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Chapitre IV : Influence de la présence du solvant sur l’adsorption des ions

I. Etat de l’art

La Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) est un outil permettant d’étudier localement la structure d’un noyau atomique. Cette technique est intéressante pour la compréhension des processus mis en jeu au niveau des électrodes dans les supercondensateurs puisque des informations quantitatives et qualitatives sur la structure et la dynamique des ions à l’interface électrode/électrolyte peuvent être obtenues. Dans le domaine des supercondensateurs, Azaïs et al.191 ont par exemple utilisé la RMN pour étudier le vieillissement des électrodes en milieu organique. Cependant, peu de travaux ont été faits par RMN sur le confinement des ions dans les pores de carbones. Les premières études sur ce sujet ont été réalisées par Mochida et al.192 par spectroscopie RMN du solide ex situ pour étudier l’adsorption des ions d’un électrolyte (NEt4BF4 + PC) dans les pores d’un carbone

activé. Ce carbone a une surface spécifique peu élevée (500 m2.g-1) et une large distribution de taille de pores. Dans ces expériences, le supercondensateur a été démonté à différents états de charge et de décharge et les spectres RMN ont été enregistrés séparément pour l’anode et la cathode (Figure V. 1). Dans cette étude, l’élément étudié par spectroscopie RMN est le 11B, présent dans l’anion BF4-.

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Film de carbone imprégné (Électrode non chargée) Électrode négative chargée (Adsorption des cations)

Électrode positive chargée (Adsorption des anions) Électrode négative déchargée (Adsorption des cations)

Électrode positive déchargée (Adsorption des anions) Électrolyte libre (A) Électrolyte adsorbé (B)

Déplacement chimique (ppm)

Film de carbone imprégné (Électrode non chargée) Électrode négative chargée (Adsorption des cations)

Électrode positive chargée (Adsorption des anions) Électrode négative déchargée (Adsorption des cations)

Électrode positive déchargée (Adsorption des anions) Électrolyte libre (A) Électrolyte adsorbé (B)

Déplacement chimique (ppm)

Figure V. 1 : Spectres RMN du 11B des électrodes de carbone activé imprégnées d’électrolyte à différents états de charge et de décharge.192 Les pics fin et intense (A) et large (B) sont attribués à aux anions BF4- libres dans la solution d’électrolyte et adsorbés à la surface du

carbone respectivement.

La Figure V. 1 présente les spectres RMN du 11B d’un film de carbone imprégné d’électrolyte (Imp, Figure V. 1) et d’électrodes à différents états de charge (C(+), C(–), D(+) et D(–), Figure V. 1). Les pics observés sur les spectres donnent des informations sur l’environnement des 11B (déplacement chimique) et sur le nombre de 11B équivalents, c'est-à- dire ayant le même environnement chimique (aire du pic). Sur la Figure V. 1, le pic fin et intense observé à –1,5 ppm dont l’intensité et la fréquence de résonance sont constantes quelque soit la charge de l’électrode, correspond au signal de l’électrolyte libre (A). Le deuxième pic (B) observé est plus large et son intensité et sa fréquence de résonance varient en fonction de la charge de l’électrode. Ce pic est attribué aux ions adsorbés à la surface du carbone. Pour le film de carbone imprégné d’électrolyte (noté Imp Figure V. 1), le pic B apparaît à une fréquence de résonance de –5,5 ppm. Lorsque l’électrode est chargée positivement (C(+), adsorption des anions BF4-), le pic B se décale à une fréquence de

résonance plus élevée (~ –3 ppm) indiquant un changement d’environnement. D’autre part, son intensité augmente significativement par rapport au film de carbone imprégné d’électrolyte (Imp Figure V. 1). Cette augmentation montre que la concentration des anions

153 adsorbés à la surface du carbone est plus élevée pour l’électrode chargée positivement. Pour l’électrode chargée négativement (C(–), adsorption des cations NEt4+), le pic B se trouve à

une fréquence de résonance de –3,5 ppm, similaire à l’électrode chargée positivement (C(+) Figure V. 1). Ceci indique une similitude de l’environnement des anions BF4- lorsque les

électrodes sont chargées. L’intensité du pic B diminue pour l’électrode chargée négativement témoignant de la diminution de la concentration des anions adsorbés à la surface de cette électrode. Bien que l’intensité de ce pic diminue par rapport à l’électrode positive chargée, sa présence met en évidence que des anions BF4- restent adsorbés à la surface de l’électrode

négative chargée. Lorsque les deux électrodes (positive et négative) sont déchargées (D(+) et D(-) Figure V. 1 respectivement), le pic B apparaît à une fréquence de résonance similaire (~ –4,5 et –5 ppm respectivement) et proche de la fréquence de résonance du film de carbone imprégné d’électrolyte (Imp Figure V. 1). Ce résultat montre la réversibilité de la charge et de la décharge du système puisque l’environnement des anions adsorbés aux électrodes déchargées est similaire à celui du film de carbone non polarisé (Imp Figure V. 1). De plus, l’intensité du pic B est identique pour les deux électrodes déchargées, les anions adsorbés ont donc la même concentration. Par ces mesures, Mochida et al. ont mis en évidence que l’environnement des ions BF4- adsorbés à la surface du carbone change en fonction de la

charge de l’électrode ; ils ont également montré que la concentration de ces ions varie avec la charge de l’électrode selon l’ordre suivant : C(+) >> D(+) = D(–) > C(–) > Imp. En utilisant la RMN du solide du 11B ex situ, Mochida et al.192 ont donc distingué deux environnements des anions BF4- : les ions de l’électrolyte libre et les ions adsorbés dans les pores de carbone.

Par ailleurs, une récente étude dans un électrolyte à base d’acétonitrile (NEt4BF4 + AN),193 également réalisée par spectroscopie RMN ex situ, a montré l’influence

de la charge de l’électrode sur les molécules de solvant. Lors de la charge du supercondensateur, la concentration du solvant reste quasi-constante à l’électrode positive (adsorption des anions). A l’inverse, à l’électrode négative (adsorption des cations), le solvant est expulsé de l’espace formé entre les feuillets de graphène.

Les résultats obtenus par spectroscopie RMN ex situ offrent des informations intéressantes sur l’environnement de l’électrolyte dans les pores de carbone lors de la charge du supercondensateur. Cependant, la méthode ex situ présente des limitations : après le démontage de la cellule électrochimique, une décharge partielle des électrodes peut avoir lieu entraînant des incertitudes lors de la mesure. Par conséquent, la spectroscopie RMN in situ s’avère indispensable pour analyser précisément l’environnement de l’électrolyte à l’interface électrode/électrolyte. Mais à ce jour, aucune expérience de RMN in situ n’a été réalisée. Dans

154 ce contexte, une collaboration a été mise en place avec l’équipe du Professeur C. Grey de l’Université de Cambridge, spécialisée dans la spectroscopie RMN in situ, en particulier sur les batteries au lithium.165,194 Grâce à cette collaboration, nous avons étudié pour la première fois dans le domaine des supercondensateurs l’adsorption des ions par spectroscopie RMN in

situ. Dans ce chapitre, des expériences préliminaires d’adsorption d’électrolyte dans des films

de carbone non chargés sont tout d’abord présentées. La deuxième partie est consacrée à la caractérisation par spectroscopie RMN in situ de supercondensateurs à différents états de charge.