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Etant donné l’action du groupe SL(2, C) sur l’espace S n des formes binaires, une forme f ∈ S nest dans le nilcône si et seulement si f possède une racine de

multiplicité µ > n

2.

Démonstration. On applique le théorème6.2.3avec pour tore maximal

T = ( γt:= t 0 0 t−1 ! , t ∈ C ) . (6.2.1) Pour f = a0xn+ a1xn−1y + . . . + anyn∈ Sn on a alors γt· f = a0xnt−n+ a1xn−1yt−n+2+ . . . + anyntn

c. Cayley avait conjecturé que l’algèbre des invariants de S5 n’était pas de type fini. Il rechigna d’ailleurs à utiliser ou comprendre la preuve de finitude de Gordan, preuve pour laquelle Sylvester précisa qu’elle était « so long and complicated and so artificial a structure that it requires a very long study to master and there is not one person in Great Britain who has mastered it » [Cri88].

Ainsi, par le lemme6.2.2, f est dans le nilcône de T si et seulement si f est divisible par xr ou yr avec r = n 2  + 1

Et donc, f est dans le nilcône de SL(2, C) si et seulement si f est divisible par l’un des scalaires (γ · x)r ou (γ · y)r pour un certain γ ∈ SL(2, C), ce qui permet de conclure.

On peut adapter cette preuve au cas des espaces quelconques de formes binaires : Corollaire 6.2.5. Etant donné l’action diagonale de SL(2, C) sur l’espace V = Sn1 ⊕ · · · ⊕ Sns, une forme binaire

f = (f1, · · · , fs)

est dans le nilcône si et seulement si les formes f1, . . . , fs possèdent une racine commune de multiplicité µi > ni

2 en fi.

6.2.2. Nilcône et famille génératrice d’invariants

Le nilcône est une variété affine définie par l’idéal I+. Par notheriannitéd, l’idéal IV

associé au nilcône, qui est le radical de l’idéal I+, est nécessairement de type fini. On note {I1, . . . , Im} la famille d’invariants qui engendrent IV. Dans le cas d’une représentation complexe du groupe spécial linéaire SLn(C) [Stu08] :

Théorème 6.2.6 (Hilbert–1893). L’algèbre des invariants C[V ]SLn(C) est entière sur

C[I1, . . . , Im].

Corollaire 6.2.7. Sous les mêmes hypothèses que dans le théorème6.2.6, l’algèbre des invariants C[V ]SLn(C) est la clôture intégrale de C[I1, . . . , Im] dans le corps C(V ) des

fonctions rationnelles sur V .

Ces résultat sont au cœur des méthodes développées par Derksen [Der99] ou Sturm-fels [Stu08]. Néanmoins, comme nous l’avons déjà précisé, seuls quelques exemples simples ont été traités par cette approche.

Remarquons cependant que le nilcône peut également être utilisé pour déterminer un

système de paramètres (définition 2.3.14). En effet, si le nombre d’invariants I1, . . . , Im

qui engendrent IV est égal à la dimension de Krull de C[V ]G, alors ils forment néces-sairement un système de paramètres. Dans le cas particulier des formes binaires, cela donne le résultat suivant :

Proposition 6.2.8. Soit n un entier plus grand que 3, et θ1, . . . , θn−2 ∈ C[Sn]SL(2,C)

une famille de n − 2 invariants homogènes. Alors les deux conditions suivantes sont équivalentes :

1. NSn = V(θ1, . . . , θn−2).

2. θ1, . . . , θn−2 est un système de paramètres homogène de C[Sn]SL(2,C).

Dans tous les cas, une fois exhibé un système de paramètres θ1, . . . , θr d’une algèbre d’invariants C[V ]G, on sait par la propriété de Cohen–Macaulay (définition2.3.18) qu’il existe une famille η1, . . . , ηstelle que

C[V ]G= η1C[θ1, . . . , θr] ⊕ . . . ⊕ ηsC[θ1, . . . , θr]

Il est alors clair que la famille θi, ηjest une famille génératrice de l’algèbre des invariants. Or, par le corollaire2.3.26, la série de Hilbert de C[V ]G est de la forme

H(z) = z

e1 + · · · zer

(1 − zd1) · · · (1 − zds)

où ei ∈ N et dj = deg(θj). Si on connaît un système de paramètres et la série de Hilbert de l’algèbre des invariants, on peut donc en déduire une borne sur les invariants secon-daires. Par cette approche, on cherche donc à déterminer un système de paramètres, on calcule ensuite la série de Hilbert et on en déduit une borne sur les degrés des généra-teurs qui restent à déterminer.

Exemple 6.2.9. Les cas n = 2, 3, 4 sont simples H2(z) = 1

1 − z2, H3(z) = 1

1 − z4, H4(z) = 1

(1 − z2)(1 − z3) et on sait que dans chacun de ces cas les algèbres respectives sont libres.

Pour une forme quadratique u ∈ S2 ou pour une forme cubique v ∈ S3, l’algèbre des invariants est respectivement engendrée par

2:= (u, u)2,3= ((v, v)2, (v, v)2)2

Pour une forme f ∈ S4, l’algèbre est libre et engendrée par les invariants

i := (f , f )4, j := (f , (f , f )2)4

Pour une forme g ∈ S6, on peut exhiber [BP10a] un système de paramètres de degrés respectifs 2, 4, 6 et 10. La série de Hilbert est alors donnée par

H5(z) = 1 + z

15

(1 − z2)(1 − z4)(1 − z6)(1 − z10) ce qui montre l’existence d’un générateur de degré 15.

Remarque 6.2.10. Il se peut bien sûr que la famille génératrice θi, ηj ne soit pas minimale. En effet, on peut avoir des décompositions de Hironaka du type

C[V ]G = J1C[θ1, . . . , θs] ⊕ J2C[θ1, . . . , θs] ⊕ J1J2C[θ1, . . . , θs]

auquel cas une famille génératrice est donnée par J1, J2, θ1, . . . , θs. Une telle situa-tion [Shi67] intervient d’ailleurs dans le cas des formes binaires de degré 8.

Cette méthode, qui consiste à exhiber un système de paramètres pour en déduire, via la série de Hibert, une borne sur les degrés des générateurs, est celle qui a été utilisée par Brouwer–Popoviciu [BP10a;BP10b] dans le calcul des invariants des formes binaires de

degré 9 et 10. Dans ces cas, on obtient une borne sur les degrés des invariants secondaires qui vaut 66 pour les générateurs C[S9]SL(2,C) et 48 pour les générateurs de C[S9]SL(2,C).

La difficulté d’une telle approche réside dans la détermination d’un système de pa-ramètres. Bien sûr, le lemme de normalisation de Noehter nous assure l’existence d’un tel système pour les algèbres de type fini mais les seuls algorithmes dont nous avons pu prendre connaissance [Log89; Has08] ne traitent là aussi que de situations assez simples.

Une autre difficulté résulte d’un théorème de Brion [Bri82, Théorème 3]. Notons V = Sn1⊕ . . . ⊕ Snl(s ≥ 2) un espace de formes binaires, θ1, . . . , θsun système de paramètres de C[V ]SL(2,C) et

C[V ]G= η1C[θ1, · · · , θs] ⊕ · · · ⊕ ηrC[θ1, · · · , θs] sa décomposition de Hironaka.

Théorème 6.2.11 (Brion–1982). Les conditions suivantes sont équivalentes :

1. On peut choisir θ1, . . . , θs, η1, . . . , ηr homogènes par rapport à chaque Sni (i =

1, . . . , l).

2. C[V ]G possède un système de paramètres homogène par rapport à chaque Sni. 3. La série de Hilbert H(z) de C[V ]G (à l variables) admet pour dénominateur un

produit de s termes de la forme 1 − ze, e ∈ Nl. 4. (n1, . . . , nl) fait partie de la liste suivante :

(l = 2) (1, 1) ; (1, 2); (1, 3); (1, 4); (2, 2); (2, 3); (2, 4); (3, 3); (4, 4) (l = 3) (1, 1, 1) ; (1, 1, 2); (1, 2, 2); (2, 2, 2).

Exemple 6.2.12. L’article [BP11] donne de nombreux exemples d’algèbre d’invariants et de covariants en petite dimension homologique (qui est la différence entre le nombre minimal de générateurs et la dimension de Krull). Ainsi, on peut considérer le cas de l’espace

V = S1⊕ S2⊕ S4

pour lequel l’algèbre des invariants C[V ]SL(2,C) n’est rien d’autre que l’algèbre des cova-riants de S2⊕ S4. En notant (l, q, f ) ∈ V , il existe un système de paramètres [BP11] de degrés respectifs 2,2,3,3,4,5,6, et donné par

(q, q)2, (f , f )4

(f , (f , f )2)4+ (f , q2)4, (q, l2)2− (f , (f , f )2)4 ((f , f )2, q2)4, (f , l4)4, ((f , f )2, q4)4

Du fait de la difficulté de trouver un système de paramètres dans le cas général, nous avons donc choisi d’étudier l’algorithme de Gordan pour traiter le cas des espaces Piez et Ela, lesquels sont, rappelons-le, des espaces de dimensions respectives 18 et 21, et respectivement isomorphes à

6.3. Algorithme de Gordan

6.3.1. Algorithme de Gordan pour les covariants joints

L’algorithme de Gordan pour les covariants joints permet d’obtenir une famille géné-ratrice finie de Cov(V1⊕ V2), une fois connue une famille génératrice finie de Cov(V1) et Cov(V2).

Familles complètes

Définition 6.3.1. On fixe une famille A = {f1, f2, . . . } ⊂ Cov(V ) de covariants d’un

espace V de formes binaires. Alors Cov(A) est l’algèbre engendrée par tous les covariants