompue. Un très léger endommagement est observé dans les premières dizaines de micromètres sous la surface rompue et non dans tout le volume. Il se traduit soit par la présence de fissures longitudinales (associées au délaminage) aux interfaces entre les bandes de ferrite δ et les bandes FG ; soit par l’existence de cavités dans les zones FG aux interfaces ferrite-α/martensite, en raison de la différence de ductilité entre ces deux phases (décohésion interfaciale).

Même si aucune des deux nuances n’atteint la cible mécanique fixée (Rm=800MPa,Ault =

30%), elles en sont très proches (l’allongement uniforme est même atteint sur le DT 900), alors qu’aucun effet TRIP n’a eu lieu. Cela laisse penser que si on arrivait à déclencher un effet TRIP (en déstabilisant légèrement l’austénite), la cible mécanique serait alors aisément atteinte. De plus, par rapport à la famille UFG, la famille DT présente deux atouts importants pour une production industrielle : une faible sensibilité à la température de recuit et l’absence d’instabilités plastiques, ainsi qu’un inconvénient : la présence de clivage.

A partir de ce constat, il semble intéressant de faire des essais à plus basse température, d’une part pour déstabiliser l’austénite retenue et « forcer » l’apparition d’un effet TRIP, d’autre part pour mieux étudier la sensibilité au clivage des deux nuances de la famille DT et découvrir les mécanismes de rupture mis en jeu à plus basse température.

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