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II- Coordination du Cu aux différentes formes du peptide Aβ

II. 3- Etude comparative et structurale

La comparaison des spectres DC des complexes Cu(II)-Aβ1-16, Cu(II)-Aβ3-16, Cu(II)-Ac-Aβ1-16 et Cu(II)-Aβp3-16 en fonction du pH est intéressante. Dans la figure 2, on remarque de grandes similitudes entre les signatures spectroscopiques des complexes Cu(II)-Aβ3-16 et Cu(II)-Aβ1-16 ainsi qu’entre celles des complexes Cu(II)-Aβp3-16 et Cu(II)-AcAβ1-16. Dans le panneau A (Cu(II)-Aβ3-16 et Cu(II)-Aβ1-16), la forme des bandes d-d et de la bande négative à ~280nm correspondant à la transition LMCT –NH2 est

globalement la même. Néanmoins, on note quelques différences, une bande de faible intensité positive à ~650nm dans le cas du complexe Cu(II)-Aβ1-16 qui n’est pas présente chez le Cu(II)-Aβ3-16. De plus, sur le spectre du complexe Cu(II)-Aβ3-16, on observe un déplacement de la transition à 325nm (vers 315nm) correspondant à une bande de transfert de charge N- vers Cu(II), et de la transition à 285nm (vers 275nm) correspondant à une bande de transfert de charge NH2 vers Cu(II). Ce déplacement n’est pas présent sur le spectre du

Cu(II)-Aβp3-16 et Cu(II)-Ac-Aβ1-16 sont hautement identiques. Par ailleurs, comme attendu, la transition de transfert de charge NH2 vers Cu(II) n'est pas détectée. Cette très grande

ressemblance entre les signatures des complexes Cu(II)-Ac-Aβ1-16 et Cu(II)-Aβp3-16 et des complexes Cu(II)-Aβ1-16 et Cu(II)-Aβ3-16, confirme l'implication de l’amine N-terminale dans la coordination du Cu aux peptides Aβ1-16 et Aβ3-16.

Figure 2 : Spectres de DC de Cu(II)-Aβ3-16 (panneau A) et Cu-Aβp3-16 (panneau B) en fonction du pH (d’acide bleu à basique rouge). En cartouche, les spectres DC de Cu(II)- Aβ1-16 (panneau A) et de Cu(II)-Ac-Aβ1-16 (panneau B). Conditions : [Cu-peptide] = 0.45mM ; ℓ=1cm ; T = 25°C.

Ainsi, on peut donc d’ores et déjà observer deux groupes de complexes. Le premier, dans lequel l’amine N-terminale est liée au Cu(II) (Cu(II)-Aβ1-16 et Cu(II)-Aβ3-16) et le second, dans lequel l’amine N-terminale étant bloquée, elle ne peut intervenir dans la complexation du Cu(II) (Cu(II)-Ac-Aβ1-16 et Cu(II)-Aβ3-16).

b- RPE

La figure 3 présente les complexes Cu(II)-peptide à différents pH organisés selon les groupes définis ci-dessus : l’un avec les peptides Aβ1-16 et Aβ3-16 (amine terminale libre) sur le panneau A, l’autre avec les peptides AcAβ1-16 et Aβp3-16 (amine terminale bloquée) sur le panneau B.

Figure 3 : Spectre RPE des complexes Cu(II)-peptides à une selection de pH. Panneau A, Cu(II)-Aβ1-16 (noir) et Cu(II)-Aβ3-16 (gris). Panneau B, Cu(II)- AcAβ1-16 (noir) et Cu(II)-Aβp3-16 (gris). [Cu(peptide] = 1 mM, T = 110 K, v = 9.5 GHz.

Sur le panneau A, on constate que les complexes Cu(II)-Aβ3-16 et Cu(II)-Aβ1-16 présentent les mêmes signatures spectroscopiques, mais à des pH différents. En particulier, l’espèce III est nettement plus visible sur le spectre du complexe Cu(II)-Aβ3-16 que sur celui de Cu(II)-Aβ1-16 (données non montrées). Cela est dû à sa présence sur une grande plage de pH (voir tableau 1). Le pKa de I / II est vue à ~ pH 7,0 dans le cas du peptide Aβ3-16 et à ~ pH 7,8 ans le cas du peptide Aβ1-16 (voir le panneau A de la Figure 3).

Dans le panneau B, à l’instar du DC, les spectres RPE des complexes Cu(II)-AcAβ1- 16 et Cu(II)-Aβp3-16 sont hautement semblables. En effet, les différents modes de coordination du Cu(II) sont observés pour des pH très proches (voir tableau 1). Le DC et la RPE suggère donc que les modes de coordination du Cu(II) par les peptides Aβp3-16 et AcAβ1-16 sont similaires, tout comme leur dépendance en fonction du pH.

Il faut noter ici que l’utilisation de la RPE, comme unique technique, et sur une plage de pH réduite peut conduire à des erreurs d’interprétation. En effet, les espèces II’ et III’ possèdent des paramètres RPE très proches des espèces I et II, respectivement. Cette erreur fut commise dans les travaux de Drew et al., où il fut conclu que la coordination du Cu(II) aux peptides Aβ3-16 et Aβp3-16 était semblable (puisque les complexes Cu(II)-AcAβ1-16 et Cu(II)-Aβp3-16 présentent les mêmes signatures RPE) et par conséquent que la fonction NH2

Peptide pKa I / II pKa II / III pKa III / IV

Aβ1-16 7.8 9.3 10.1

Aβ3-16 7.0 7.5 10.0

pKa I’ / II’ pKa II’ / III’ pKa III’ / IV’

Aβp3-16 5.3 7.6 8.8

AcAβ1-16 5.2 7.5 8.7

Tableau 1 : Valeurs des pKa des complexes Cu(II)-Aβ1-16, Cu(II)-Aβ3-16, Cu(II)- Aβp3-16 et Cu(II)-AcAβ1-16 basées sur la spéciation des signatures RPE des différentes espèces en fonction du pH

c- RMN 13C

Afin d’aller plus loin dans l’exploration de la sphère de coordination du Cu(II), et en particulier pour identifier les résidus impliqués dans la coordination du Cu(II), nous avons utilisé la RMN du 13C en absence et en présence de Cu(II).

Cu(II)-Aβ3-16

Figure 4 : RMN 13C centré sur les Cα du peptide Aβ3-16 à pH 6,0 (panneau A) et à pH 8,6 (panneau B) en absence (noir) et en présence (gris) de Cu(II). Les lignes en pointillés indiquent les résidus affectés par l’ajout de Cu(II). Condition : [Aβ3-16] = 10 mM, T = 25 °C, [Cu(II)]=200µM à pH 6,0 ; [Cu(II)]=3mM à pH 8,6, ν = 125,.8 MHz.

Dans la figure 4, on observe le spectre RMN 13C du peptide Aβ3-16 dans la zone des Cα à pH 6,0 (panneau A) et pH 8,6 (panneau B) avec (gris) et sans (noir) Cu(II). Le but est de comparer la coordination du Cu(II) dans l’espèce I et dans l’espèce II de Cu(II)-Aβ3-16. Il faut noter que lorsque le Cu(II) est lié par deux fonctions amides déprotonées ou plus, il n'y a plus d'échange du Cu(II) entre peptide et, en conséquence, le signal du peptide est totalement effacé. Le signal restant est donc celui du peptide libre ou du peptide lié au Cu(II) dans l'espèce II. Ainsi, en se plaçant à pH 6,0 et pH 8,6, la coordination reflétée par la RMN sera celle de l’espèce I et de l’espèce II, respectivement. On constate qu’aux deux pH, le signal Cα du Glu3 est largement affecté par l'ajout de Cu(II), ce qui est attribué à la coordination du NH2 terminal (celui-ci étant adjacent au Cα du Glu3). On remarque aussi que le signal du Cα

de la Lys16 (adjacent au COO- terminal) est affecté. Les groupements carboxylates sont généralement très affectés par l’addition du Cu(II). En effet, ils sont flexibles et peuvent intervenir dans la coordination du Cu(II) comme ligand apical ou lors de l’échange rapide du Cu(II) entre les peptides. Cet élargissement n'est donc pas spécifique. Par ailleurs, le groupe COO- de la Lys16 n'est pas pertinent d'un point de vue biologique puisqu'il n'existe pas dans le peptide complet.A pH 8,6, on constate que le signal du Cα de la Phe4 est particulièrement affecté en présence de Cu(II). Cela indique la déprotonation de la fonction amide de la liaison Glu3-Phe4 dans l’espèce II du Cu(II)-Aβ3-16. Les signaux du Cα ainsi que du CO (non montré) de His6 sont aussi élargis par l'addition de Cu(II).

Cu(II)-Aβp3-16

Ci-dessous, la figure 5 présente le spectre RMN 13C du peptide Aβp3-16 en présence (gris) et en l’absence de Cu(II) (noir) dans deux zones d’intérêt: Cα (panneau A) et CO (panneau B). Les signaux Cα des groupements COO- sont affectés pour les raisons évoquées précédemment. Comme attendu, le signal Cα du pyroGlu3 n’est pas affecté puisqu’il n’intervient pas dans la coordination du Cu(II). Les différents signaux des résidus His 6, 13, 14 sont, quant à eux, largement affectés. Cependant, on notera que les signaux Cα et CO des His13 et 14 sont plus touchés que ceux de l’His6 par l’ajout du Cu(II).

Figure 5 : RMN 13C centré sur les Cα (panneau A) et les CO (panneau B) du du peptide Aβp3-16 à pH 7,0 en absence (noir) et en présence (gris) de Cu(II). Condition : [Aβp3-16] = 5 mM, [Cu(II)]=250µM, T = 25 °C, ν = 125,8 MHz.

d- Cu(I) & RMN 1H

Dans l’hypothèse de la toxicité du complexe Cu-Aβ via la formation de ROS, le Cu(I) est essentiel. En effet, la production de ROS nécessite le cycle redox Cu(II)/Cu(I). Dans ce contexte, nous nous sommes intéressés à la coordination du Cu(I) aux peptides Aβ.

Afin d’étudier si la coordination du Cu(I) diffère entre les différents peptides Aβ1-16, Aβ3-16 et Aβp3-16, nous nous sommes basés sur la méthode et les conditions décrites dans une précédente publication de l’équipe.12 Grâce aux spectres RMN 1H des peptides avec et sans Cu(I), nous avons pu identifier les résidus impliqués dans la coordination du Cu(I) (non montré). Les signaux des résidus His subissent une modification en présence de Cu(I). La manière dont ces signaux sont déplacés et élargis par l'ajout de Cu(I) sur les peptides Aβ3-16 et Aβp3-16 est hautement semblable aux modifications observées pour le peptide Aβ1-16. Ces informations suggèrent que la coordination du Cu(I) est inchangée entre les peptides Aβ1-16, Aβ3-16 et Aβp3-16. Il a été proposé que le Cu(I) est lié par le peptide Aβ1-16 via un couple préférentiel d’His (His13/14) en équilibre avec d’autres modes de coordination : couples d'His6/14 ou His6/13 ou via transitoirement les trois histidines.12 Le comportement par RMN 1H des peptides Aβ3-16 et Aβp3-16 en présence de Cu(I) étant identique à celui du peptide Aβ1-16, nous proposons donc la même coordination du Cu(I) pour les peptides Aβ1-16, Aβ3-16 et Aβp3-16 (voir § I.4.e-Metal ions Coordination to Aβ Cu(I) figure 8).

III. 4- Affinité

La connaissance de l’affinité d’un ion métallique pour un peptide est une donnée importante. En effet, ci-celle détermine si l’interaction ions métalliques – peptides est possible dans le vivant, indique le sens des équilibres entre peptides en compétition et permet de quantifier la fraction liée et la fraction libre. De plus, l’affinité est hautement dépendante de la coordination. Aussi, d’importantes modifications dans l’affinité suggère une coordination différente (et réciproquement).

Peptide Cu(II) Affinité (1010 M-1) Cu(I) Affinité (106 M-1)

Aβ1-16 1.1 ± 0.1 7.5 ± 1.0

Aβ3-16 0.33 ± 0.02 9.2 ± 0.9

Aβp3-16 0.008 ± 0.001 6.5 ± 0.5

AcAβ1-16 0.01 ± 0.001 12 ± 1.3

Tableau 2 : Valeurs d’affinité conditionnelle (i.e. affinité absolue à un pH, donné ici pH 7.4) des ions Cu(II) et Cu(I) pour les peptides étudiés.

a- Cu(I)

Les valeurs d’affinité du Cu(I) pour les peptides Aβ1-16, Aβ3-16, Aβp3-16 et AcAβ1-16 ont été obtenues par compétition avec la ferrozine suivant la procédure décrite dans la ref 13. Les valeurs d'affinité obtenues sont similaires pour les quatre peptides et comprise entre ~7-12 x106M-1 (voir tableau 2). Ces valeurs proches sont en accord avec une coordination du Cu(I) identique pour les quatre peptide Aβ1-16, Aβ3-16, Aβp3-16 et AcAβ1-16.

b- Cu(II)

Les affinités conditionnelles ont été obtenues par compétition des complexes peptidiques avec de la glycine (chélateur du Cu(II) de faible affinité) suivie par dichroïsme circulaire. Dans la figure 6, on observe la décroissance de la concentration en complexes avec l’augmentation de la concentration en glycine. Les courbes simulées selon la ref 14 permettent obtenir les valeurs de l’affinité conditionnelle indiquées dans le tableau 2. On constate que l’ordre d’affinité est le suivant : Aβ1-16 > Aβ3-16 >> Aβp3-16 ~ AcAβ1-16. Les affinités relatives du Cu(II) pour les peptides Aβ1-16, Aβ3-16, Aβp3-16 ont été calculées par différentes méthodes (données non montrées) et ont donné des résultats en accord avec les affinités conditionnelles mesurées. Il apparait clairement que la protection de l'amine

terminale que ce soit par acétylation ou par formation d'un cycle pyroglutamate diminue significativement l'affinité des peptides pour le Cu(II) en accord avec les modes de coordination précédemment déduits des études spectroscopiques.

Figure 6 : Concentration en complexe déterminé par DC en fonction de la concentration en glycine. Les points proviennent de l’expérience, les courbes sont simulées à partir des valeurs d'affinité reportées dans le tableau 2. Condition : [peptide-Cu] = 500µM ; [HEPES] = 100mM pH 7,4 ; ℓ=1cm ; les longueurs d’ondes en DC utilisées pour mesurer la concentration en complexe sont 315nm pour Cu(II)-Aβ1-16, 282nm pour Cu(II)-Aβ3-16, 280nm pour Cu(II)-Aβp3-16 et Cu(II)-AcAβ1-16.

II. 5- Coordination du Cu(II) sur Aβ3-16 et Aβp3-16

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