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Eléments techniques pour la modélisation de la dynamique des criquets pèlerins

2.2 La dynamique de population

2.2.1 Etat de l’art

La dynamique de la population est une science qui étudie la variation dans l’espace et le temps, du nombre d’individus d’une population.

Depuis longtemps de nombreux scientifiques se sont intéressés à cette thématique. Historiquement, dans sonLiber Abaci(1202), Leonardo Fibonaci formula un problème

relatif à la reproduction des lapins, dont la population mensuelle, p(n), évolue suivant l’équation [94] :

p(n+1) =p(n) +p(n1), avec p(0) =0, et p(1) =1 (2.1)

La suite de Fibonaci est un modèle erroné car elle ne tient pas compte, ni de la mortalité, ni du flux migratoire. Mais toutefois, elle a permis de poser les premiers jalons de la dynamique de population.

En 1748, Euler, dans le chapitre sur l’exponentielle et le logarithme de sa publi-cation "Introduction à l’analyse des infiniment petits" [84], plusieurs sujets relatifs à l’évolution de la population furent évoqués. En supposant une population p(n), croissant annuellement suivant la formule :

p(n+1) =r p(n)avec r>1 (2.2)

Il établit une relation entre le taux de croissance r, le nombre de naissances par habitant et par année N, et la probabilitéq(k)d’être en vie k années après sa naissance :

1=N(1+q(1)/r+q(2)/r2+...+q(k)/rk+...) (2.3) Le nombre de naissances croit avec le taux de croissance r et la composition de la population est alors de :

— µ=NP(nouveaux-nés),

— q(1)µ/r(enfants de un an), — q(2)µ/r2(enfants de deux ans). — etc. . .

Equation de croissance exponentielle

Le taux de croissance r, la différence entre les taux de natalité et de mortalité, connaitra son heure de gloire avec Thomas Robert Malthus(1798), dans son essai sur "l’Essai sur le principe de population" en 1798 [163]. Malthus s’était basé sur deux postulats qui étaient pour lui des lois permanentes de la nature : "La nourriture est nécessaire à l’existence de l’homme" et "la passion entre les sexes est une nécessité". Or, "si elle n’est pas freinée, la population s’accroît en progression géométrique" alors que "les subsistances s’accroissent en progression arithmétique". L’équation de variation de population utilisée par Malthus, avecβetγ, les taux de natalité et de mortalité, est :

dN

dt =βNγN (2.4)

L’équation de Malthus est inquiétante car elle montre que la population va rapidement épuiser ses subsistances. Ce modèle considère que les taux de natalité et de mortalité sont indépendants de la densité de population. Ce qui n’est pas toujours le cas, car ces paramètres peuvent être influencés par l’évolution de la population. Par exemple, en ab-sence de ressources, les taux de natalité et de mortalité sont directement ou indirectement

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influencés. Il avait considéré une population idéale constituée d’une seule espèce animale homogène. C’est à dire qu’il avait négligé dans son modèle les variations d’âge, de taille et de périodicité éventuelle pour la natalité ou la mortalité et qui vit seule dans un milieu invariable ou qui coexiste avec d’autres espèces sans influence directe ou indirecte [103].

Ce modèle suppose aussi que le taux de croissance est le même pour tous les individus de la population, alors qu’en réalité, il dépend de l’âge des individus, ou de leur stade de développement. Ainsi par exemple dans une population de criquets pèlerin, œufs, larves et adultes n’ont pas le même taux de natalité ou de mortalité.

L’équation peut être réécrite ainsi : dN

dt =r N, avec r=βγ (2.5)

Cette équation peut être résolue si des conditions initiales sont spécifiées, c’est à dire, avecN0, au tempst=0, la solution est :

N(t) =N0 exprt (2.6)

Equation de croissance logistique

Verhulst montra en 1838 que le modèle proposé par Malthus était trop simpliste car il ne comprenait que des termes linéaires, et proposa un modèle alternatif en introduisant un terme quadratique avec un coefficient négatif :

dN

dt =A Nb N2 (2.7)

Pour expliquer la formule proposée par Verhulst, considérons le cas où le taux de natalité diminue avec une densité de population forte. L’approche la plus simple pour réaliser une telle dépendance, consiste à supposer que le paramètreβ, introduit dans l’équation de Malthus, est en fait le taux de natalité dans le cas d’une densité de population très faible.

En outre, si N croit, il est supposé diminuer linéairement avec N pour atteindre 0 à une certaine valeur arbitraire de densité de population N =Γ. Si, en plus, on suppose que le taux de mortalité est aussi indépendant de la densité, on obtient l’équation suivante :

dN

dt =βN(1N

Γ)γN (2.8)

Cette équation peut être réécrite pour donner : dN

dt =r N(1N

k) (2.9)

Le facteur k appelé "carrying capacity" qui correspond à la capacité du milieu à supporter la croissance de la population et représente la population limite au-delà de laquelle elle ne peut plus croître. Cette loi, à laquelle Verhulst donne le nom de logistique,

est radicalement différente de celle de Malthus en ce sens qu’elle impose une valeur limite à la population.

En 1924, Lotka publia les bases théoriques des lois de la dynamique de populations pour la première fois dans son ouvrage "Elements of Physical Biology" [154]. Ce premier modèle basé sur l’approche "prédateurs et proies" permet de décrire l’évolution quantitative de deux populations en interaction.

Ses travaux furent complétés par Volterra, un mathématicien et physicien romain, qui posa les formulations mathématiques à base d’équations différentielles.

Ce modèle considère deux populations de proie et de prédateurs dont les effectifs au temps t sont respectivement notés x(t) et y(t).

Avec les hypothèses suivantes :

— les proies disposent d’une quantité illimitée de nourriture, seuls les prédateurs s’opposent à leur croissance et en l’absence de prédateurs la population de proies croit de manière exponentielle (modèle de Malthus) ;

— le nombre de prédateurs est limité par la quantité de proies dont ils disposent pour se nourrir et en l’absence de proies, la population des prédateurs décroit de façon exponentielle (modèle de Malthus) ;

— le nombre de rencontres entre proies et prédateurs est à la fois proportionnel aux populations de proie et de prédateurs, donc proportionnel au produit x(t)y(t) ; — Le taux de disparition des proies ainsi que le taux de croissance des prédateurs

dûs à ces rencontres sont l’un et l’autre proportionnels au nombre de rencontres entres les deux populations.

La formulation mathématique donne :

( dx(t)

dt = α1x(t)β1x(t)y(t) dy(t)

dt = α2y(t) +β2x(t)y(t) (2.10)

oùα1représente le taux de natalité des proies,α2, le taux de mortalité des prédateurs, β1etβ2sont les coefficients d’interaction entre proies et prédateurs.

La plupart des modèles mathématiques relatifs à l’évolution temporelle de la popula-tion [24], comme ceux de Malthus et de Verhulst [26] ou encore celui de Lotka-Volterra [25], sont valables quel que soit l’âge des individus. Ils sont généralement continus, en ce sens que la variable temporelle peut prendre n’importe quelle valeur dans un intervalle de la droite numérique réelle ; ils utilisent des équations différentielles. Cependant, ils ne sont pas toujours fiables, notamment parce qu’ils négligent les durées de gestation et ne distinguent pas les taux de fécondité selon les âges.

Pour remédier à ces lacunes, Sir P. H. Leslie, un statisticien anglais, construit un modèle tenant compte de la structuration de la population selon plusieurs classes d’âges, et qui fait un usage à la fois simple et efficace du calcul matriciel [150].

En 1945, Leslie publie, dans un article [150], un modèle pour décrire l’évolution temporelle du nombre de femelles dans des populations de souris et de rats. La motivation de cette étude était de faire face à la prolifération de ces rongeurs, pendant la seconde guerre mondiale, qui occasionnaient des dégâts sur les réserves alimentaires de la population anglaise. Ce modèle mathématique n’est pas continu mais discret, dans

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le sens où le temps t est uniquement considéré à intervalles réguliers et ne prend dès lors que des valeurs entières.