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CHAPITRE 4. ECOULEMENT DE SUSPENSION DE BENTONITE

4.4 Ecoulement des suspensions de bentonite en conduite

4.4.2 Démarrage de l’écoulement

L’écoulement a été réalisé par le mouvement contrôlé manuellement du piston du contrôleur de pression hydraulique déjà présenté dans le chapitre précédent (cf. chapitre 3). En se servant d’une prise de pression, le déplacement est imposé dans A (cf. Figure 3.2 chapitre 3). Les mesures de contrainte ont été obtenues à partir de la variation de la pression en B, juste à l’aval du contrôleur de pression. Les mesures de profils de vitesse ont été réalisées dans des conditions identiques à celles utilisées dans les mesures précédentes avec un nouveau jeu de paramètres (Tableau 2). Les résultats présentés dans les sections suivantes correspondent, sauf indication contraire, à des temps de repos de 24 heures.

E

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109

Fréquence d’émission (MHz) 8

Pulse repetition frequency PRF (Hz) 20

Angle Doppler 75°

Nombre de volume mesurés 200

4.4.2.1 Etude de la relation contrainte tangentielle-déplacement

Dans le cas d’une déformation élastique linéaire, la déformation s’écrit (cf. Annexe B):

Avec R, le rayon de la conduite et G, le module de cisaillement. Il s’ensuit un déplacement d, fonction de la position radiale :

Avec dm, le déplacement moyen.

La déformation à la paroi est ainsi donnée par l’expression :

Ce qui signifie que cette estimation n’est exacte que dans la zone de linéarité de la relation contrainte-déformation.

La Figure 4.11 présente les évolutions dans le temps de la contrainte et du déplacement pour une suspension âgée de 12 jours. L’allure des évolutions temporelles des contraintes et déplacements dans la zone d’essai est toujours similaire. Après une phase linéaire de croissance correspondant à la phase élastique, la rupture d’adhérence à la paroi se traduit par une chute brutale de contrainte associée à une accélération du déplacement. Ce phénomène est d’autant plus marqué que la contrainte de rupture est élevée.

La contrainte pariétale est représentée en fonction de la déformation de paroi, estimée à partir de la relation 1.3, sur la Figure 4.12. On notera qu’une déformation de paroi de 1 équivaut à un déplacement moyen de 2.5 mm. L’évolution de la contrainte pariétale est suivie au cours de l’âge de la suspension.

Tableau 2 Les paramètres de mesure utilisés dans la présente partie

RG r

p

4.1

2 2

1

2

1

2

)

(

R

r

d

R

r

G

R

r

d

p m 4.2

R

d

m p

4

4.3

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Après un vieillissement de la suspension d’une semaine, nous obtenons une contrainte maximale de 17 Pa au cours de l’essai, puis cette contrainte décroit pour se stabiliser vers 4 Pa au bout de 13 jours. Au-delà de la contrainte maximale, l’écoulement va rapidement montrer un comportement de type visqueux. Pour tous les temps de vieillissement de la suspension, le module de cisaillement à l’origine est comparable, de l’ordre de 60 Pa. Ce résultat est en complète contradiction avec les essais réalisés sous rhéomètre, donnant systématiquement une accentuation des propriétés rhéologiques, notamment des contraintes seuil. Outre les différences d’échelle et de géométrie, les deux types d’essais diffèrent principalement par l’histoire mécanique que subit le fluide : alternance de phases de repos, de cisaillement intense et non homogène dans les écoulements en conduite, pré-cisaillement à contrainte uniforme et constante pour les essais sur rhéomètre. Il est ainsi possible que la différence de comportement observée résulte de cette différence d’histoire.

La diminution du seuil d’écoulement peut résulter d’une diminution locale de la concentration en particules dans le film pariétal ou d’un déficit de structuration à concentration constante ou d’une combinaison de ces deux facteurs. Il apparaît ainsi l’existence à proximité de la paroi d’un film fluide et ce, avant même le début de l’écoulement, qui produit un phénomène de glissement.

4.4.2.2 Profils de déformation

En ce qui concerne les essais effectués après une semaine de vieillissement, les profils de déplacement sont symétriques jusqu’au maximum de contrainte mesurée (Figure 4.13a). Les profils de déplacement peuvent tous être simulés par une loi contrainte-déformation non linéaire :

Figure 4.11 Evolution des contraintes et déplacement au démarrage (âge de la suspension : 12 jours, repos 24 heures)

2

60 50

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Au-delà de la contrainte maximale, l’accélération brutale du déplacement ne permet plus de suivre le profil de déplacement. Dans ces conditions, la rupture à la paroi peut s’interpréter comme une rupture mécanique dans la masse de la suspension et aucun glissement n’est apparent. Lors de l’essai effectué cinq jours plus tard, les profils obtenus sont comparables jusqu’à une contrainte de 7 Pa puis un glissement à la paroi apparait, d’abord symétrique jusqu’à 9 Pa, correspondant au maximum de contrainte, puis asymétrique avec une accélération du glissement sur la partie haute de la conduite induisant ainsi un écoulement instable (Figure 4.13b).

Pour les essais ultérieurs, l’évolution est toujours sensiblement identique : dans un premier temps, les profils sont paraboliques du début de l’essai jusqu’à 3-4 Pa, puis survient un démarrage symétrique du glissement, suivi d’une phase de glissement asymétrique pour des déplacements entre 0.2 et 1 mm et enfin retour au profil symétrique pour la suite. Cependant, la phase asymétrique, cette fois-ci, se situe sur la partie basse de la conduite. Durant nos mesures expérimentales, l’asymétrie, si elle existe, se situe toujours dans la zone proche paroi mais la position exacte reste aléatoire (Figure 4.13b et c). Nous supposons que cela est dû à une fracture du matériau à son état gélifié. En effet, cette observation vient confirmer notre hypothèse de l’existence d’un film pariétal avec des propriétés mécaniques différentes du reste de la masse. Une localisation du cisaillement dans cette couche de faible épaisseur, déclenchera l’écoulement et accentuera le glissement aux premiers instants. Ce phénomène a déjà été abordé en rhéométrie. Coussot (1993) avancent l’hypothèse d’une structure de type sandwich, c’est à dire localisation du cisaillement pour les bas gradients de vitesse, associés à la partie décroissante de la courbe d’écoulement classique émise par Pignon et al. (1996).

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Figure 4.13 Profils de déplacement à la mise en écoulement (bentonite 7%, repos 24 h) ; âge des suspensions : a) 7 jours, b) 12jours, c) 33jours

a)

b)

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En observant de plus près les profils de déplacement en cette phase instable (Figure 4.14b) de l’écoulement, un fait marquant attire l’attention. Il s’agit de la forme ondulée que présentent les profils. Cette phase se traduit par une organisation singulière de l’écoulement qui rappelle les observations faites par Besq (2000) sur les écoulements de bentonite en conduite annulaire (Figure 4.14a).

L’auteur a observé la naissance d’une série "d’anneaux", quelques secondes après la mise en écoulement, rectiligne et perpendiculaire à la direction de l’écoulement. Il semble aussi que l’épaisseur et la longueur d’onde de ces anneaux augmentent dans le temps. Les observations faites nous laissent croire que ce phénomène pourrait avoir comme causes :

o D’une part, la non-homogénéité du cisaillement induit une variation spatiale et temporelle des propriétés mécaniques du fluide. La différence de consistance entre zone pariétale (déstructuré) et la zone centrale de la conduite (structuré) conduit à des instabilités.

Figure 4.14 a) à gauche: les visualisations faites par Besq (2000) aux premiers instants de la mise en écoulement d’une suspension de bentonite (repos 17 h). b) à droite : les mesures de profils de

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o D’autre part, Les instabilités dynamiques peuvent aussi jouer un rôle non négligeable dans l’apparition du phénomène. Si on remonte au scénario de la mise en écoulement présenté à travers l’évolution de contrainte, on en conclut qu’une fois le maximum de la partie linéaire de croissance, correspondant à la phase élastique, atteint, l’écoulement se déclenche et montre une forte accélération du déplacement. Mais celui-ci est rapidement freiné par les forces de frictions, notamment au centre de l’écoulement. Il est important de garder en mémoire que l’écoulement se déclenche dans la zone pariétale. Or, la zone centrale est dans son état encore étiré (caractère élastique du fluide). On peut voir cela comme un élastique étiré qu’on coupe. Ce qui peut engendrer ces instabilités.

4.4.2.3 Synthèse

Dans cette partie, nous nous sommes focalisés sur les premiers instants de l’écoulement d’une suspension concentrée (bentonite 7%) après un long temps de repos (24

h). Un protocole expérimental, encore différent du premier, nous a permis d’accéder à des

informations relatives au régime transitoire du démarrage de l’écoulement.

Les suspensions de bentonite s’avèrent posséder un des comportements les plus complexes de cette catégorie de fluides. Ces suspensions présentent notamment une multiplicité de seuils de contrainte et d’échelles de temps. Deux seuils de contrainte ont été mis en évidence jusqu’à présent :

 Un seuil d’écoulement au sens premier du terme (la contrainte de rupture du réseau structurel).

 Un seuil d’adhérence à la paroi ou seuil d’écoulement dans la zone de paroi. Ce dernier, contrairement aux mesures rhéologiques, diminue avec l’âge de la suspension. Ce qui montre l’existence d’un film pariétal ayant des caractéristique mécaniques différentes de celles du reste de la masse.

Les échelles de temps s’étalent quant à elle de la seconde au mois :

 Vieillissement de la suspension : semaine – mois.

 Restructuration du fluide : heure – jours.

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4.4.3 Prédictions en écoulement laminaire, transitoire et