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Modélisation et Simulations Numériques

3.6 Modélisation du couplage chimie-mécanique.

3.6.3 Estimation des propriétés mécaniques homogénéisées et du coefficient d’interaction.

Grâce à un schéma d’homogénéisation, nous allons détailler dans cette section, comment e s- timer les propriétés mécaniques de l’enrobé à partir de celles des différentes phases le cons- tituant.

3.6.3.1 Propriétés mécanique d’un matériau homogène équivalent.

Le principe des méthodes d’homogénéisation est de définir à partir d’un matériau hétéro- gène, un milieu homogène fictif qui soumit aux mêmes sollicitations que lui, aurait une ré- ponse macroscopique identique. Pour remplir cet objectif, on définit usuellement trois grandes étapes :

La représentation : La première étape consiste à définir les dimensions d’un volume él é-

mentaire représentatif (VER). Celui-ci correspond au volume représentatif le plus petit du matériau. Il est constitué d’un ensemble de phases dont la géométrie et les propriétés méca- niques varient de l’une à l’autre.

Figure 79

Illustration schématique (a) du VER hétérogène de l’enrobé C3S/REI-Ca + NaOH/NaCl et (b) du VER homogène équivalent après homogénéisation.

Ce volume élémentaire contient l’ensemble des différentes hétérogénéités présentes dans le matériau. Sous réserve de pouvoir appliquer, dans chaque phase l’hypothèse d’élasticité li- néaire, le comportement mécanique microscopique de chaque phase est caractérisé par la loi de comportement suivante :

𝝈𝒑𝒉= ℂ𝑝ℎ: 𝜺𝒑𝒉 ↔ 𝜺𝒑𝒉 = 𝕊𝑝ℎ: 𝝈𝒑𝒉 (66) Où :

𝝈𝒑𝒉 Tenseur des contraintes de la phase ''ph''.

𝜺𝒑𝒉: Tenseur des déformations de la phase ‘‘ph’’.

𝑝ℎ Matrice de rigidité de la phase ‘‘ph’’.

𝕊𝑝ℎ Matrice de souplesse de la phase ‘‘ph’’.

La représentation associée à chaque phase est une étape importante dans la création du VER. Par exemple, dans ce modèle, l’enveloppe discontinue de portlandite est considérée comme une phase continue dont l’épaisseur a été moyennée par rapport à la quantité de por- tlandite créée autour de chaque bille (Figure 80).

Figure 80

Illustration de la représentation utilisée pour l’enveloppe discontinue de portlandite (en transparence) en une enveloppe de portlandite continue équivalente .

On prend en compte sa discontinuité en travaillant sur les propriétés mécaniques et le coef- ficient d’interaction (cf. 3.6.4.3) à appliquer à cette phase. La figure 81 illustre deux repré- sentations possibles de cette phase :

• Si on considère l’enveloppe de portlandite comme fortement discontinue (Figure 81a), alors cette phase aura un comportement très différent en fonction de l’orientation de sa sollicitation. En effet dans le sens radial, étant donné l’importante rigidité de la portlan- dite (module de Young de 43GPa), chaque cristal de portlandite devrait transmettre inté- gralement les sollicitations mécaniques des REI à la matrice cimentaire. Mais dans le sens tangentiel, à cause de la discontinuité, peu d’effort pourront être repris. Pour s’approcher de ce comportement nous avons fait le choix d’appliquer une faible rigidité à cette phase tout en conservant le même coefficient d’interaction que celui de la phase REI.

• Par contre si cette enveloppe est faiblement discontinue (Figure 81b), alors celle-ci de- vrait se comporter comme une membrane rigide. Pour représenter ce cas, on a considéré la rigidité de cette phase comme proche de celle de la Portlandite et son coefficient d’interaction égal à zéro.

(a) (b)

Figure 81

Illustration de l’impact de la discontinuité de l’enveloppe de portlandite sur la pression interne qui sera appliquée sur la matrice cimentaire (flèches rouges) :

(a) Enveloppe fortement discontinue, la pression des REI est intégralement transmise à la matrice c i- mentaire

(b) Enveloppe faiblement discontinue, une partie de la pression des REI est reprise par la portlandite (flèches bleus).

La réalité se situe entre les deux cas illustré par la figure 81. Idéalement la rigidité radiale sera proche de celle de la portlandite tandis que la rigidité tangentielle sera faible. Dans cette représentation idéale, le coefficient d’interaction serait nul. Cependant nous n’avons pas trouvé de schéma d’homogénéisation satisfaisant capable d’homogénéiser un matériau constitué d’inclusions bi-phasiques au comportement orthotrope noyées dans une matrice continue. Ainsi les cartographies des figure 36 et figure 39 montre une discontinuité impor- tante de l’enveloppe de portlandite, nous avons donc utilisé la représentation proposée par la figure 81a pour caractériser cette phase.

Finalement, trois niveaux d’homogénéisation ont été construits pour obtenir les propriétés mécaniques effectives de l’enrobé :

• Au Niveau III les C-S-H de la PCD sont constitués de deux phases, des C-S-Hext

et des C-S-Hint aux propriétés mécaniques différentes.

• Le Niveau II correspond à l’échelle de la pâte de C3S hydraté. Les propriétés de la

PCD sont estimées à ce niveau en fonction de la proportion de portlandite, de C-S-H et de volume poreux.

• Et enfin le Niveau I dans lequel on cherche à déterminer les propriétés mécaniques effectives et le coefficient d’interaction d’un matériau hétérogène contenant des billes composites (ECH + REI) enrobées dans une matrice continue (C3S hydraté).

La figure 82 reprend la représentation qui a été faite du VER de chaque niveau avec en des- sous la méthode d’homogénéisation à laquelle il se destine.

Figure 82

Illustration des différents niveaux nécessaires à l’estimation des propriétés mécaniques effectives de l’enrobé C3S/REI-Ca +NaOH/Cl.

Dans le cas du niveau I, la notation MHE correspond à ‘‘Matériau Homogène équivalent’’, le schéma utilisé pour ce niveau considère un ensemble d’inclusion tri -phasique noyé dans un MHE.

Localisation : L’objectif de cette étape est de relier les grandeurs microscopiques (défini es

à l’étape précédente) et macroscopiques du VER [69–71].

Pour ce faire on introduit deux nouvelles notions à l’échelle de la phase, la déformation et la contrainte moyenne locale (équations (67) et (68)).

〈𝜺(𝑥)〉𝑝ℎ= 1 𝑉𝑝ℎ∫ 𝜺𝑉𝑝ℎ 𝒑𝒉𝑑𝑉 (67) 〈𝝈(𝑥)〉𝑝ℎ= 1 𝑉𝑝ℎ∫ 𝝈𝑉𝑝ℎ 𝒑𝒉𝑑𝑉 (68) Où : 𝑉𝑝ℎ: Volume de la phase ph.

𝑥: Coordonnées d’un point du VER.

Ces deux grandeurs correspondent à la contrainte ou à la déformation moyenne de la phase ‘‘ 𝑝ℎ ’’.

A l’échelle du VER, le choix des conditions limites va influer sur la méthode de résolution du problème numérique. Deux types de conditions aux limites sont classiquement proposés [71]:

• La condition de contraintes homogènes au contour du VER, dans laquelle on consi- dère une contrainte Σ0 uniforme au contour ; la contrainte macroscopique Σ peut être

définie tel que :

∑ = 〈𝝈(𝑥)〉𝑉 = ∑0 (69)

• La condition de déformations homogènes au contour du VER, dans laquelle on con- sidère une déformation E0 uniforme au contour ; la déformation macroscopique 𝑬

peut être définie telle que :

𝑬 = 〈𝜺(𝑥)〉𝑉 = 𝑬𝟎 (70)

Où :

𝜺(𝑥): Champ de déformations dans le VER. 𝝈(𝑥): Champ de contraintes dans le VER.

Deux tenseurs d’ordre 4 permettent de relier les champs moyens de chaque phase aux champs macroscopiques du VER, ces tenseurs sont appelés tenseurs de localisation moye n- nés par phase.

• Soit 𝔸𝑝ℎle tenseur de localisation moyenné par phase des déformations tel que :

〈𝜺(𝑥)〉𝑝ℎ = 𝔸𝑝ℎ: 𝑬 (71)

• Soit 𝔹𝑝ℎle tenseur de localisation moyenné par phase des contraintes tel que :

〈𝝈(𝑥)〉𝑝ℎ= 𝔹𝑝ℎ: ∑ (72)

Les tenseurs de localisation dépendent de la répartition et de la forme des hétérogénéités dans le VER. Ainsi en fonction du problème étudié, un schéma d’homogénéisation sera pré- férable à un autre pour le calcul des tenseurs de localisation.

Homogénéisation : L’homogénéisation correspond au calcul des propriétés mécaniques

homogénéisées à partir des déformations et des contraintes moyennes obtenues à l’étape précédente.

Il est à cette étape possible d’exprimer le tenseur de rigidité homogénéisé ℂ𝐻 ou le tenseur de souplesse 𝕊𝐻 en fonction de la moyenne sur le VER du produit du tenseur de rigidité (ou de souplesse) de chaque phase par le tenseur de localisation associé [69–71].

ℂ𝐻= 〈ℂ: 𝔸〉𝑉= ∑ 𝜙𝑖 ℂ𝑖: 𝔸𝑖

𝑖 (73)

𝕊𝐻= 〈𝕊: 𝔹〉𝑉 = ∑ 𝜙𝑖 𝕊𝑖: 𝔹𝑖 𝑖

Ce qui permet de lier contraintes macroscopiques et déformations macroscopiques selon la loi de comportement suivante :

Dans le cas d’un matériau de type matrice inclusion, il peut être intéressant de réarranger l’équation (74) pour faire apparaitre clairement l’impact de la matrice (équation (75)).

𝐻 = ℂ𝑀+ ∑ 𝜙𝑖 (ℂ𝑖− ℂ𝑀): 𝔸𝑖 𝑖≠𝑀

(75)

Quel que soit le niveau d’homogénéisation (Figure 82), les hétérogénéités de l’enrobé PCD/REI peuvent être assimilé à des inclusions sphéroïdales. Dans ce cas, les méthodes qui découlent de l’approche d’Eshelby [72] peuvent se révéler pertinentes. Le schéma de Mori- Tanaka, par exemple, est un modèle que l’on retrouve souvent dans la littérature [69,70,73]. En effet dans le cas d’un matériau de type matrice/inclusions, où le taux d’incorporation est inférieur à 30 %, ce schéma donne une bonne approximation des propriétés mécaniques e f- fectives du matériau. Et étant donné que le taux d’incorporation des REI dans l’enrobé est aux alentours de 30%, ce modèle semble une bonne approche pour homogénéiser le VER à l’état initiale. Cependant, dès qu’il y a apparition d’une enveloppe de portlandite à l’interface C-S-H/REI, ce schéma n’est plus applicable de par le caractère bi-phasique des inclusions. Ce modèle nous a toutefois permis d’obtenir une estimation des propriétés mé- caniques de la matrice cimentaire C3S.

En substituant le tenseur de localisation de l’équation (75) par l’expression qu’il prend dans le modèle de Mori-Tanaka, on obtient une estimation de la matrice de rigidité.

ℂ𝐻𝑀𝑇= ℂ𝑀+ ∑ 𝜙𝑖 (ℂ𝑖− ℂ𝑀): 𝕋𝑖: [∑ ∅𝑗𝕋𝑗 𝑗 ] −1 ⏟ 𝔸𝐼𝑀𝑇 𝑖≠𝑀 (76)

Ainsi en s’inspirant des travaux de Constantinides et Ulm [11], nous avons choisi d’appliquer deux niveaux d’homogénéisation pour estimer les propriétés de la matrice ci- mentaire, tous deux basés sur le modèle de Mori-Tanaka.