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Estimations régionales et mondiales des ressources d’uranium 109!

1! MODÉLISATION DES RESSOURCES ULTIMES ... 111! 1.1! Introduction ... 111! 1.2! COC issue de données agrégées ... 112! 1.3! COC mondiale issue de la modélisation élastique de l’abondance crustale ... 113! 2! MUR : « MODÈLE URANIUM RÉGIONAL » ... 119! 2.1! Approche statistique à partir d’environnements géologiques ... 119! 2.2! Découpage régional ... 132! 2.3! Modèle appliqué aux États-Unis ... 134! 2.4! Résultats régionaux et spécificités ... 142! 2.5! Ressources mondiales ... 148! 2.6! Sensibilité du modèle MUR ... 149! 3! CONCLUSION ... 156!

Le Chapitre II a permis de se familiariser avec les concepts d’abondance géologique et de classification des ressources naturelles épuisables. Il a aussi dressé un tableau des spécificités de l’uranium. L’objectif du Chapitre III est maintenant de proposer une modélisation des ressources

ultimes d’uranium. Dans la problématique générale de la disponibilité des ressources sur le long

terme, il s’agit de caractériser l’offre future de manière statique et absolue, avant de la rendre dynamique et contrainte aux Chapitre IV et Chapitre V, en la confrontant à la demande sur un marché.

Le Chapitre III répond ainsi à la question : quelles quantités d’uranium et à quels coûts ? L’approche retenue est « statique » parce qu’on exploite les informations disponibles dans les conditions économiques actuelles pour estimer le cumul des ressources accessibles dans le futur. Cette approche est « absolue » parce qu’on s’affranchit dans un premier temps des contraintes sur les moyens de prospection, sur le financement de l’industrie extractive, et plus généralement de la dynamique du marché : l’estimation des ressources ultimes peut théoriquement être reproduite dans des conditions différentes des conditions économiques actuelles.

Dans un premier temps, nous passons en revue les modèles récents ayant été utilisés pour construire une courbe d’offre cumulative de l’uranium (§ 1). Le constat de leurs limites nous a conduits à développer un nouveau modèle qui s’en démarque par une approche statistique régionalisée : le modèle MUR, pour « Modèle Uranium Régional » (§ 2). Nous décrivons les fondements théoriques de ce modèle et détaillons son utilisation sur une région spécifique, avant d’agréger les résultats obtenus pour les différentes régions considérées (les résultats détaillés de chaque région sont présentés dans l’Annexe B) : nous obtenons ainsi une estimation des ressources ultimes au niveau mondial. Les résultats sont finalement analysés et la sensibilité du modèle est discutée (§ 2.4 à 2.6).

1 MODÉLISATION DES RESSOURCES ULTIMES

1.1

Introduction

Les paragraphes § 1 et 2 du Chapitre II ont permis de prendre en main les concepts d’abondance géologique, d’accessibilité, de coût de production et de classification des ressources, indispensables pour comprendre les méthodes d’estimation des ressources ultimes. Ils ont aussi permis de souligner les spécificités de l’uranium et de dresser un tableau de la répartition mondiale des ressources, qui servira de référence à l’analyse des résultats de notre modélisation. Le § 1 permet maintenant de se doter des outils nécessaires à la modélisation. Nous passons aussi en revue les modèles récents qui permettent de construire une courbe d’offre cumulative de l’uranium en soulignant leurs limites, avant de proposer au § 2 un modèle qui s’en détache par son approche statistique régionalisée.

Les économistes spécialistes des marchés des matières premières et les décideurs de l’industrie minière s’intéressent à l’accessibilité de l’uranium naturel comme n’importe quelle commodité minérale. Ils ont pour cela deux outils analytiques.

Le premier est généralement appelé courbe d’offre de court terme (ou courbe de coût-cash, terme spécifique au secteur minier, voir index thématique). Cette courbe représente les capacités de

production cumulées (toutes unités de production confondues et projets en développement à court

terme) en fonction de leur coût de production unitaire ($/kgU ou $/lb U3O8) après que les mines aient

été triées par coût croissant (Figure III-1). Cet outil permet essentiellement d’analyser des problèmes de disponibilité à court et moyen terme, c’est-à-dire de quelques années à une ou deux dizaines d’années.

Figure III-1 – Courbe de coût-cash de l’uranium en 2010 [170]

Puisque l’objectif de ce travail de recherche est d’analyser l’adéquation entre l’offre d’uranium et la demande de long terme, on préférera utiliser un deuxième outil. Cet outil est la courbe d’offre

cumulative de long terme (COC). Il a été popularisé par Tilton [143], [144] en 1987. La courbe

représente les quantités cumulées de ressources connues, en ajoutant éventuellement une estimation des ressources non découvertes, après un tri par coût de production unitaire croissant ($/kgU) (cf. Figure III-2). À la différence de la courbe de coût cash, le temps n’intervient pas dans la courbe COC.

Pour étudier l’adéquation offre-demande dans le temps, il est nécessaire de confronter la courbe COC à un scénario de demande. Ce chapitre ne traite pas du scénario de demande, mais insiste sur la méthode utilisée pour construire la courbe COC.

1.2

COC issue de données agrégées

La manière la plus simple de construire la courbe COC est d’agréger des données existantes (littérature scientifique, rapports techniques) sur les ressources et leur coût de production associé. Dans le cas de l’uranium, on peut par exemple rassembler les ressources déclarées par les différents pays dans le Livre Rouge [102]. Le résultat est représenté sur la Figure III-2 pour l’agrégation de toutes les ressources connues (Ressources Raisonnablement Assurées – RAR – et Ressources Inférées – IR) en rouge, et pour l’ensemble des ressources connues et pronostiquées (RAR+IR+ Ressources Pronostiquées – PR – et Ressources Spéculatives – SR) en rouge clair. 3 MtU manquent au décompte des ressources spéculatives, car aucune estimation de coût ne leur est associée dans le Livre Rouge.

Figure III-2 – Courbe d’offre cumulée de long terme construite à partir des données du Livre Rouge 2014 [102]

L’approche par agrégation est bien adaptée lorsque les données disponibles sont homogènes. Elle peut être critiquée lorsque des données ayant des niveaux d'incertitude différents sont agrégées. Dans l’exemple issu des données du Livre Rouge, les quantités et les coûts des ressources pronostiquées et spéculatives (PR, SR) sont par définition plus incertains que ceux des ressources connues (RAR, IR). De plus, alors qu’on raisonne généralement en supposant que les ressources les moins chères sont produites les premières, rien n’assure que les ressources non découvertes entre 40 et 80 $/kgU seront toutes découvertes avant que les ressources RAR à moins de 80 $/kgU ne soient épuisées. À l’inverse, si l’on n’agrège que les ressources connues, il est probable que des ressources à moins de 80 $/kgU, qui ne sont pas connus aujourd’hui, seront découvertes à long terme.

Finalement, l’utilisation de données agrégées pour construire la courbe d’offre cumulée présente deux limites. Premièrement, lorsque les données sont incomplètes (par exemple quand il manque les ressources non découvertes), les ressources disponibles à long terme sont sous-estimées. Deuxièmement, quand les données sont trop agrégées (par exemple quand les ressources connues et

non découvertes sont additionnées) les ressources disponibles à court terme peuvent être surestimées alors que le long terme est affecté par une incertitude croissante sur les coûts. Ces limites ont conduit certains chercheurs à développer des méthodes alternatives pour construire une courbe d’offre cumulée.

1.3

COC mondiale issue de la modélisation élastique de l’abondance

crustale

Pour éviter d'agréger des estimations dont les coûts et les quantités ont des incertitudes différentes, des études récentes, principalement conduites par Schneider de l'université du Texas et Matthews et Driscoll du MIT [95], [96], [122], modélisent le coût et les quantités des ressources de toute la croûte terrestre avec la même méthodologie. Ces auteurs suivent une méthode en trois étapes :

- premièrement, ils modélisent le lien entre la quantité cumulée et la qualité (représentée par la teneur du minerai) des ressources ;

- deuxièmement, ils modélisent le lien entre le coût de production unitaire et la qualité des ressources ;

- finalement, ils déduisent des deux premières étapes la relation générale entre les quantités cumulées de ressources et les coûts associés.

Le modèle élastique de l'abondance crustale que proposent ces auteurs est décrit dans les paragraphes suivants. Il suit ces trois étapes.

1.3.1 Relation quantité-teneur

Les auteurs introduisent une relation puissance entre la teneur g et la quantité cumulée de métal q selon Eq. III-1. En échelle logarithmique, cela correspond à une relation élastique où α est l'élasticité de la quantité cumulée par rapport à la teneur et où qel et gel sont des paramètres de calibration.

ݍ ݍ௘௟ൌ ൬ ݃௘௟ ݃ ൰ ఈ Eq. III-1

Comme l'explique l'étude du MIT [95], une relation empirique entre les ressources cumulées d'uranium et la teneur est utilisée pour estimer α. Cette relation empirique a été établie en 1979 par Deffeyes [38]. Il s'agit de la courbe en cloche représentée sur la Figure III-3. Dans la gamme des teneurs élevées (102-104 ppmU), la courbe en cloche est approchée par sa pente, notée α dans

Figure III-3 – Relation empirique entre teneur et ressources cumulées d’uranium [38]

1.3.2 Relation coût-teneur

La deuxième relation introduite par les auteurs est aussi une relation puissance cette fois-ci, β représente l'élasticité des coûts unitaires par rapport aux teneurs ; gel et cel sont des paramètres de

calibration. ݃ ݃௘௟ ൌ ቀ ܿ௘௟ ܿ ቁ ఉ Eq. III-2

Différentes versions de cette relation se trouvent dans la littérature. Schneider fait l'hypothèse simplificatrice β = 1 avant d'en étudier la sensibilité. Le MIT introduit une expression plus complexe de β pour tenir compte des effets d'apprentissage en plus d’économies d'échelle. Finalement, il existe autant de variantes de la relation (présentées dans l'étude de Schneider [122]) que de valeurs de β, qu'elles soient imposées ou ajustées empiriquement.

1.3.3 Modèle coût-quantités cumulées

Une fois définies les deux relations précédentes, la troisième étape permet d'en déduire la relation coût-quantité selon l’Eq. III-3.

ݍ ൌ ݍ௘௟൬ܿܿ ௘௟൰

ఈఉ

Eq. III-3

Dans cette formule, le produit noté αβ peut être interprété comme l'élasticité globale de l'offre cumulée vis-à-vis du coût de production unitaire. La courbe COC est finalement obtenue en traçant la relation de l’Eq. III-3, après que tous les paramètres ont été estimés ou calibrés. La Figure III-4 montre les

courbes COC présentées par Schneider pour différentes versions du modèle (pour être exact, les modèles FCCCG(2) et DANESS diffèrent du modèle élastique d'abondance crustale).

Figure III-4 – Courbe d’offre cumulée de long terme pour différentes versions du modèle élastique d’abondance crustale [122]

1.3.4 Limites des modèles élastiques

À ce stade, plusieurs critiques peuvent être faites au modèle proposé par Schneider, Matthews et Driscoll. Premièrement, les résultats sont sensibles au point utilisé pour la calibration, qui lui-même est sensible aux conditions économiques de court terme (§ 1.3.4.1). Deuxièmement, la teneur est le seul paramètre intrinsèque de la ressource qui détermine à la fois la disponibilité géologique (Eq. III-1) (§ 1.3.4.2) et la valeur économique des ressources (Eq. III-2) (§ 1.3.4.3).

1.3.4.1 Sensibilité au point de calibration

L'équation finale de la courbe COC (Eq. III-3) nécessite un point de calibration notée (qel,cel). Bien que

Schneider étudie la sensibilité de son modèle au produit αβ (Figure III-4), la sensibilité au point de calibration n'est pas traitée. Nous montrons dans ce paragraphe qu'elle est particulièrement importante. Les quantités de ressources cumulées (ressources connues RAR+IR) et les limites de coûts correspondantes que nous avons considérées comme points de calibration sont tirées de différentes éditions du Livre Rouge. Pour les tests de sensibilité suivants, la version du modèle élastique d'abondance crustale est la variante « optimistic crustal » de Schneider (αβ = 3,32). Le Tableau III-1 présente les différents points de calibration considérés et la Figure III-5 illustre les résultats.

La Figure III-5 montre que le choix du point de calibration affecte la courbe COC de manière importante (plusieurs ordres de grandeur) : les estimations varient de 8 à 1 500 MtU à moins de 260 $/kgU.

Tableau III-1 – Points de calibration du modèle élastique Édition

Livre Rouge

Coût limite ($/kgU)

Cumul des ressources identifiées (RAR+IR) (MtU) Représentation graphique 2003 130 4,6 --- 2003 40 2,5 (Schneider) … 2007 130 5,4 (MIT) --- 2007 40 3,0 … 2013 260 7,6 ___ 2013 130 5,9 --- 2013 40 0,7 …

Figure III-5 – Sensibilité du modèle élastique d’abondance crustale au point de calibration

1.3.4.2 Limites de la relation quantité-teneur (Eq. III-1)

Dans les années 70, Deffeyes note quelques imperfections sur la courbe en cloche des teneurs. Il remarque que dans le cas du chrome, mais aussi de l'uranium, on peut observer des quantités importantes à des teneurs élevées, plus importantes que ce que prévoit son modèle empirique le plus simple, comme l’illustre la Figure III-6.

Deffeyes explique cet écart par l’existence d'une distribution bimodale des teneurs. Lorsqu'il existe plusieurs types de minéralisation, il est possible que la genèse (c’est-à-dire la séquence d’événements indépendants qui conduisent à la formation d’un gisement) d’un des types soit très différente de celles des autres (voir la discussion sur l’indépendance teneur-tonnage au Chapitre II, § 1.4.4). Ce type de minéralisation suit une distribution indépendante de la distribution principale des teneurs. Ce point est important, car c'est peu après les publications de Deffeyes en 1979-1980 [38], [39] que les principaux gisements canadiens (de type discordance ou unconformity) à très haute teneur ont été découverts au Saskatchewan (Cigar Lake en 1981, McArthur River en 1988). À eux seuls, les gisements du Saskatchewan forment une distribution indépendante de celle de la Figure III-3 (cf. Figure III-7). Ceci invalide le modèle de courbe en cloche utilisé par Schneider et Matthews.

Figure III-6 – Distribution bimodale des ressources d’uranium selon leur teneur [38]

Figure III-7 – Positionnement des gisements canadiens de type discordance sur la courbe de Deffeyes [90], [95]

1.3.4.3 Limites de la relation coût-teneur

Considérer que le coût unitaire de production est uniquement une fonction de la teneur est critiquable. Aujourd'hui des exploitations, qui doivent avoir un coût de production global similaire pour être compétitif sur le marché, ont des teneurs très différentes [169] :

- Cigar Lake, Canada (mine souterraine, 14,4%U, 23 $/lb U3O8 de coût opératoire nominal) ;

- South Ikai, Kazakhstan (lixiviation in-situ, 0,01%U, 22 $/lb U3O8 de coût opératoire

Sur cet exemple, on constate que la technique minière employée est un des leviers de l’industrie pour rendre compétitif un gisement de teneur assez faible. La relation coût-teneur ne distingue pas les types de mines et néglige donc cet aspect.

Inversement, des projets dont les teneurs sont similaires ont des coûts de production assez différents [169]. (Dans l'exemple suivant, le coût de production pour la lixiviation in situ est principalement un coût opératoire, alors que pour la mine à ciel ouvert, les coûts du capital ne peuvent pas être négligés.)

! Carley Bore, Australie (lixiviation in situ, 0.03%U, 20 $/lb U3O8 de coût opératoire nominal) ; ! Letlhakane, Botswana (mine à ciel ouvert, 0,02%U, 58 $/lb U3O8 de coût opératoire nominal). En outre, on a souligné que l'étude du MIT introduit un effet d'apprentissage et de progrès technique, qui compense en partie l'augmentation des coûts liés à la baisse de la teneur. Notre analyse des limites technico-économiques d’extraction au Chapitre II, § 2.3.4.2 a montré qu’une innovation de rupture (difficilement modélisable) est plus susceptible d’augmenter les réserves d’uranium qu’un progrès technique incrémental. Aussi, rien ne montre que sur le long terme, cet effet d'apprentissage ou de progrès technique, n'est pas lui-même compensé par une élévation des coûts miniers plus importante que l’inflation générale (voir sur ce point l’étude de la productivité minière australienne [145] : les augmentations des coûts du travail et du capital ont dépassé les effets du progrès technique dans les années 2000 et fait chuter la productivité à des niveaux proches de la fin des années 1970). Et qu'en est-il de l'effet d'échelle au niveau d'un gisement ? Si l'on considère que l'on exploite les gisements dont la teneur est la plus importante en premier, on peut raisonnablement supposer que l'on découvre et que l'on exploite les gisements les plus gros en premier également. Or les gros gisements sont ceux qui bénéficient a priori de la plus importante économie d'échelle. On peut donc imaginer que sur le long terme les économies d'échelle liées à la taille des gisements peuvent s’opposer à l'effet d'apprentissage.

Une conséquence des deux limites précédentes est le manque de robustesse du modèle : comme le suggère la Figure III-4, différentes valeurs pour les paramètres d'élasticité αβ changent les résultats de façon significative et aucune conclusion acceptable n'émerge quant aux ressources disponibles. Bien que la teneur soit un facteur déterminant du coût d’une ressource, d’autres paramètres gouvernent ce coût et méritent certainement d’être pris en compte. Parmi ces paramètres, on peut citer la taille des gisements, leur profondeur ou la nature géochimique des roches. Un changement dans ces paramètres clés peut conduire à des techniques minières spécifiques et donc à des coûts spécifiques. Lorsqu'un gisement est localisé dans un pays particulier, avec une législation qui lui est propre, les taxes et les royalties peuvent aussi être prises en compte dans le coût.

Ainsi, si l'on opte pour une fonction de coût avec un nombre limité de paramètres, il est plus réaliste de calibrer chaque environnement géologique individuellement (une calibration pour les mines souterraines canadiennes, une calibration pour la lixiviation in situ en Australie, etc.).

2 MUR : « MODÈLE URANIUM RÉGIONAL »

Nous avons vu que les modélisations récentes des ressources ultimes d’uranium ne permettent pas de conclure quant à l’accessibilité des ressources : la répartition des ressources en fonction de leur teneur est caduque, la modélisation des coûts est monoparamétrique ce qui ne correspond pas aux réalités industrielles d’aujourd’hui, de même que les effets d’apprentissage qui semblent aujourd’hui largement absorbés par l’inflation des coûts miniers. Enfin, les résultats sont particulièrement sensibles aux paramètres de calibration. Pour proposer une modélisation dont les résultats en termes d’accessibilité des ressources soient exploitables pour notre étude prospective, nous avons donc décidé de nous appuyer sur des modèles plus aboutis, développés dans les années 1970-80 [16], [40], [70], en les adaptant aux données actuelles et en les améliorant. Le modèle proposé se démarque de la littérature récente en se fondant sur une approche statistique régionale et de la littérature des années 1970-80 par son extension aux ressources ultimes du monde entier (après validation sur une région de référence : les États-Unis). Comme tous les modèles présentés au § 1, celui qui est développé ici considère l’uranium comme un produit primaire. Le cas des coproduits et sous-produits a été discuté au Chapitre II (§ 2.3.2 et Annexe A).

En premier lieu, la méthodologie adoptée et les fondements théoriques du nouveau modèle MUR (Modèle Uranium Régional) sont présentés au § 2.1. Puis le découpage régional retenu pour la mise en application du modèle est justifié au § 2.2. Les résultats obtenus pour une des régions (États-Unis) sont présentés en détail au § 2.3, les résultats des autres régions sont rassemblés dans l’Annexe B. La synthèse est exposée au § 2.4 et la somme des ressources mondiales est obtenue à partir de ces résultats intermédiaires (§ 2.5). Finalement, la sensibilité du modèle est discutée au § 2.6.

2.1

Approche statistique à partir d’environnements géologiques

Pour dépasser les limites des modèles précédents, nous proposons une approche statistique qui diffère en trois points du modèle élastique d'abondance crustale :

! La disponibilité géologique et les coûts de production sont estimés par un modèle bivarié. Les deux variables sont la teneur moyenne d'un gisement, g, et le tonnage de minerai, t.

! Le modèle procède à l'estimation de ressources au niveau régional, c’est-à-dire au niveau d’un environnement géologique défini par ses propres frontières géographiques, sa dispersion des ressources (teneur et tonnage moyens des gîtes et leur variance) et sa fonction de coût. Plusieurs estimations régionales sont donc effectuées avant d’être agrégées pour obtenir un résultat global.

! Une approche statistique est adoptée. Les variables g et t sont traitées comme des variables aléatoires et leurs fonctions de densité de probabilité (pdf) sont utilisées pour construire des relations comparables à celles du modèle précédent.

Le paragraphe § 2.1.1 présente brièvement les anciens modèles géostatistiques qui ont été appliqués à l'estimation des ressources d'uranium au niveau mondial. Le modèle MUR, développé dans cette étude, partage la même structure que ces modèles et sa méthodologie est décrite étape par étape aux paragraphes § 2.1.2 à § 2.1.4.

2.1.1 Modèles géostatistiques existants

On recense dans la littérature plusieurs modèles statistiques bivariés et multivariés pour estimer l'abondance d’un métal non-ferreux comme l’uranium et les coûts de production associés. Leurs objectifs sont les mêmes que ceux décrits au § 1.3 mais plutôt que de procéder à une évaluation

économique des ressources cumulées, les modèles statistiques procèdent à une évaluation économique à l’échelle du gisement puis somment les ressources de l'ensemble des gisements. Un avantage de cette approche est que les modèles peuvent être spécifiques à chaque environnement géologique considéré. Parmi les modèles recensés dans la littérature, trois ont été appliqués au cas de l'uranium. Ils sont développés par Harris [25], [69]–[71], Drew [40] et Brinck [16], [17], [37] à la fin des années 70 et au

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