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3. Caractérisation physique du rodage industriel

3.3. Caractérisation de l’abrasion par rodage

3.3.2. Etude de la formation de la texture de surface

La rugosité finale d’un fût rodé fait apparaître sur la surface une texture à motifs croisés. Ces deux échelles sont souvent étudiées après le procédé. Aucune mesure n’est réalisée pendant le court cycle de rodage. Cependant, il est possible, en connaissant bien la machine, de programmer des micro-cycles de rodage permettant de ne réaliser qu’un seul battement avec contact. Cette étude a l’ambition d’observer la formation de la texture et de la rugosité après chaque passage de pierre. Pour bien étudier cette opération unitaire, nous avons mesuré l’état de surface après chaque battement avec un rodoir à 2 pierres.

3.3.2.1. Protocole de l’expérience

L’expérience est assez fastidieuse puisqu’elle consiste essentiellement à répéter les mesures de rugosité tactile, et à réaliser des empreintes de la surface entre chaque opération de rodage à simple battement.

Deux carters (soit 8 fûts) ont été rodés battement par battement. Les mesures ont été réalisées avant toute opération puis entre chaque battement de 1 à 6 et enfin après 10 battements.

Nous utilisons deux pierres abrasives IAS65/80. Les conditions de coupe restent identiques entre chaque opération.

Le premier carter (carter 1) est pris à l’état brut, permettant ainsi d’observer la texture alésée s’effacer pour laisser apparaitre la texture rodée à stries croisées. Dans ce cas, on observe que la rugosité diminue après chaque battement pour atteindre la valeur nominale pour cet abrasif dans ces conditions de coupe.

Le deuxième carter est lui à l’inverse pré-rodé très très fin avec une méthode spéciale (pierre plateau SC800, pression d’expansion moyenne, très grande vitesse de coupe et angle de stries très faible). A l’état initial la rugosité Ra est proche de 0,02µm, quasi-miroir. Cette surface lisse va être progressivement marquée par l’abrasif à gros grains choisi. Dans ce cas, on observe que la rugosité augmente avant d’atteindre la valeur nominale de régime stabilisé d’abrasion. Les empreintes réalisées permettent de garder une trace de l’aspect de surface entre chaque battement.

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3.3.2.2. Résultats expérimentaux

L’ensemble des essais a été mené avec les mêmes conditions de coupe, à savoir une vitesse d’expansion de 8µm/s, un angle de coupe de 45° et une vitesse de coupe de 45m/min. Les deux pierres IAS65/80 de 70 mm par 7 mm sont disposées diamétralement sur le rodoir. Avant chaque essai, la mise à l’origine du système d’expansion est réalisée par une prise de contact des pierres dans le fût. Cette opération est nécessaire pour que l’abrasif se retrouve immédiatement en contact avec le fût à la vitesse de consigne. L’essai est en fait réalisé en 3 ou 4 battements, mais seul un battement est effectif avec contact. Cette astuce de programmation déclenche l’interruption du cycle de rodage spontanément après un seul battement. La rétractation des pierres laisse parfois des traces horizontales ou mal inclinées, qui détériore l’aspect de surface mais influence peu la rugosité.

La rugosité des surfaces rodées a été mesurée par palpage tactile sur une longueur de 16mm le long d’une génératrice du cylindre. Les mesures sont effectuées en 3 niveaux dans chaque fût. Pour chaque carter et pour chaque battement les points des figure 97 et figure 98 sont donc issus de 12 mesures de rugosité, l’écart type moyen est noté σ en µm pour chaque critère dans les légendes.

Figure 97 : Evolution des critères de rugosité en fonction du nombre de battements.

Pour le carter 1, figure 97, on remarque après le premier battement une forte diminution du critère Rz (rugosité maximale) qui s’accompagne d’un réduction des pics et des vallées (Rpk et Rv). Cette observation est liée à l’effacement des traces de l’alésage. En 1 battement avec 2 pierres toute la surface est balayée au moins une fois. Ce premier battement entame le gommage de la rugosité initiale. Du premier au sixième battement l’évolution des critères Ra, Rv, Rpk et Rz est constante et régulière. La rupture de régularité lors du troisième battement est due à un déréglage du programme. En effet, à partir de cet essai, la vitesse d’expansion a malencontreusement été augmentée à 14µm/s au lieu de 8 µms/s. Cette erreur a été détecté mais il n’était pas possible de recommencer toute l’expérience. Nous avons conservé cette nouvelle valeur d’expansion jusqu’à la fin.

Pour le carter 2, figure 97, on remarque que la rugosité maximale augmente de manière exponentielle inverse pour se rapprocher de la valeur stabilisée. L’erreur de programmation de vitesse d’expansion affecte l’essai du quatrième battement. Au départ (premier et deuxième battement) l’abrasif forme des stries en vallée dans la surface extrêmement lisse, ce qui se traduit par l’augmentation forte du critère Rvk.

Après le cinquième et sixième battement, les qualités micro géométriques des surfaces des cylindres des deux carters évoluent quasiment à l’identique.

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Figure 98 : Evolution du critère de rugosité Ra en fonction du nombre de battement pour les deux carters.

La figure 98 représente l’évolution du critère de rugosité arithmétique Ra au cours de l’expérience. Cette représentation graphiques des résultats expérimentaux montre bien la convergence de la qualité de micro-géométrie sous conditions de coupe constante (et standard).

3.3.2.3. Interprétations

La figure 99 représente l’évolution des taux de portance après chaque battement.

Sur le carter 1, avec une rugosité initiale importante, on observe que le premier battement a un effet uniquement sur les crêtes du profil de rugosité. Pour ce battement l’abrasif agit comme en rodage plateau. Jusqu’au troisième battement, l’écart entre les fonds des vallées et le haut des pics se réduit. Après il se stabilise autour de la valeur propre du régime stable.

Le carter 2 a été pré-rodé à l’état poli remarquable sur la figure 99 (état initial, pointillé bleu). On constate que les premiers battements (1 et 2) créent des vallées importantes. A partir du troisième battement le profil de rugosité est impacté sur ses trois niveaux. La hauteur des crêtes augmente jusqu’au sixième battement. Ensuite, le profil de rugosité converge vers la même courbe de taux de portance. On peut identifier sur les deux carters cette courbe en vert qui est la signature micro géométrique du régime stable de cet abrasif.

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Ces expériences, sous conditions de coupe quasi constantes, permettent d’interpréter le comportement de l’abrasion en rodage pendant le régime transitoire. Cette période transitoire converge toujours vers un régime stable pour lequel la qualité est indépendante du temps et de l’état initial. Cependant, les études de [9] montrent qu’au-delà d’une plage de vitesse et de force d’expansion, il n’est pas possible d’atteindre un régime stable, car l’abrasif se détériore trop vite. Nos conclusions sont uniquement applicables pour des conditions de coupe comprises dans la plage normale d’utilisation de l’abrasif.

Le régime transitoire commence par une action sur les crêtes quand la rugosité initiale est supérieure à la rugosité caractéristique du régime stable. Sur une surface dont la rugosité initiale est inférieure à la rugosité caractéristique du régime stable, l’abrasif agit sur les fonds du profil de rugosité. Ce phénomène peut s’apparenter à l’action de petites dents qui rayent la surface. La convergence vers le régime stable est précédée d’un léger dépassement dans les deux cas. Ce phénomène s’explique par l’entrée en régime stable et la convergence du profil de rugosité avec le « profil de coupe » apparent caractéristique de l’abrasif à ce régime stabilisé.

En conclusion, la coupe par abrasion en rodage agit bien comme un peigne sur la micro géométrie. La géométrie de ce peigne dépend évidemment des caractéristiques de l’abrasif, mais le volume balayé par les dents de ce peigne dépend des conditions de coupe. Cette expérience valide le modèle de coupe par abrasion de la partie 2.2.3.2.

3.3.3. Conclusion

Les études présentées dans cette partie ont permis de quantifier l’enlèvement de matière des abrasifs carbure de silicium ou diamant couramment utilisés. Les caractéristiques recensées permettent d’alimenter la simulation pour calibrer le modèle théorique.

Enfin, l’expérience originale de la formation de la micro-géométrie montre que la maîtrise de la durée de l’opération permet d’atteindre des qualités différentes de la rugosité propre de l’abrasif.