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CHAPITRE 4. ECOULEMENT DE SUSPENSION DE BENTONITE

4.2 Etat de l’art

4.2.1 Rhéologie des systèmes eau-argile

De nombreuses recherches ont été consacrées à l'étude des propriétés colloïdales et/ou rhéologiques de suspensions de bentonite [Mollet (1996), Luckham (1999), Besq (2000), Corvisier (2001), Leyama (2001), Benchabane (2006), Ben Azouz-Ahmed (2010), Paumier (2007)]. Tous ces travaux montrent la complexité du comportement rhéologique de ces fluides.

La concentration est l’un des paramètres influençant le plus fortement le comportement rhéologique des suspensions de bentonite. En effet, il est établi que,le nombre de particules augmentant avec la concentration, les interactions inter-particules augmentent aussi, avec comme résultat une accentuation du caractère non-Newtonien des suspensions.

Lorsque la concentration est faible (suspension dispersée), les interactions entre les particules diminuent. Le comportement rhéologique de la suspension est alors proche de celui du milieu dispersant et peut facilement être décrit par une loi de puissance. Lorsque la

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concentration augmente (suspension concentrée), une structure tridimensionnelle de type gel se forme [Duran (2000)]. Une suspension présentant une telle structure doit être déstructurée pour qu’elle s’écoule. Elle est qualifiée de suspension à "seuil".

Dans la littérature, on représente fréquemment ce type de comportement par le modèle de Bingham ou celui de Herchel-Bulkley. Bekkour (2005) ont montré que le comportement rhéologique des suspensions de bentonite est reproduit de manière satisfaisante par le modèle de Herschel-Bulkley qui permet d’évaluer la contrainte seuil et le caractère rhéofluidifiant du fluide.

Par ailleurs, Bekkour (2002) ont confirmé le comportement viscoélastique des suspensions de bentonite à des concentrations massiques allant de 6 à 10%. Nous soulignons que nos résultats expérimentaux (essais de fluage et en écoulement) ont confirmé le même comportement rhéologique, le plus souvent à une concentration de 5%.

4.2.2 Glissement à la paroi

Le phénomène de glissement à la paroi apparait dans les écoulements de nombreux fluides multiphasiques tels que les suspensions, les émulsions ou les polymères hydrosolubles. Une revue complète de la littérature consacrée à ces phénomènes, réalisée par Barnes (1999), montre que le glissement à la paroi peut être attribué à une diminution de concentration de la phase dispersée à proximité des parois en raison de la migration des particules vers le centre de la conduite. L’utilisation de parois rugueuses suffit en général, sinon à supprimer complètement les effets de glissement, au moins les réduire considérablement.

4.2.3 Phénomène de couche cisaillée dans la masse

Lors d’une étude sur des suspensions de laponite, suspensions colloïdales thixotropiques (Figure 4.1), Pignon et al. (1996) se sont affranchis du glissement à la paroi par l’utilisation de surfaces rugueuses. Les suspensions étant transparentes, ils ont ainsi pu visualiser les déformations suivant une verticale dans l’entrefer d’un viscosimètre en géométrie cône-plan.

Il est apparu que, au-delà d’une déformation critique élastique correspondant à un maximum de contrainte, l’échantillon se fracturait en son milieu initiant une zone de localisation du cisaillement et une diminution brutale de contrainte. Par la suite toute augmentation du taux de cisaillement apparent se traduit par une augmentation de l’épaisseur de cette zone cisaillée et donc à une diminution de l’épaisseur des zones gélifiées de paroi.

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Cette phase se déroule à contrainte constante correspondant à un minimum. La thixotropie apparente résulte alors de l’élargissement de la zone cisaillée. Au-delà d’un taux de cisaillement apparent donné la totalité de l’échantillon est cisaillé et la contrainte redevient croissante avec le taux de cisaillement.

4.2.4 Ecoulement de suspensions de bentonite en conduite

L’étude des mécanismes qui gouvernent les écoulements de fluides non-Newtoniens fait l’objet, depuis longtemps, d’un grand nombre de travaux. Les écoulements de fluides visqueux à seuil ou thixotrope à seuil sont traités aussi bien d’un point de vue expérimental que numérique.

D’un point de vue numérique, plusieurs travaux ont été menés pour la simulation numérique des écoulements de fluides non-Newtoniens. Ce sont les écoulements en conduite cylindrique de fluides visqueux à seuil qui sont essentiellement étudiés. Les études intégrant des lois structurelles permettant de considérer les effets de la thixotropie sont beaucoup moins répandues [Corvisier (2001), Billingham (1993)].

Billingham (1993) a utilisé un modèle rhéologique qui caractérise le comportement en terme d’un seul paramètre de structure, dans le but d’analyser l’écoulement unidirectionnel et laminaire d’un fluide thixotrope (bentonite). Récemment, Rudman et al.

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[Rudman (2004) et Rudman (2006)] ont utilisé une méthode spectrale pour la DNS1 pour l’analyse et la compréhension des écoulements transitoire et turbulent de fluides non-Newtoniens. Le principal avantage d'utiliser une technique DNS est que, une fois validée, elle peut être utilisée de manière fiable pour modéliser le comportement en écoulement et de fournir une image détaillée des structures de la turbulence. Une telle observation est difficile à obtenir expérimentalement dans les fluides transparents de laboratoire, et presque impossible à obtenir dans les fluides opaques. Malin (1997) a considéré un écoulement turbulent d’un fluide à comportement à loi de puissance en utilisant une approche moyennée de Reynolds et un modèle k-ε modifié. Ces comparaisons avec les résultats expérimentaux étaient satisfaisantes. Ammar et co-auteurs [Ammar (2006), Ammar (2007)] ont introduit la PGD2 dans le contexte de la simulation des comportements rhéologiques et, depuis, cette technique a été développé et utilisée pour différentes applications [Chinestra (2011)]. Beaucoup de travaux concernant le calcul des conditions critiques d’instabilité montrent un retard à la transition dû au caractère rhéofluidifiant [Rama Govindarajan et al. (2003), Nouar (2007)].

D’un point de vue expérimental, Park (1989) ont présenté des mesures en écoulement laminaire-turbulent, en utilisant la LDA3, pour des fluides à seuil. Pour les fluides utilisés (rhéofluidifiants et à seuil), la mesure des champs de vitesse dans une conduite cylindrique fait apparaître une asymétrie inattendue lors de la transition, tandis que les profils de vitesse en régimes laminaire et turbulent sont parfaitement axisymétriques. Cette asymétrie a été observée pour la première fois par Escudier (1996) pour une suspension de laponite en écoulement dans une conduite cylindrique. Les auteurs avaient attribué cette asymétrie à un défaut mineur dans le dispositif expérimental: “It is speculated that the asymmetry is either

associated with instability or that the plug is sucked towards the pipe wall at a circumferential location fixed by a minor geometrical imperfection in the flow loop”. Dans

une étude indépendante de celle citée ci-dessus, Peixinho et al. (2005) observent aussi, pour une solution de Carbopol à 0.2% en masse, une asymétrie croissante avec le nombre de Reynolds Re lors de la transition vers la turbulence. Dans les deux cas, il s’agissait de fluides rhéofluidifiants avec une contrainte seuil. Cette observation a été également rapportée par d’autres auteurs avec d’autres fluides rhéofluidifiants et viscoélastiques (avec ou sans contrainte seuil). Ces expérimentations ont été réalisées dans trois laboratoires de recherche indépendants : en France, en Australie et en Grande Bretagne [Escudier (2005)]. L’hypothèse un moment avancée quant à la présence d’artefacts de mesure a été finalement écartée. Il est maintenant admis qu’un mécanisme physique est très probablement à l’origine de cette asymétrie. L’effet de l’accélération Coriolis due à la rotation de la terre a été aussi exclu dans une étude réalisée par Draad (1998). En outre, cette structure de l’écoulement ne semble pas être affectée par les conditions d’entrée ou de sortie [Escudier (2005)].

1 Direct Numerical Simulation 2 Proper Generalized Decomposition 3

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Récemment, Guzel et al. [Guzel (2009) et Güzel et al. (2009)] sont arrivés aux mêmes conclusions, avec des fluides également rhéofluidifiants, à savoir que l’asymétrie est due à un mécanisme physique. Dans le cas des fluides Newtoniens, aucune asymétrie n’a été observée.

Les travaux de Peixinho (2004), au LEMTA de Nancy, se sont poursuivis dans le cadre de deux autres thèses. L’une était plutôt orientée vers l’étude expérimentale de ces phénomènes [Esmael (2008)] alors que la seconde portait sur la modélisation de la structure de l’écoulement (Roland (2010)], essentiellement sur les fluides à seuil. Leurs travaux ont permis d’aboutir à une description précise et fine de cette asymétrie et ainsi d’en avoir une meilleure compréhension. En effet, Esmael et Nouar (2008) ont suggéré l’existence de deux rouleaux longitudinaux contrarotatifs qui transportent les particules fluides au voisinage de la paroi, respectivement vers la zone à faible vitesse et la zone à vitesse élevée.

Il a été récemment montré par Escudier (2009) et Esmael et Nouar (2008) que le nombre de Reynolds critique pour lequel l’asymétrie apparaît, noté Rec1, correspondrait également à un début d’augmentation de l’intensité turbulente (rapport du taux de fluctuations à la vitesse débitante). Les mêmes auteurs ont introduit un deuxième nombre de Reynolds Rec2, à partir duquel une augmentation brutale de l’intensité turbulente est observée. Dès lors, l’asymétrie décroit et le profil redevient axisymétrique pour une valeur d’intensité turbulente maximale correspondant là aussi à un troisième nombre de Reynolds Rec3. Puis, à partir de là, l’intensité turbulente commence à diminuer et le profil de vitesse axiale prend la forme d’un profil de vitesse turbulent.