• Aucun résultat trouvé

Abondance géologique, concepts de ressources et réserves d’uranium 39!

1! ABONDANCE GÉOLOGIQUE ... 41! 1.1! Minéraux uranifères et notion de teneur ... 41! 1.2! Uranium, ressource naturelle épuisable ... 41! 1.3! Quantités totales à la surface du globe (approche top-down) ... 43! 1.3.1! Teneurs moyennes de la croûte terrestre et quantité d’uranium ... 43! 1.3.2! Uranium dissous ... 44! 1.3.3! Restriction liée à l’accessibilité ... 44! 1.3.4! Limite de l’approche top-down ... 45! 1.4! Concentrations naturelles d’uranium (approche bottom-up) ... 45! 1.4.1! De l’indice de minéralisation au gîte géologique ... 46! 1.4.2! Prospection minière ... 46! 1.4.3! Base de données UDEPO ... 47! 1.4.4! Lien éventuel entre la teneur et le tonnage d’un gîte ... 48! 2! RESSOURCES, RÉSERVES ET COÛTS DE PRODUCTION ... 55! 2.1! Accessibilité et intérêt économique des ressources ... 55! 2.1.1! Accessibilité ... 55! 2.1.2! Intérêt économique ... 56! 2.1.3! Coût complet, coûts de production et coût cash ... 56! 2.2! Classification des ressources minérales ... 58! 2.2.1! Commodité : base de la classification et des échanges commerciaux ... 58! 2.2.2! Concepts et normes de la classification ressources/réserves ... 59! 2.2.3! Paramètres affectant la classification ressources/réserves ... 61! 2.2.4! Difficultés de quantification d’une ressource épuisable ... 62! 2.2.5! Ressources épuisables extraites en coproduit ou sous-produit ... 63! 2.3! Particularités des ressources d’uranium ... 65! 2.3.1! Classification de l’AIEA/OCDE-AEN ... 65! 2.3.2! Ressources non conventionnelles : uranium coproduit ou sous-produit ... 66! 2.3.3! Facilité de stockage ... 67! 2.3.4! Paramètres affectant la classification : uranium, pétrole, gaz, charbon ... 67! 2.4! Répartition et évolution des ressources d’uranium ... 70! 2.4.1! 1re typologie des acteurs : répartition mondiale des ressources ... 70!

Dans la problématique générale de la disponibilité des ressources sur le long terme, le Chapitre II et le Chapitre III se concentrent sur un élément fondamental de l’offre : les quantités ultimes qu’il est possible d’extraire du milieu naturel et les coûts associés. Bien que l’offre globale d’uranium soit indissociable de la demande et des mécanismes de marché, l’organisation de ces deux chapitres marque volontairement une progression partant des éléments les plus invariants de l’offre : ceux qui sont liés à l’abondance géologique et découplés du marché. Puis, pas à pas, des éléments susceptibles d’évoluer avec les conditions économiques sont introduits : les concepts techniques et économiques liés à la l’extraction des ressources notamment. Ainsi, les notions, très liées, d’accessibilité d’une ressource naturelle et de coût de production sont introduites. L’intérêt économique que représente la ressource est une autre notion incontournable pour modéliser et estimer les ressources ultimes. Elle renvoie implicitement à la notion de prix, mais cette dernière n’est véritablement introduite qu’aux Chapitre IV et Chapitre V, au terme de notre progression : lorsque l’offre d’uranium est confrontée à la demande sur un marché.

Dans la progression que nous proposons, le Chapitre II a pour objectif d’introduire les concepts techniques et économiques qui interviennent dans la classification et l’estimation de ressources

géologiques. Ces concepts sont nécessaires pour la suite de l’étude et notamment pour la modélisation des ressources ultimes introduite au Chapitre III.

En premier lieu, à partir de considérations purement techniques, nous présentons les concepts de base nécessaires pour étudier et quantifier l’abondance géologique d’une ressource naturelle comme l’uranium (§ 1). Puis, nous nous focalisons sur l’interférence des aspects économiques et de l’abondance géologique. L’accessibilité, le coût et l’intérêt économique des ressources sont introduits pour comprendre la classification actuelle des ressources minérales. Avec cette grille de lecture, les spécificités des ressources d’uranium en termes de coûts de production, de classification et de répartition mondiale, sont présentées et analysées (§ 2). Cette discussion conduit à préciser la notion de ressources non conventionnelles d’uranium et le potentiel économique d’une ressource non conventionnelle particulère (uranium associé aux cendres de charbon) fait l’objet d’une analyse spécifique (Annexe A).

1 ABONDANCE GÉOLOGIQUE

1.1

Minéraux uranifères et notion de teneur

On connaît aujourd’hui 200 minéraux dans lesquels l’uranium est présent avec un état d’oxydation +IV ou +VI. Parmi les minéraux les plus courants, on trouve l’uraninite, la pechblende et la coffinite pour l’état +IV, la carnotite et l’autunite pour l’état +VI.

© Rob Lavinsky, iRocks.com © Rob Lavinsky, iRocks.com

(a) Pechblende (b) Autunite (c) Vivianite, un des minéraux

contenant l’uranium dans les roches phosphatées Figure II-1 – Photographies de quelques minéraux uranifères

Nous introduisons dans ce paragraphe la notion de teneur, notée g (pour « grade »). Cette grandeur permet de quantifier la concentration d’un élément chimique dans une roche ou dans une solution. La teneur se mesure simplement comme le rapport entre la masse de l’élément chimique étudié et la masse de l’échantillon de roche ou de solution. Il s’agit d’une grandeur sans dimension qu’on exprime généralement en grammes par tonne (ou parties par million, notés g/t ou ppm = 10-6). La gamme des

teneurs auxquelles l’uranium existe à l’état naturel étant très vaste, on rencontre également des teneurs exprimées en pourcentage (% = 10-2) ou en parties par milliard (ppb = 10-9). L’uranium étant

commercialisé sous forme d’oxyde U3O8, il n’est pas rare de trouver des teneurs exprimées en

grammes d’U3O8 par tonne de minerai (même si ce n’est pas la forme géochimique que prend

l’uranium à l’état naturel). On précisera alors l’unité pour les teneurs en oxyde d’uranium : 1 ppm éq. U3O8 = 0,848 ppmU = 0,848 gU/t (ou encore 0,848 ppm = 0,848 g/t).

1.2

Uranium, ressource naturelle épuisable

Commençons, comme le fait Gilles Rotillon dans son ouvrage Économie des ressources naturelles [119], par distinguer deux types de ressources naturelles :

- Les ressources naturelles renouvelables. Pour évaluer le stock de ce type de ressource, le processus de renouvellement de la ressource est central. Il possède des temps caractéristiques et des paramètres dynamiques qui le caractérisent (taux de croissance intrinsèque, capacité de charge). Les activités humaines liées à l’utilisation de ces ressources interagissent avec le processus naturel sur des échelles de temps comparables (même ordre de grandeur que les temps caractéristiques de renouvellement), introduisant d’autres dynamiques qu’il convient de surveiller (le niveau de production maximum soutenable notamment). On veille ainsi à ce que le processus de renouvellement ne soit pas mis en péril par les activités humaines afin de conserver le caractère renouvelable de la ressource. La population d’une espèce de poisson

pêché par l’homme peut être un exemple de ce type de ressource. On ne s’intéresse pas à ce type de ressource par la suite.

- Les ressources naturelles épuisables. Cette catégorie renvoie à des ressources dont les temps caractéristiques de renouvellement sont lents, éloignés des dynamiques de production anthropiques de plusieurs ordres de grandeur. L’exploitation ne peut ainsi en aucun cas être soutenable. C’est à ce type de ressource que l’on s’intéresse ici, l’exemple le plus typique étant le pétrole. Les énergies fossiles en font toutes partie. Certains métaux (dont l’uranium) peuvent être classés dans cette catégorie, en notant une spécificité importante : l’activité de recyclage (significative et systématique pour certains métaux aujourd’hui) introduit une source anthropique de renouvellement qu’il convient de prendre en compte dans l’évaluation des ressources. Le potentiel de recyclage du combustible nucléaire étant limité (au moins à court et moyen terme, cf. Chapitre I, § 2.2.2), on néglige ici cet aspect pour l’uranium dans ce chapitre.

Qu’il s’agisse de ressources renouvelables ou épuisables, il est fréquent de cumuler les ressources de toute la planète pour les quantifier (par exemple : « la Terre reçoit en continu 170.106 GW d’énergie

solaire », « les océans ne comptent plus que quelques milliers de baleines bleues » ou « en incluant la production passée, les réserves ultimes de pétrole à l’échelle planétaire se situeraient entre 2 000 et 3 000 milliards de barils »). Cette vision ne doit pas cacher la réalité de l’exploitation industrielle des ressources : toutes ces ressources ne sont pas réparties équitablement à la surface du globe (certains pays possèdent des réserves de pétrole importantes, d’autres non, 1 m2 capte plus d’énergie solaire aux

tropiques qu’aux pôles, etc.). La différence majeure entre les ressources renouvelables et épuisables est que l’activité humaine n’influence pas cette répartition lorsqu’elle exploite raisonnablement une ressource renouvelable, alors qu’elle l’appauvrit localement pour une ressource épuisable.

Dans le cas des ressources épuisables, l’appauvrissement localisé de la ressource peut être compensé par une forte concentration dans les produits issus de la transformation de la ressource (produits manufacturés, déchets, etc.) créant des sortes de mines artificielles pour l’activité de recyclage. C’est le cas de la plupart des métaux (par exemple, les câbles électriques sont parmi les plus fortes concentrations de cuivre qu’on puisse trouver). Les ressources énergétiques fossiles n’entrent pas dans cette catégorie puisqu’elles sont, au contraire, disséminées dans l’environnement sous forme de déchets gazeux après combustion. Dans une certaine mesure, l’uranium (qui fait partie de la famille des métaux) et ses différents produits de transformation au cours du cycle du combustible (U3O8 , UF6

et UF6 appauvri, UO2 des assemblages de combustible neuf ou usé, cf. Chapitre I) restent concentrés.

L’objet de ce § 1 sur l’abondance géologique de l’uranium nécessite qu’on ne s’intéresse qu’à la répartition naturelle de l’uranium, sans tenir compte de l’appauvrissement localisé de la ressource et d’éventuelles concentrations ou disséminations anthropiques. On verra au Chapitre IV que les actions anthropiques passées peuvent être importantes pour étudier le marché (production passée, stratégies d’acteurs, stocks stratégiques, etc.). Mais pour les paragraphes § 1.3 et 1.4, on suppose que l’action de l’homme s’est limitée à accumuler de l’information sur les quantités d’uranium que renferme la surface du globe (on ne prend pas en compte l’exploitation et l’épuisement de certaines mines). Deux approches sont possibles pour étudier l’abondance géologique d’un minéral dans un système donné.

- Une approche top-down : on suppose que le système est homogène, on aborde le problème d’abondance par l’estimation d’une quantité totale d’uranium (§ 1.3). Mais cette approche soulève la question de la délimitation physique du système fermé homogène (§ 1.3.3) : où n’envisagera-t-on jamais de chercher de l’uranium ?

- L’autre approche (§ 1.4), qu’on pourrait qualifier de bottom-up, s’apparente plus à la réalité que connaissent les géologues et les compagnies qui mènent des campagnes d’exploration : caractériser les zones du globe où l’uranium a été naturellement concentré à des niveaux exceptionnels. L’abondance est ensuite estimée en sommant les quantités identifiées dans les différentes zones. Ici, le risque est de ne pas prendre en compte toutes les zones du globe et donc de ne pas être exhaustif.

1.3

Quantités totales à la surface du globe (approche top-down)

Dans l’approche top-down, la teneur moyenne d’un milieu et sa masse permettent par simple multiplication de déterminer la quantité totale de minéral contenue dans ce milieu.

1.3.1 Teneurs moyennes de la croûte terrestre et quantité d’uranium

On relève dans la littérature des valeurs de teneur moyenne de la croûte terrestre (qu’on note clarke15)

allant de 2 ppm éq U3O8 (soit 1,7 ppmU) [40], [67] à 4 ppmU [140]. Les différences constatées dans

les valeurs moyennes peuvent en partie être expliquées par la partie de la croûte terrestre considérée par les auteurs (croûte continentale ou océanique, croûte superficielle ou profonde). La valeur de 3 ppm éq. U3O8 (2,54 ppmU) est celle retenue par Harris [69] pour la croûte continentale. Elle est

proche de la valeur historiquement et empiriquement estimée de 2,7 ppmU [138], retenue par de nombreux spécialistes [34], [160].

Pour déterminer la teneur moyenne de la croûte terrestre de façon empirique, les différentes études procèdent par le prélèvement et l’analyse d’échantillons des différents types de roches qui constituent la croûte. La teneur moyenne de chaque type de roches est mesurée et la teneur moyenne de la croûte est obtenue comme la moyenne des teneurs mesurées, pondérées par la masse relative des différents types de roches dans la composition globale de la croûte (les roches granitiques prédominent pour la croûte continentale et les roches basaltiques prédominent pour la croûte océanique).

Des publications récentes [67] suggèrent que la teneur moyenne de la partie superficielle de la croûte (20 premiers kilomètres) est plus élevée que celle de la croûte inférieure : 2,5 ppmU contre 0,93 ppmU du fait de l’incompatibilité de l’uranium avec les minéraux présents dans le manteau, lui-même très pauvre en uranium (21 ppbU [33]). La croûte inférieure ayant des conditions de pression et de température, ainsi que des natures de roches, plus proches de celles du manteau que de celles de la croûte superficielle, l’uranium se trouve davantage concentré dans celle-ci. Cuney [33] précise la teneur moyenne de la partie superficielle en distinguant bien la zone continentale de la zone océanique : 2,7 ppmU pour la croûte superficielle continentale contre 1,4 ppmU pour l’ensemble de la croûte superficielle. Finalement, Taylor [138] (2,7 ppmU pour la croûte continentale) expliquait déjà la différence entre zone continentale (principalement granitique) et zone océanique (essentiellement basaltique) en s’appuyant sur des échantillons de granites et de basaltes (teneur moyenne des échantillons basaltiques de 0,6 ppmU contre 4,8 ppmU pour les granites).

15 Franck Wigglesworth Clarke (1844-1931) est un géologue américain pionnier, dans l’investigation de la

composition de la croûte terrestre. Son nom est communément utilisé pour faire référence à la teneur moyenne d’un élément chimique dans la croûte terrestre ou au rapport adimensionnel entre la teneur d’un échantillon et la teneur moyenne de la croûte.

Si l’on considère comme système fermé l’ensemble de la croûte continentale superficielle, de masse 1,3.1019 t (d’après [57] pour les 20 premiers kilomètres) et de teneur 2,54 ppmU, on obtient un total

d’environ 35 000 milliards de tonnes d’uranium à la surface du globe. Cette estimation a néanmoins une portée et une utilité limitées. Pour la grande majorité de cet uranium, les roches minéralisées n’ont pas été localisées et, à supposer que la technologie actuelle les rende accessibles (le terme d’accessibilité est précisé au § 2.1), on peut supposer que leur extraction coûterait bien plus que la valeur que représente l’uranium qu’elles contiennent.

Par la suite, nous utiliserons comme teneur moyenne de la croûte terrestre continentale :

clarke = 3 ppm éq. U3O8 (soit 2,54 ppmU).

1.3.2 Uranium dissous

L’eau est un vecteur de mobilité pour l’uranium tant en surface que dans le sous-sol. Sous la forme de complexes ioniques, l’uranium a une certaine solubilité. La teneur des eaux souterraines dépend de leur vitesse d’écoulement et de leur environnement géologique. En moyenne, les océans ont une teneur comprise entre 1 et 6 ppb et les autres eaux de surfaces (lacs, cours d’eau) ont une teneur inférieure à 1 ppb [160]. (En surface, la teneur des eaux est plus uniforme.)

Compte tenu du volume total des océans, cela représente des quantités très importantes d’uranium. Un calcul similaire à celui du § 1.3.1 donne 4,5 milliards de tonnes d’uranium si l’on tient compte d’une masse d’eau océanique de 1,5.1018 t et une teneur de 3.10-3 ppm.

De nouveau, ce calcul a une portée prospective limitée. Les procédés techniques envisagés jusqu’à présent pour extraire l’uranium de l’eau de mer ont des coûts économiques et/ou énergétiques supérieurs à la valeur économique ou énergétique que représente l’uranium [66].

1.3.3 Restriction liée à l’accessibilité

A priori, si les informations sur la composition des milieux sont disponibles, rien n’empêche d’étendre les estimations précédentes au-delà de la croûte continentale et des océans. Pourquoi ne pas inclure l’uranium présent dans la croûte océanique ? Dans le manteau supérieur ? Dans le noyau terrestre ? Sur la lune ? Pour définir le périmètre du système fermé qu’on considère, il faut ainsi formuler des hypothèses, sortes d’axiomes de l’étude prospective, en s’appuyant sur des arguments potentiellement fragiles comme :

- On exclut les ressources d’uranium du manteau supérieur et du noyau terrestre, car d’une part, aucune industrie extractive, même l’industrie pétrolière, n’atteint de telles profondeurs aujourd’hui et il est donc peu vraisemblable qu’on y ait recours dans un futur prévisible ; et d’autre part, la croûte superficielle est plus riche en uranium que le manteau.

- On exclut les ressources d’uranium présentes dans la croûte océanique et sur la lune (des projets miniers prospectifs existent aujourd’hui dans ces milieux pour d’autres matières premières que l’uranium), car les recherches sur les techniques de récupération sont moins avancées que celles de l’extraction à partir de l’eau de mer (projet prospectif le plus important quantitativement).

Il s’agit donc d’un choix arbitraire : le système fermé que l’on considère est le système dans lequel les ressources sont accessibles avec les techniques existantes ou supposées disponibles à un horizon de temps donné. Cette restriction apportée aux limites du système fermé considéré se retrouve dans bon nombre d’études prospectives (nécessité d’explorer les futurs possibles en considérant différents scénarios, avec ou sans l’eau de mer, avec ou sans la croûte océanique dans notre cas) et reste acceptable si les hypothèses sont bien spécifiées et si les résultats sont utiles.

1.3.4 Limite de l’approche top-down

La vraie difficulté que rencontrent les estimations top-down est l’intérêt limité des résultats. Si les axiomes ne sont pas trop farfelus, les résultats obtenus peuvent donner une bonne idée de la borne supérieure des quantités de ressources totales, mais ils pêchent à décrire la part réellement accessible de ces quantités. Dans le cas de l’uranium de la croûte terrestre et de l’eau de mer, on a noté que la majorité des quantités estimées sont inaccessibles, car leur coût d’extraction dépasserait largement la valeur qu’elles représentent. On peut imaginer que le progrès technique permettra un jour de récupérer une partie un peu plus significative des 35 000 milliards de tonnes d’uranium en terre ou et des 4,5 milliards de tonnes d’uranium dissous dans les océans. Mais que vaut cette part aujourd’hui et ne restera-t-elle pas négligeable à l’avenir ? La méthode top-down ne permet pas de l’estimer, car elle considère le système homogène : toutes les ressources ont la même teneur moyenne, leur profondeur n’est pas considérée, les conditions de pression et de température sont les mêmes dans tout le système. Or, ce sont précisément ces paramètres qui définissent l’accessibilité d’une ressource (cf. §2) : même si le progrès technique peut améliorer l’accessibilité de certaines ressources, on continuera à privilégier les ressources les plus rentables économiquement : celles dont la teneur est élevée (elles minimisent le coût par unité produite) ou, lorsque les teneurs sont assez homogènes comme pour l’uranium de l’eau de mer, celles des zones océaniques à fort courant et température élevée (paramètres qui améliorent significativement le rendement de récupération de l’uranium).

1.4

Concentrations naturelles d’uranium (approche bottom-up)

L’approche « bottom-up », celle du géologue, donne un autre point de vue sur les ressources : ces estimations ne sauraient donner une borne supérieure précise aux quantités totales présentes dans une vaste région, mais au contraire une borne inférieure des quantités accessibles. En effet, le géologue prend en compte les hétérogénéités de concentration de la région explorée et recense les ressources dont l’accessibilité est favorable. L’activité minière cherche à tirer profit des hétérogénéités des roches : elle commercialise un concentré d’uranium dont la teneur est proche de 85% donc elle préfère transformer des matériaux déjà enrichis par la nature à quelques milliers de ppm plutôt que des roches à 2,7 ppm. Cela minimise l’énergie chimique et mécanique consommée pour la transformation.

Nous présentons dans ce paragraphe les points importants qui permettent de définir une zone de concentration naturelle (§ 1.4.1). Un rappel succinct des grandes étapes d’une campagne d’exploration permet ensuite d’identifier les aspects subjectifs de la délimitation d’un gîte géologique (§ 1.4.2). La base de données qui recense les gîtes d’uranium est présentée avec ses critères de définitions (§ 1.4.3). Finalement, on discute de l’indépendance entre les deux principales variables définissant une zone de concentration (§ 1.4.4). Nous nous focalisons sur les ressources d’uranium présentes dans la croûte continentale en considérant la teneur des roches, mais le raisonnement resterait valable pour l’uranium de l’eau de mer avec d’autres paramètres que la teneur : si cette technique d’extraction se développe, il est probable que l’activité humaine accumule en priorité de l’information sur les zones océaniques les plus prometteuses qu’elle aura découverte.

Puisqu’on considère des hétérogénéités à l’intérieur du système fermé, il est nécessaire d’introduire une grandeur extensive pour délimiter et caractériser les sous-ensembles du système. Nous introduisons pour cela le tonnage, noté t, c’est-à-dire la masse de roche des sous-ensembles. À l’intérieur de chaque sous-ensemble, on considère que les grandeurs intensives (la teneur par exemple) restent constantes, mais peuvent varier d’un sous-ensemble à l’autre. Enfin, si le système fermé (ou le sous-ensemble) a une densité homogène, le tonnage est équivalent à la taille du sous-ensemble. L’hypothèse d’une densité de la croûte continentale constante (densité moyenne 2,75, avec une

Documents relatifs