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PROSODIE DU BÀSÀA : TONS ET INTONATION

2.4. ETUDE ACOUSTIQUE DES TONS

L’étude des tons se fera sur un double plan, microprosodique et macroprosodique. Le plan microprosodique s’occupe des variations de hauteur, d’intensité ou de durée pour une seule syllabe ou pour un seul mot. La

48 | P a g e macroprosodie prend en compte la réalisation des tons et les influences dans le cadre de la coarticulation.

2.4.1. Méthodologie

Pour cette étude, nous avons composé un corpus de 80 mots (mono, bi et trisyllabiques) et 60 phrases courtes contenant des modalités assertives et interrogatives. Nous avons également veillé à ce que dans ce corpus apparaissent des cas de nasales syllabiques ainsi que les sept voyelles de la langue, à savoir ([i], [u], [e],[o],[], [], [a]), aussi bien avec le ton que le ton bas.

Afin de pallier l’influence de l’articulation du segment sur le ton qu’il porte, nous avons conçu un système de syllabe-clé, c’est-à-dire une syllabe qui reçoit toutes les voyelles et tous les tons dans le même contexte. Nous avons analysé un total de 990 syllabes. Ce corpus a été enregistré en studio, lu trois fois par un locuteur masculin adulte8. L’enregistrement était fait sous une fréquence moyenne de 16 KHz. Le locuteur a observé une vitesse de lecture normale, sans émotion. Ainsi, nous avons obtenu environ 25 minutes de corpus. Ensuite, le signal sonore a été annoté dans des textgrids sous PRAAT, avec correction manuelle. Nous avons pu relever les paramètres de F0, la seule unité prosodique que nous emploierons dans cette étude.

2.4.2. Microprosodie

En bàsàa, le ton couvre toute la syllabe. En isolation et essentiellement sur les mots monosyllabiques, la syllabe a une durée moyenne de 43 cs. La courbe mélodique est généralement montante sur les tons hauts et dans le sens inverse pour le ton bas. Le tableau n°2 suivant présente les paramètres de moyens de F0 des syllabes, concernant les fréquences minimales et maximales.

8 En l’état, ces résultats sont provisoires et cette analyse devrait être étendue à plus de locuteurs et plus de syllabes, incluant aussi bien les femmes que les enfants.

49 | P a g e Tons Min

(Hz)

Ecart-type Mean

(Hz)

Ecart-type Max

(Hz) Ecart-type

L 79 5 88 5 102 11

H 131 11 140 8 151 10

Tableau n°2 : Valeurs de F0 des tons(en Hz)

Ces tendances se voient mieux sur les graphiques n° 1 et n° 2 ci-après :

Graphique n°1 : Gabarit du ton bas avec écart-type (en Hz)

Graphique n°2 : Gabarit du ton haut avec écart-type (en Hz) 60

80 100 120 140 160

0 cs 43 cs

60 80 100 120 140 160

0 cs 43 cs

50 | P a g e 2.4.3. Macroprosodie

Le phénomène macroprosodique nous amène à envisager le ton du point de vue de la coarticulation, intra et inter-mot. Un ton est toujours influencé par le ton voisin, qu’il soit similaire ou totalement différent.

Modifications de registre intra-mots

Pour les tons à l’intérieur des mots, on enregistre les variations suivantes :

- Sur deux tons bas consécutifs, le second ton bas a un registre plus bas que le premier.

- Le ton bas a un registre plus élevé quand il suit un ton haut. Cela est dû à la transition depuis le ton haut.

- Sur deux tons hauts consécutifs, le registre reste relativement stable sur le deuxième.

- En revanche, le ton haut a un registre plus bas quand il est précédé ou suivi par un ton bas. Soit le graphique n° 3 suivant :

Graphique n°3 : variation des registres des tons en coarticulation

Dans ce graphique, nous avons quatre contextes tonals : - L-L : quand un ton bas suit un autre ton bas - L-H : quand il précède un ton haut

- H-L : quand il suit un ton haut

-2 0 2 4 6 8

ton 1 ton 2

fréquence (semitones)

L-L H-L L-H H-H

51 | P a g e - H-H : quand un ton haut suit un ton haut

Les registres relatifs sont convoqués dans cette analyse pour évaluer la différence de registre d’un même ton sur deux contextes différents. A la suite de Dat (2008), nous avons eu recours à l’équation du registre relatif, R(i,j), qui dispose ce qui suit :

R

(i,j)

= R

j

- R

i

Où R(i,j) est le registre relatif entre les tons i et j

Ri est le registre du ton i

Rj est le registre du ton j qui suit le ton i.

En prenant comme référence tous les tons bas et hauts quels que soient leurs contextes, nous avons comparé le registre moyen du ton bas (L) dans une séquence ton bas - ton haut ; et ton haut – ton bas d’autre part. Et parallèlement, nous avons comparé le ton haut (H) sous ce même principe. Les données de cette comparaison sont présentées dans le tableau ci-après :

L (st) H (st)

(L-H) 0,63 -1,44

(H-L) 3,85 -1,87

Tableau n°3 : Registres relatifs des L et H en coarticulation (en st)

Ce tableau révèle les informations suivantes :

- l’influence du ton bas par le ton haut suivant n’est pas très importante.

Elle est de l’ordre de 0,63 st. Par contre, elle est très importante quand le ton haut précède le ton bas (3,85 st).

- Du côté du ton haut, le niveau de rabaissement du registre de ce ton par le ton bas précédent est de 1,44 st alors qu’il est de 1,87 st quand le ton bas

52 | P a g e suit le ton haut. Mais la différence relative de registres du ton haut n’est pas importante entre les deux contextes, comme c’est au contraire le cas avec les tons bas.

Les phénomènes de downtrends du ton haut

Les études de phonologie portant sur les langues africaines ont souvent fait mention de certains phénomènes dus à l’influence des tons environnants sur le ton haut, connus généralement sous le nom de downtrends. Il s’agit en l’occurrence de la déclinaison, du downstep et du downdrift. Notre attention ici va surtout porter sur les deux derniers, car ils sont présents dans la langue bàsàa.

Le downstep : il s’agit d’un cas d’abaissement du registre du ton haut. Présent dans la littérature à travers les travaux, entre autres, de Welmers (1959), Winston (1960), Stewart (1965), Connel (2001), Gussenhoven (2004), Rialland (2004). Le downstep consiste dans une séquence de deux tons hauts consécutifs en l’abaissement du registre du second ton haut :

HH HM ou HL

D’après Connel (2001), le downstep serait causé par un ton bas sous-jacent (flottant) ou un ton bas qui aurait disparu dans le temps. Dans cette section, notre objectif est de mesurer le registre relatif entre un ton en downstep et un ton haut moyen.

Le downdrift est autrement appelé automatic downstep par plusieurs auteurs au nombre desquels Stewart (1965), Hombert (1974), Snider et Van der Hulst (1993), Hyman (2001). Le downdrift se caractérise par un abaissement progressif du ton haut après un ton bas. Ainsi,

53 | P a g e HLH HL H

Soit le graphique n° 4 suivant :

Graphique n°4 : courbes du downstep et du downdrift

Dans ce graphique, H(L)-H correspond au downdrift alors que H-H correspond au downstep. Par rapport au degré de rabaissement, on constate que le downstep est plus bas que le downdrift, comme en témoigne le tableau ci-après contenant le registre relatif H – downdrift et H – downstep. En effet, le registre relatif est calculé ici entre le ton haut moyen et le deuxième H de la séquence HLH d’une part, et le deuxième H de la séquence H-H d’autre part.

H Downdrift (HLH) 2,03

Downstep (HH) 2,58

Tableau n°4 : Registres relatifs du downstep et du downdrift (en st)

Ce tableau montre clairement la différence de degré de rabaissement entre tons hauts en downstep et en downdrift. Cette différence est d’autant plus importante

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5

ton 1 ton 2

fréquence (semitones)

H(L)-H H-H

54 | P a g e qu’à l’oreille, l’impression du downstep révèle un ton moyen, appelé dans plusieurs études de tonologie la faille tonale.