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Chapitre VI : Etude des cinétiques d’élimination des biofilms de Pseudomonas

VI.6. Etude de l’effet chimique

Résumé

L'hygiène des surfaces affecte la qualité et la sécurité des produits alimentaires. Cependant, si l'équipement et l'environnement de transformation sont conçus de manière hygiénique, un programme de nettoyage et une désinfection efficace sont la principale méthode de contrôle de la contamination des surfaces. Si les procédures d’hygiène ne sont pas efficaces, les micro-organismes et les résidus de produits alimentaires resteront à des concentrations qui peuvent affecter la qualité et la sécurité du produit transformé par ces mêmes lignes de production. Nous pouvons rappeler ici les principales étapes de ces procédures d’hygiène: le mouillage des dépôts par le produit chimique de nettoyage, la réaction de la substance chimique pour faciliter l’élimination des souillures de la surface, une action mécanique destinée à arracher les souillures et la prévention de la rédéposition suivi éventuellement par une désinfection des surfaces propres (le Gentil et al., 2010 ; Jennings, 1965; Koopal 1985; Holah 1992).

Cette étude, essentiellement basée sur l’effet de l’énergie chimique nous à permis dans un premier temps de confirmer les conclusions faite par Bird & Barlett (1995) et dans un second temps de montrer que lors du contact du produit avec les désinfectant, la dissolution de celui-ci engendre sa déstructuration l’arrachement

L’objectif principal de cette étude est de prendre en compte l’effet de l’action chimique dans les mécanismes d’élimination des biofilms et d’identifier dans un premier temps le rôle du détergent seul puis de la combinaison actions mécaniques et chimiques sur un exemple de conditions opératoires. Nous ne prétendons pas ici apporter des réponses exhaustives. Pour rappel, le nettoyage industriel des surfaces fermées est un processus qui fait intervenir plusieurs facteurs que sont l'énergie mécanique (hydrodynamique) employée pour enlever physiquement les souillures, l’énergie chimique (détergent) qui va découper les souillures, les dissoudre, les hydrater, réduire les forces d’interaction surface/souillure pour les rendre plus faciles à enlever, l'énergie thermique (température) quant à elle agit sur les réactions chimiques, sur la facilité à hydrater les souillures organiques et le temps de nettoyage, c’est-à-dire, le temps de contact entre les souillures et le liquide aux concentrations ou aux températures variables.

La soude (NaOH) est le principal composant utilisé dans les détergents alcalins destinés au NEP. C’est une base forte reconnue comme excellente pour l’élimination des souillures protéiques (dénaturation, hydratation…) et grasses (saponification) (Watkinson, 2008). C’est la principale molécule utilisée en industrie laitière pour l’élimination des dépôts formés sur les surfaces des échangeurs de chaleur et a fait l’objet de nombreux travaux appliqués à ces industries (Lalande et al., 1884, Bird & Barlett, 1995 ; Fryer et al., 1993). Par ailleurs, en raison de son faible coût et de son efficacité, cette base est également utilisée dans les autres secteurs agro-industriels.

Dans cette étude, cinq concentrations de soude ont été testés : 0,1 ; 0,25 ; 0,45 ; 0,5 et 0,6% et nous rappelons que le nettoyage s’effectue en conditions statiques par trempage des tubes. Pour chaque concentration de soude, quatre essais ont été effectués.

Afin de déterminer l’effet de ce détergent sur le décrochement du biofilm, la même approche cinétique a été mise en œuvre avec un temps maximum de trente minutes qui correspond à une valeur maximale pour les industriels ; 15 à 20 min sont plutôt des temps d’application du détergent alcalin classique. Les résultats après modélisation sont présentés dans le graphique ci-dessous (Figure VI.6).

Figure VI. 6

:

Cinétique d’élimination de l’effet chimique en statique (0,1 ; 0,25 ; 0,45 ; 0,5 et 0,6%) sur des biofilms de

Pseudomonas fluoresens

L’observation des courbes nous montre deux groupes de concentrations. Le premier groupe constitué des concentrations 0,1 ; 0,35 et 0,45 % et le second groupe composé de 0,5 et 0,6%. Bien que l’on observe une plus grande variabilité entre les essais que précédemment le phénomène d’élimination du biofilm se déroule comme pour l’action mécanique en deux phases. L’ensemble des paramètres d’ajustement du modèle sont présentés en annexe 6 avec les valeurs des critères d’ajustement.

Ainsi pour les trois concentrations les plus faibles on observe environ 3 à 4 log de réduction après trois premières minutes de contact avec la soude avec un Kmax1 d’environ 3,5 s

-1

(tableau 1). L’identification de ce paramètre reste délicate compte tenu de la variabilité observée en particulier au temps 1 min. L’analyse statistique ne permet pas de distinguer l’effet de ces trois concentrations 0,1, 0,35 et 0,45% sur la constante de vitesse d’élimination de cette sous-population sensible aux effets de la soude. Nous ne pouvons pas non plus statuer sur une éventuelle amélioration de l’élimination du biofilm par comparaison avec un simple trempage dans l’eau ou avec une action mécanique douce (0,144 Pa).

0,6 % alors qu’elle n’atteint pas 0,5 log pour les trois concentrations les plus faibles. On a vérifié que l’effet perçu (1 log de réduction) n’était pas lié à la mortalité. Pour ce faire, les biofilms récupérés par grattage (piston) étaient observées sous microscope à épifluorescence avec une coloration live-dead après étalement sur lame. Cependant, nous avons pu constater que ces deux valeurs de 0,5 et 0,6% en soude correspondent à l’optimum de concentration identifié par Bird & Barlett (1995) pour l’élimination de souillures protéiques.

Tableau VI.2. : Valeurs moyennes des paramètres du modèle cinétique identifié.

Il est bien établi que les bactéries au sein d’un biofilm sont plus résistantes que les bactéries en suspension dans un milieu ou même simplement adhérentes. Cette résistance est attribuée aux propriétés spécifiques du biofilm et en particulier la présence d’EPS (Hoyle et al., 1992). La résistance de biofilms comme Pseudomonas fluorescens est classiquement étudiée sur des biofilms plus âgés ; 7 jours par exemple pour Simoes et al. (2008, 2009). Il est remarquable d’observer que même dans le cas de biofilms « jeunes », il reste une quantité de bactéries viables et cultivables non négligeable (10² ufc.cm-2) sur les surfaces après 20

minutes de trempage dans de la soude à 0,6% même si en moyenne comme le montre la figure VI-7, la valeur de Kmax2 augmente de façon significative.

Contrainte(Pa) 0.1% 0.25% 0.45% 0.5% 0.6% f 0,999 0,999 0,999 0,999 0,999 Paramères Kmax1 (s -1 ) 3,36 4,57 2,10 8,83 4,32 Kmax2 (s -1) 0,01 0,02 0,01 0,13 0,23

0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0.1% 0.25% 0.45% 0.5% 0.6% K m a x 2 Concentration NaOH

Figure VI. 7 : Influence de la concentration de soude sur le paramètre Kmax2 (s-1

).

Nous avons vu sur coupons que les biofilms étudiés forment des structures en 3 dimensions où la présence d’EPS est visible. La soude a donc pour effet de dissoudre ces amas comme le montrent les images de biofilms récupérés par grattage (piston) des surfaces des tubes et colorés par la coloration Live-Dead. On peut observer sur les images jusqu’à 0,45% de soude la présence d’amas cellulaire. Au-delà, des cellules de plus en plus isolées sont observées, c’est le cas à 0,5 et à 0,6%. A 0.6% et 5 min de trempage dans de la soude, ne sont observées pratiquement que des cellules isolées. Il n’en reste pas moins que les cellules sont encore vivantes.

0,1 % NaOH à 5 min 0,45 % NaOH à 5 min

0,5 % NaOH à 5 min 0,6 % NaOH à 5 min

Figure VI.8 : Coloration Live-Dead de biofilm récupérés des tubulures après 5 min de mise en contact avec de la soude pour les concentrations de 0,1, 0,45, 05, et 0,6 %(X100).

Cela est conforme aux observations de Gibson et al. (1999) qui ont constaté que les agents nettoyants commerciaux étaient inefficaces pour éliminer les biofilms de Pseudomonas et Staphylococcus. Bredholt et al. (1999) ont également observé que dans un système de nettoyage à basse pression, l’utilisation d’un nettoyant alcalin appliqué sous forme de mousse en combinaison avec un désinfectant (acide peracétique) s’est avérée inefficace dans l’élimination des toutes les souillures bactériennes d'une surface.

Cependant, les nettoyants alcalins employés dans les industries alimentaires contiennent parfois des additifs chlorés et des chélateurs, qui en plus de leur capacité de nettoyer, peuvent aider à dissoudre les biofilm (EPS) aux températures employées dans cette étude (Frank, J. F., 2000). Les travaux récents de Lequette et al. (2009) sur nettoyants

enzymatiques donnent également des pistes sérieuses pour la formulation de nettoyants efficaces et moins impactants pour l’environnement.