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La perspective d’étudier d’autres composés métal-organiques d’étain avec une température de décomposition inférieure à celle de l’oxalate d’étain a donc été envisagée. Le formiate d’étain Sn(HCO2)2 est un candidat potentiel. Il fait partie des composés ciblés au cours de l’état de l’art. Il est beaucoup moins étudié, utilisé et décrit dans la littérature que l’oxalate d’étain. La recherche d’une référence commerciale n’a donné aucun résultat. Les deux composés sont pourtant proches, au moins par la formule chimique (2 atomes d’hydrogène de différence).

Synthèse

L’étude des conditions de synthèse du formiate d’étain s’est inspirée du protocole proposé par Donaldson et Knifton117 et repris par la suite dans d’autres travaux120–122. Le meilleur rendement a été obtenu lors de ces travaux pour une synthèse à partir de monoxyde d’étain chauffé à reflux dans l’acide formique HCOOH, le tout étant placé sous balayage d’azote. Les mêmes auteurs ont rapporté qu’un essai de synthèse à partir d’étain métallique et d’acide formique n’avait en revanche donné aucun produit solide après évaporation du solvant.

Dans un souci de recherche d’un protocole de synthèse facile à mettre en œuvre, les essais de synthèse de formiate d’étain n’ont pas été réalisés sous balayage d’azote dans ce travail. Dans la même optique, la synthèse du composé a été effectuée à reflux mais aussi à température ambiante. Pour être proche des méthodes décrites dans la littérature, le monoxyde SnO et l’étain Sn ont été tous les deux utilisés comme source d’ions Sn2+ (Tableau III.2).

Tableau III.2 : Conditions expérimentales de synthèse des échantillons de formiate d’étain

Echantillon Réactifs Température

ForSn1 SnO Acide formique 101°C (reflux)

ForSn2 Sn Acide formique Tambiante

ForSn3 Sn Acide formique 101°C (reflux)

Pour notre protocole expérimental, le mélange réactionnel (SnO ou Sn dans l’acide formique) est maintenu sous agitation pendant quatre heures. Contrairement à ce qui est décrit dans la littérature, la dissolution de la poudre de métal ou d’oxyde n’est pas constatée, quelle que soit la température du mélange. Le changement de couleur de la poudre sous agitation dans l’acide constitue un indicateur d’avancement de la réaction. La poudre noire de monoxyde d’étain devient beige (échantillon ForSn1) et la poudre grise d’étain prend une teinte gris clair (ForSn2). Le produit solide obtenu est filtré et séché à l’air libre sans être lavé. L’acide formique résiduel s’élimine par évaporation lors du séchage. La caractérisation par DRX montre que les réactifs SnO ou Sn ne sont plus présents en fin de réaction (cf. III.2.2). L’échantillon ForSn1 a

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été préparé dans des conditions proches de celles décrites dans la littérature. En revanche, l’échantillon ForSn2 a été obtenu dans des conditions différentes. Il démontre la possibilité de préparer le formiate d’étain sans chauffage, sans balayage d’azote et à partir d’étain métallique. Les conditions de synthèse de l’échantillon ForSn3 ont donné un résultat original : le chauffage à reflux du mélange de l’acide formique et de la poudre métallique a abouti au frittage de la majeure partie des grains d’étain qui se sont rassemblés en un bloc très dur au bout de deux heures d’agitation. Une analyse DRX a montré que la surface extérieure du bloc formé était composée à la fois d’étain et de formiate d’étain. En revanche, la découpe du bloc a révélé un cœur métallique dense et brillant (Figure III.21).

Figure III.21 : Morceaux du bloc métallique formé à partir de poudre d’étain chauffée à reflux dans l’acide formique (photo prise après découpe)

Une petite partie de l’étain a réagi avec l’acide pour former des cristaux translucides de formiate d’étain de plusieurs centaines de microns de dimensions (Figure III.27). Ces cristaux ont permis la résolution de la structure du composé par DRX par le monocristal (voir III.2.2.2). Ce comportement implique un mauvais rendement de la synthèse de formiate d’étain. Il confirme toutefois la capacité des acides organiques comme l’acide formique à activer la surface des particules métalliques et à favoriser le contact entre ces particules par dissolution des oxydes de surface. C’est sur cette réactivité que s’appuient la chimie des flux (cf. I.1.3.1) et le brasage en présence de vapeur d’acide formique (I.1.3.2.3). Ici, les conditions très favorables (acide concentré chauffé à 101°C et agitation de la solution) ont permis un fort contact entre particules métalliques, bien en dessous du point de fusion de l’étain (232°C). On constate que l’acide formique réagit lentement à température ambiante avec les particules d’étain pour conduire à la formation de formiate d’étain. C’est donc le chauffage qui active les surfaces métalliques et facilite, après dissolution de l’oxyde de surface par l’acide, le frittage de l’étain, au détriment de la formation de formiate d’étain. On obtient dans un cas une poudre uniquement constituée de formiate d’étain (échantillon ForSn2 préparé à température ambiante) et dans l’autre cas un mélange de formiate d’étain et d’étain fritté (échantillon ForSn3 préparé par chauffage à reflux). Ce résultat très intéressant révèle que l'on peut procéder au frittage de l'étain aux environs de 100°C seulement. Nous n'avons toutefois pas su l’exploiter dans un procédé de brasage conventionnel. Les conditions décrites ci-dessus sont difficiles à reproduire dans l'espace confiné réservé aux joints brasés. Dans un contexte très proche, un brevet Motorola71 propose de modifier la surface de particules d’alliage de brasure à base d’étain par réaction avec l’acide formique à reflux. L’idée est de former une couche surfacique de formiate de métal qui protège

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l’alliage de l’oxydation jusqu’à l’étape d’assemblage. Cette couche protectrice est éliminée au moment du brasage par décomposition/vaporisation.

Caractérisation structurale

Diffraction des rayons X par la poudre

L’analyse DRX des différents échantillons synthétisés (Figure III.22) a montré qu’il s’agit de formiate d’étain de formule chimique Sn(HCO2)2 (maille triclinique, groupe d’espace P1̅, a = 5,30 Å, b = 8,83 Å, c = 5,27 Å, α = 104,4°, β = 105,8°, γ = 82,8°), en accord avec la fiche ICSD 151322120. Pour les échantillons ForSn1 et ForSn2, les différences des intensités relatives des pics de diffraction avec la référence résultent d’orientations préférentielles des grains de poudres, anisotropes, lors de leur mise en place dans les porte-échantillons. Bien que les cristaux de ForSn3 aient été broyés avant l’analyse DRX, le diffractogramme indique une orientation préférentielle caractéristique d’un échantillon quasi-monocristallin. Seuls les pics (001), (011̅), (110) et (003) sont bien définis dans la gamme 2θ = 10-40°.

Figure III.22 : Diffractogrammes des échantillons de formiate d'étain : (a) ForSn1 (b) ForSn2 (c) ForSn3 (d) référence ICSD 151322

Diffraction des rayons X par le monocristal

L’observation des cristaux de l’échantillon ForSn3 sous lumière polarisée a confirmé leur caractère monocristallin. Un cristal a été sélectionné pour l’acquisition des données de diffraction des rayons X, ce qui a permis l’affinement de la structure cristalline. Les résultats

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sont en accord avec la structure décrite par Harrison et Thornton en 1978120 qui a donné lieu à la fiche ICSD 151322 (Tableau III.3). La représentation graphique de la structure a été effectuée à l’aide du logiciel VESTA188 (Visualization for Electronic and STructural Analysis). Comme il a été expliqué en I.3.3.3, le formiate d’étain possède une structure en feuillets 2D (Figure III.23) dans laquelle l’étain est entouré de 4 atomes d’oxygène provenant chacun d’un groupement formiate différent. Les polyèdres SnO4E sont déformés par l’activité stérique du doublet non liant E de l’étain. Le désordre de la structure explique l’occupation ½ des sites pour les atomes de carbone et d’oxygène et l’environnement différent pour deux atomes d’étain adjacents (Figure III.24). Le détail des résultats de l’affinement est donné en Annexe 5.

Tableau III.3 : Comparaison des résultats de l’affinement de structure de l’échantillon ForSn3 avec la maille de la fiche ICSD 151322120

Echantillon ForSn3 Sn(HCO2)2 ICSD 151322120 Groupe d’espace Triclinique, P1̅ Triclinique, P1̅

a (Å) 5,2683(3) 5,271(2) b (Å) 5,3088(3) 5,303(2) c (Å) 8,8245(5) 8,834(3) α (°) 82,706(4) 82,82(2) β (°) 75,495(5) (≡180 – 104,505) 104,38(2) γ (°) 73,987(4) (≡180 – 106,013) 105,75(2) V (Å3) 229,227(13) 229,8 Masse volumique (g.cm-3) 3,02 3,02 Z 2 2 F(000) 196 192

Type de radiation Mo-Kα (λ = 0,7107 Å) Mo-Kα (λ = 0,7107 Å)

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Figure III.23: Empilement des feuillets 2D dans la structure du formiate d’étain (projection sur le plan bc)

Figure III.24 : Connectivité au sein des feuillets 2D dans la structure du formiate d’étain (projection sur le plan ab). Un seul des deux réseaux liés au désordre est représenté. Les atomes de la couche inférieure sont visibles par transparence.

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Spectroscopie infrarouge

Les modes de vibration caractéristiques du formiate d’étain ont déjà été rapportés dans la littérature120,189, ce qui nous permet d’identifier les différents signaux du spectre obtenu (Figure III.25). La bande à 2875 cm-1 est caractéristique de l’élongation νC-H. Les signaux à 1545 cm-1 et 1337 cm-1 correspondent respectivement aux modes d’élongation asymétrique et symétrique νO-C=O. Les bandes à 1366 cm-1 et 1061 cm-1 sont respectivement attribuées aux déformations dans le plan et hors du plan δC-H. La bande à 780 cm-1 est caractéristique de la déformation symétrique δO-C=O.

Figure III.25 : Spectre infrarouge du formiate d'étain

Analyse morphologique

L’observation au MEB des échantillons ForSn1 et ForSn2 montre que la plupart des particules sont facettées avec des contours bien définis (Figure III.26). Leur taille est de l’ordre de 20 microns mais on observe des particules beaucoup plus petites et sans forme géométrique particulière. Les cristaux de l’échantillon ForSn3 ont été à la fois observés en microscopie optique et électronique (Figure III.27). Ils possèdent la même géométrie et des faces aussi bien définies que les particules des poudres des échantillons précédents.

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Figure III.26 : Morphologie des particules de formiate d'étain : (a et b) ForSn1 (c et d) ForSn2

Figure III.27 : Morphologie des cristaux de formiate d’étain ForSn3 observée au microscope optique (a et b), électronique (c)

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