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Estimation du nombre de personnes prises en charge pour la cascade

CHAPITRE 4 – ESTIMATION DU NOMBRE DE PERSONNES PRISES EN CHARGE POUR

3.6 Estimation du nombre de personnes prises en charge pour la cascade

Les effectifs des personnes identifiées, en 2011 et 2016, par l’algorithme final et l’algorithme alternatif, âgées de 18 à 75 ans ou de 18 à 80 ans, et vivant en France métropolitaine, sont présentés dans le Tableau 17. Les effectifs pour les 18-80 ans étaient 3 à 5% plus élevés que ceux des 18-75 ans. Par rapport à l’algorithme final, l’algorithme alternatif identifiait 12% de personnes en plus en 2011 et 20% en 2016 quelle que soit la classe d’âge considérée.

Tableau 17 : Nombres de personnes identifiées comme prises en charge pour une hépatite C chronique par l'algorithme final et l'algorithme alternatif (plus sensible), âgées de 18-75 ans ou de 18-80 ans et vivant en France métropolitaine, 2011 et 2016

Année Classe d’âge Algorithme final Algorithme alternatif

2011 18-75 ans 27 317 30 483

18-80 ans 28 026 31 371

2016 18-75 ans 34 345 41 095

18-80 ans 35 806 42 950

Source : SNDS, exploitation Santé publique France

4. Discussion

Ce travail a permis de fournir, pour la première fois, en France, des estimations du nombre de personnes prises en charge pour une hépatite C chronique. En France métropolitaine, en 2011, environ 28 000 personnes âgées de 18-75 ou 18-80 ans étaient identifiées comme ayant eu au moins un recours aux soins pour une hépatite C chronique au cours de l’année, cette estimation atteignant 31 000 avec l’algorithme alternatif, plus sensible. Pour l’année 2016, environ 35 000 personnes étaient identifiées comme prises en charge au cours de l’année pour une hépatite C chronique par l’algorithme final. Avec l’algorithme alternatif, cette estimation était comprise entre 41 000 et 43 000 selon la classe d’âge considérée. Avec une majorité d’hommes et un âge médian, selon les années, autour de 50 ans chez les hommes et de 55-60 ans chez les femmes, le profil démographique est cohérent avec les données issues de services cliniques [72, 246, 252].

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Ces estimations constituent très certainement une fourchette basse du nombre de personnes prises en charge pour une hépatite C chronique en France pour plusieurs raisons liées notamment à l’objectif de construction de la cascade de prise en charge de l’hépatite C chronique.

En effet, la contrainte majeure de ce travail résidait dans le fait d’identifier de façon spécifique, parmi les personnes prises en charge, les personnes ayant une hépatite C chronique et de ne pas inclure à tort des personnes ayant un antécédent d’hépatite C chronique guérie. Cela était d’autant plus important que le nombre de personnes avec une hépatite C guérie est probablement élevé en raison des nombreuses contaminations anciennes par usage de drogues injectables ou par transfusion sanguine, de l’évolution de l’hépatite C sur plusieurs décennies et du nombre élevé de personnes traitées et guéries. Ainsi, entre 2014 et 2017, près de 60 000 personnes auraient initié un traitement par AAD, soit un nombre estimé de 53 000 personnes guéries [274]. Avant cette période, le nombre annuel estimé d’initiations de traitement par bithérapie ou trithérapie était déjà élevé (compris entre 8 000 et 13 000 entre 2007 et 2013 [275]), mais le nombre de personnes guéries sous traitement est plus difficile à évaluer du fait des interruptions fréquentes de traitement et de l’efficacité modérée de la bithérapie. Cependant, le nombre cumulé de personnes guéries sous traitement entre la fin des années 1990 et 2013 est probablement assez important. Cette contrainte forte a conduit à choisir des composantes très spécifiques vis-à-vis de l’hépatite C chronique, et par conséquent à élaborer un algorithme très conservateur. Les effectifs très élevés (de l’ordre de 115 000 personnes) retrouvés avec le premier algorithme très peu spécifique soulignent bien l’impact du choix de l’algorithme sur les résultats.

Par ailleurs, l’approche transversale choisie pour la construction de la cascade a conduit à cibler uniquement les patients ayant eu un recours aux soins au cours de l’année considérée. Cela garantissait en outre de ne pas inclure à tort des patients pris en charge au cours d’une période antérieure et guéris depuis, ce cas de figure devenant de plus en plus fréquent avec la disponibilité des AAD très efficaces. A contrario, le risque avec cette approche transversale était de ne pas inclure des personnes ayant une hépatite C chronique suivies de façon intermittente, telles des personnes désociabilisées (UD notamment) ou des personnes ayant été contaminées, plusieurs décennies auparavant, par transfusion sanguine ou par des soins invasifs et non guéries. Un afflux récent de cette dernière catégorie de personnes dans les centres experts afin de bénéficier des AAD est d’ailleurs rapporté par certains hépatologues de centres experts et des médecins généralistes. Ceux-ci évoquent un suivi « a minima » par les médecins traitants assez fréquent pour des personnes âgées ayant initialement un niveau de fibrose peu avancé, ce d’autant que les recommandations de suivi des patients atteints d’hépatite C chronique, en dehors du traitement

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étaient assez peu claires avant l’accès universel aux AAD. Le très faible recoupement des personnes identifiées en 2011 et 2016 (7%) confirme le caractère probablement intermittent de la prise en charge d’une majorité de patients. Il s’explique également probablement par un nombre élevé de patients guéris entre ces deux années.

L’algorithme alternatif, moins spécifique, a permis d’identifier un nombre relativement limité de patients supplémentaires (12% en 2011, 20% en 2016) grâce à la prise en compte des patients ayant eu deux remboursements de PCR quantitative ARN VHC au cours de l’année (en tant que critère majeur). Les analyses complémentaires n’ont pas permis de documenter de façon claire la probabilité que ces personnes aient une hépatite C chronique du fait du manque d’informations disponibles dans le SNDS et de la complexité de ces données. La proportion importante et croissante de personnes identifiées uniquement par deux remboursements de PCR, atteignant 27% en 2016, a conforté la décision de n’utiliser cet algorithme que dans le cadre de l’algorithme alternatif. Afin de « compenser » cette contrainte en termes de spécificité vis-à-vis de l’hépatite C chronique, il a été décidé d’être le plus exhaustif possible quant aux données utilisées. Ainsi, par exemple, les tables du PMSI ont été analysées pour les actes de biologie et de traitement, permettant d’identifier des patients supplémentaires par rapport à l’extraction des données de remboursement de l’Assurance Maladie uniquement. De la même façon, les données de tous les régimes disponibles une année donnée ont été utilisées. Cela a ainsi conduit à utiliser pour 2016 un plus grand nombre d’informations (tables, régimes, complétude des informations) qu’en 2011, l’objectif d’estimation ponctuelle primant sur le suivi des tendances dans le cadre de ce travail. Si ces différences ont possiblement eu un impact (non quantifié) sur l’augmentation observée du nombre de personnes identifiées comme prises en charge entre 2011 et 2016 (+26%), celle-ci est probablement en grande partie liée à la disponibilité des AAD de 2nde génération (comme en témoigne l’augmentation plus importante depuis 2014). En outre, les composantes de l’algorithme ont été choisies afin de prendre en compte différentes étapes du parcours de soins du bilan initial au traitement. Par exemple, il était important de prendre en compte l’évaluation de la fibrose hépatique, acte faisant partie du bilan initial, du suivi et du bilan pré-thérapeutique malgré l’absence de spécificité de cet examen seul vis-à-vis de l’hépatite C chronique. Ce choix d’un algorithme large par rapport au parcours de soins répondait également à la nécessité de s’adapter à l’évolution importante des pratiques de prise en charge de l’hépatite C chronique (diminution du recours à la PBH au profit des méthodes non invasives, diminution attendue du génotypage au cours des prochaines années du fait des traitements pangénotypiques…).

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La construction de cet algorithme complexe était indispensable car le SNDS ne comprend pas actuellement de diagnostics en dehors des ALD et des séjours hospitaliers et pas de résultats d’examens complémentaires. Dans certains pays, notamment en Amérique du Nord ou dans les pays de l’Europe du Nord, certaines BDMA comprennent des diagnostics de consultations et/ou des résultats de tests biologiques parce qu’elles ont été construites ainsi ou bien parce qu’il existe une centralisation des données cliniques et/ou biologiques permettant un appariement facilité avec les données médico-administratives [276-279]. Ainsi, les algorithmes retrouvés dans la littérature pour l’hépatite C [276-278] sont peu superposables à notre travail car : i) ils reposent généralement sur les diagnostics d’hospitalisation et/ou de consultations et/ou sur les résultats de tests biologiques figurant dans les BDMA ; ii) ils visent à identifier les patients diagnostiqués pour une hépatite C et non pas les patients pris en charge pour cette infection ; iii) ils prennent en compte l’ensemble des patients diagnostiqués que l’infection par le VHC soit en cours ou passée. Actuellement, il n’est possible d’apparier le SNDS à d’autres sources que de façon ponctuelle et dans le cadre de procédures souvent longues et complexes. Il peut ainsi être apparié à des données d’enquêtes, comme par exemple la cohorte Constances [280] ou prochainement la cohorte ANRS CO22 Hepather. Des projets d’enrichissement du SNDS avec notamment les données des laboratoires de biologie médicale et les données des cabinets de médecine de ville sont envisagés à moyen terme dans le cadre du health data hub [281].

Si le SNDS est depuis plusieurs années une source de données importante pour la surveillance épidémiologique et la recherche, il reste avant tout un outil dont la finalité est de procéder au remboursement des dépenses de santé. Ainsi, les informations disponibles restent limitées (pas de donnée sur les facteurs de risque notamment) et l’utilisation de ses bases est complexe. En outre, il convient d’être vigilant quant à la qualité des données. Ainsi, comme cela a été décrit précédemment, la fiabilité des données d’ALD et les diagnostics d’hospitalisation, notamment les DA, est discutable. De même, des difficultés de codage des AAD de 2nde génération par certaines pharmacies hospitalières en début de période ont été identifiées. De la même façon, les actes ne donnant pas lieu à un remboursement ne peuvent pas être identifiés. Dans notre cas, cela concerne les actes de biologie réalisés lors d’une hospitalisation, mais aussi une partie de ceux réalisés en ambulatoire dans les établissements hospitaliers publics car seule une proportion (non quantifiée) de ces établissements remonteraient ces données à l’ATIH. En outre, les évaluations de la fibrose hépatique par des méthodes non invasives réalisées avant juin 2011 (date de début du remboursement) ne peuvent pas être repérées alors que ces méthodes sont recommandées par la HAS depuis 2008 [105] et qu’elles ont été largement utilisées avant 2011. Ainsi, une évaluation de

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la fibrose par une méthode non invasive était rapportée pour 42% des patients nouvellement pris en charge pour une hépatite C, en 2006, dans les pôles de référence participant à la surveillance nationale [139]. Les Fibroscan® réalisés dans certains CSAPA ou CAARUD ne sont pas non plus repérables dans le SNDS.

Malgré ces limites, le SNDS constitue un outil incontournable pour quantifier et étudier la prise en charge des patients pour un grand nombre de pathologies (sous réserve qu’elles puissent être identifiées de façon spécifique) grâce à sa quasi-exhaustivité. En effet, contrairement à de nombreuses BDMA dans d’autres pays, le SNDS couvre quasiment toute la population française, de la naissance jusqu’au décès, puisqu’il intègre maintenant la quasi-totalité des régimes d’Assurance Maladie [260, 282]. En outre, différents dispositifs existent afin de garantir à tous un accès gratuit à une couverture sociale, telle la Protection universelle maladie qui permet, depuis 2016, une prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de sa vie pour toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière1 ou encore l’Aide médicale d’état pour les personnes étrangères en situation irrégulière et précaire.

L’élaboration de cet algorithme complexe a reposé sur des avis d’experts et a été guidé par les données. La double compétence clinique et technique s’est avérée indispensable pour mener à bien ce projet. Outre la construction de la cascade, cet algorithme fournit un indicateur sur la prise en charge qui pourra être suivi dans le temps et décliné par région ou département. La proportion de personnes traitées parmi celles identifiées comme prises en charge pourra être croisée avec les variables démographiques (âge, sexe), sociales (CMU, AME, indice de défavorisation sociale) et géographiques présentes dans le SNDS. La validation de cet algorithme constitue une autre perspective à court terme. Les données de la cohorte ANRS-Hepather appariées au SNDS constituent une piste intéressante même si celles-ci ne constituent pas un gold standard en raison de leur manque de représentativité vis-à-vis de l’ensemble des personnes prises en charge pour une hépatite C. L’algorithme pourrait néanmoins être directement testé sur les données SNDS appariées aux données d’Hepather, comme cela a pu être réalisé pour le diabète à partir de la cohorte Constances [257]. La sensibilité pourrait être évaluée par la proportion de patients inclus dans la cohorte pour une hépatite C chronique identifiés par l’algorithme (en tenant compte du dernier statut connu vis-à-vis de l’ARN VHC). La spécificité pourrait être estimée par la proportion de patients inclus dans la cohorte pour une hépatite B ou une hépatite C aiguë ou guérie non identifiés par l’algorithme. A l’inverse, l’algorithme pourrait être utile pour évaluer la représentativité

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En conclusion, ce long travail a permis de construire un algorithme de repérage des patients pris en charge pour une hépatite C chronique dans le SNDS, à partir d’expertises cliniques et techniques et ainsi de contribuer à l’estimation de la cascade de prise en charge. Des perspectives d’analyses complémentaires sont envisagées, notamment afin d’évaluer ses performances.

5. Implication

 Coordination du projet et des différents groupes de travail ;  Elaboration du premier algorithme ;

 Recherche des différents codes pour l’extraction des données du SNDS ;

 Extractions et analyses des données du SNDS selon les différents algorithmes, avec un appui en data-management pour le premier algorithme ;

 Prise en compte des avis d’experts et des résultats des analyses de données, puis modifications de l’algorithme ;

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CHAPITRE 5 – ESTIMATION DU NOMBRE DE