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Etat de l’art sur la notion d’appropriation

G- Autour des Appels à projets

1. Etat de l’art sur la notion d’appropriation

Pour interroger les notions d’appropriation et d’usage qui sont au cœur des Appels à projets, une recherche empirique des travaux réalisés autour de ces domaines devait permettre d’en donner une définition pour construire la méthodologie et dégager la problématique de l’étude. Il est apparu très vite avec les premières lectures que la notion d’appropriation n’était pas toujours clairement définie et avaient plusieurs acceptations.

Pour commencer et tenter de donner une définition à une notion ou à un concept, on peut commencer par s’intéresser à l’origine du mot, à son étymologie. Ainsi, selon le dictionnaire latin-français Gaffiot, le verbe "approprier" provient du latin appropriare, « attribuer en propre », dont la racine dérive de ad proprius. La racine proprius a donné naissance à deux sens qui sont à distinguer. Le sens premier de proprius renvoie à l’idée d’adaptation, « adapter à l’usage, rendre propre à » ou « s’adapter à » ; la deuxième définition est « ce qui appartient en propre, ce qu'on ne partage pas », c’est s’accaparer la propriété de quelque chose. C’est l’idée d’adaptation qui est intéressante pour l’étude. Mais adaptation de quoi ou de qui, et comment ?

Avant de percer le mystère de l’appropriation sociale d’une technologie, il faut s’intéresser à la notion que je dirais "secondaire". Non parce qu’elle est moins importante, mais simplement parce qu’elle a suscité moins de questionnements, la majorité des lectures se centrant plus sur le thème de l’appropriation.

1.1 Autour de la notion d’ "Usage" –

Avant de s’attacher à donner une définition de ce qu’il faut entendre par « usage », j’ai voulu distinguer cette notion de celle d’utilisation. En effet, la proximité de ces deux termes dans le langage commun peut nous amener à les confondre et à les utiliser empiriquement ou par confusion.

33 Le terme "utilisation" renvoie à l’emploi d’une technique, à l’interaction entre l’individu et la technique dans une situation de face-à-face, suivant un "mode d’emploi". Cette notion se réfère principalement aux domaines de la psychologie cognitive et de l’ergonomie, qui a par ailleurs développé la notion d’"utilisabilité".

Face à l’emploi générique du terme "utilisation", nous devons interpréter la notion d’ "usage" dans le champ auquel elle se réfère. La question des usages a été posée vers la fin des années 40 aux Etats-Unis par la sociologie fonctionnaliste. Aujourd’hui, la sociologie des usages est la discipline qui s’attache à la description et l’analyse des usages. Par ce rappel historique, nous soulevons le fait que cette notion est inscrite dans le champ de la sociologie, et c’est justement ce domaine qui prédomine dans la recherche théorique.

Pour savoir ce qu’il fallait entendre par le mot " usage ", je suis tout naturellement allée voir l’auteur que j’ai le plus souvent entendu en citation, Jacques Perriault. Publié en 1989, La logique de l’usage n’en reste pas moins un ouvrage incontournable. Même si les exemples technologiques donnés par l’auteur ramènent le lecteur quelques années en arrière, quand les téléphones sans fil pesaient un kilo et que le minitel connaissait encore son heure de gloire. La " logique " est la même. L’usage demeure avant tout social, il doit être observé en tenant compte du contexte global, Bourdieu a ainsi démontré que « l’emploi de l’appareil-photo était déterminé non seulement par ses possibilités techniques mais aussi par le milieu

d’immersion. » (Perriault, p.14). Il est social car « un même appareil peut avoir les usages les plus divers selon mains dans lesquelles il se trouve : instrument d’un projet, subterfuge, stéréotype » (p.128). Il n’y a pas d’usages détournés car il n’y a pas d’usages prescrits, mais il ya des usages transformés quand on emploie l’outil dans un autre projet que le projet initialement pensé par le concepteur. Par exemple quand le phonographe a été utilisé pour écouter de la musique alors qu’il avait été conçu comme un enregistreur. Il parle de logique d’usage pour expliquer la

« confrontation itérative de l’instrument et de sa fonction avec le projet de l’utilisateur » (p.205).

D’autres auteurs ont orienté leurs recherches vers l’usage des technologies de l'information et de la communication. Selon Chambat, le terme usage est utilisé à la

34 fois pour « repérer, décrire, et analyser des comportements et des représentations relatifs à un ensemble flou ... ». De son côté, Jouët a mis l'accent sur l'ambiguïté qui existe entre l'usage et la pratique, souvent compris comme synonymes dans la langue courante : « l’usage [...] renvoie à la simple utilisation tandis que la pratique est une notion plus élaborée qui recouvre non seulement l’emploi des techniques (l’usage) mais aussi les comportements, les attitudes et les représentations des individus qui se rapportent directement ou indirectement à l’outil »13. Dans ses travaux elle montre la prééminence du social dans les modalités d'utilisation des objets techniques. Elle insiste sur le rôle et la place des usagers dans le processus de l'appropriation sociale des technologies.

Pour finir, la lecture de Jacques Perriault apporte des éléments pour comprendre la notion d’appropriation. Même s’il parle d’assimilation, le processus est le même, « L’observation des usagers requiert que l’on respecte leurs temps, leurs rythmes et leurs durées. L’assimilation d’une technique ou les substitutions qui s’ensuivent ne sont pas instantanées » (p.116). Quelques hypothèses sont déjà dégagées : l’appropriation est un processus complexe qui doit être envisagé dans la durée, il demande du temps et un certain degré d’investissement personnel. L’appropriation d’une technique nécessite la mise en place de stratégies (individuelles et/ou collectives) qui déterminent les usages et leur progression.

1.2 Les approches théoriques autour de l’appropriation –

Lorsqu’un auteur convoque la notion d’usage, il est rare qu’il ne fasse pas un tour vers l’idée d’appropriation, d’assimilation ou encore d’intégration d’un objet technique. On ne peut pas parler d’appropriation sans parler d’usage.

Pour trouver des auteurs qui traitent d’un sujet particulier, on tâtonne, on fouille, on cherche dans le catalogue de la bibliothèque, on tape différents mots clés avec un

13

JOUËT, Josiane. "Usages et pratiques des nouveaux outils de communication", dans Dictionnaire

35 moteur de recherche sur Internet, bref, tous les moyens sont bons pour amasser de l’information et croiser les données. Le nom de certains auteurs devient redondant, et alors on commence à approfondir. Ainsi, lorsqu’on s’intéresse à la problématique de l’appropriation, plusieurs approches conceptuelles sont interpellées.

1.2.1 L’approche de la diffusion –

L’approche de la diffusion se consacre à l’analyse des caractéristiques de l’adoption d’une technologie. Ces recherches ont été impulsées par le travail qu’Everett Rogers entreprit au début des années 1970.

Everett Mitchell Rogers (1931 – 2004) est le sociologue américain qui au début des années 60 a commencé le travail de théorisation de la diffusion d’une innovation technique. Il publie en 1962 la première édition de "Diffusion of innovations".

Everett Rogers cherche à comprendre ce qui détermine l’adoption d’une innovation technique, la manière dont elle est appropriée par un système social. L’adoption d’une technologie est présentée comme un processus, il y a donc plusieurs phases à distinguer : la connaissance (collecte d’informations), la persuasion, la décision, l’implantation et la confirmation.

A l’intérieur de ce processus, Rogers s’est concentré sur la phase de décision qui se caractérise par une attitude d’adoption ou de rejet de l’innovation. Rogers propose dans cette approche trois catégories de facteurs pour expliquer la diffusion d’une innovation :