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Déformations résiduelles

3.3 Méthodes pour l’estimation des contraintes rési- rési-duelles

3.5.4 Estimation du champ de croissance

Les résultats sur les déformations résiduelles obtenus au chapitre 3 permettent de re-monter à une estimation des déformations de croissance par le biais de la décomposition multiplicative de la déformation en une déformation élastique et une déformation de crois-sance. Les résultats obtenus à travers l’étude bibliographique sur l’évolution de la géométrie du disque intervertébral permettent de choisir une forme simple pour le gradient de la dé-formation totale F. La décomposition multiplicative du gradient de la dédé-formation globale est de la forme :

F = FeFg (3.12)

Cette relation est présentée plus en détail dans le chapitre 4. Le gradient de la défor-mation élastique Fe a été estimé via la mesure de champs par corrélation d’image dans le chapitre 3. Le calcul du champ de croissance est réalisé pour chacun des disques puis moyenné pour obtenir les résultats présentés dans cette section. Le gradient de la défor-mation totale F étant estimé par l’étude bibliographique, le gradient de la défordéfor-mation de croissance peut alors être déterminé via la relation suivante :

Fg= F−1

e F (3.13)

Au regard de l’étude bibliographique, il est difficile d’arrêter la forme du gradient de croissance total F. Ceci vient du fait que la configuration initiale de l’annulus fibrosus sans attache aux vertèbres n’existe pas et que l’instant de l’apparition des déformations résiduelles lors du processus de croissance n’est pas identifié.

L’hypothèse est de postuler que l’apparition des déformations résiduelles correspond à l’instant ou le rapport de la surface du nucléus sur la surface de l’annulus atteint sa valeur constante de 50%. Ce rapport restant constant lors de la croissance de l’enfant et de l’adolescent, ainsi que le rapport largeur antéro-postérieure sur largeur latérale (voir le chapitre 1), on peut en déduire que le gradient de la déformation totale n’est rien d’autre qu’une mise en l’échelle de la forme :

x= k × X y = k × Y z = k × Z

(3.14)

Où les lettres minuscules correspondent aux coordonnées spatiales et les lettres majus-cules aux coordonnées matérielles. Le gradient de la déformation totale, dans le repère [−x, −

y, −z] prend alors la forme qui suit :

F =   k 0 0 0 k 0 0 0 k   (3.15)

De plus, ce rapport de surface atteint sa valeur finale lorsque le fœtus arrive à terme. Ceci permet alors d’estimer la valeur k à une valeur de 3. En effet, les dimensions latérale et antéro-postérieur sont multipliées par 3 entre la naissance et l’âge adulte (voir chapitre 1)

(a)Changement de volume en fonction du

rayon

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 EXTERIEUR AF---> INTERIEUR AF 0.439 0.440 0.441 0.442 0.443 0.444 0.445 0.446 e _ ANTERIEUR LATERAL POSTERIEUR (b)Deformations de croissance

tangentielles en fonction du rayon

(c) Deformations de croissance radiales en

fonction du rayon

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 EXTERIEUR AF---> INTERIEUR AF 0.444 0.445 0.446 0.447 0.448 0.449 0.450 e_ZZ ANTERIEUR LATERAL POSTERIEUR

(d) Deformations de croissance verticales

en fonction du rayon

Figure 3.35 – Déformations de croissance déduites des mesures de déformations résiduelles moyennées.

La figure 3.35 permet d’apprécier le changement de volume dû à la croissance (3.35a) ainsi que les déformations de croissance dans les directions tangentielles, radiales et verti-cales (figures 3.35b, 3.35c et 3.35d) le long du rayon normalisé. On peut en déduire que le changement de volume de croissance de la zone postérieure est significativement inférieur à celui de la zone latérale sur la périphérie intérieure et sur la fibre médiane (p<0,005). Le rapport s’inverse sur la périphérie extérieure, où le changement de volume de la zone postérieure est significativement supérieur à ceux de la zone latérale (p<0,005) et à la zone antérieure (p<0,05).

On remarque d’un point de vue général que les déformations de croissance sont toutes de l’ordre de 45% et que les variations maximum dans une zone donnée ne sont que de l’ordre de 0,5 %, la croissance tangentielle est maximum dans la zone latérale et augmente de l’extérieur vers l’intérieur et ce quelques soit la zone. Il est en est de même pour les déformations de croissance radiales sauf dans la zone postérieure où elles restent relati-vement constantes le long du rayon normalisé. Enfin, les dilatations verticales évoluent à l’inverse des déformations tangentielles et radiales, la croissance verticales étant 0,5 % plus importante à l’extérieur qu’à l’intérieur, et ce, pour les trois zones de l’annulus fibrosus.

3.6 Discussion

L’intérêt porté à l’estimation des déformations résiduelles est relativement proche dans le temps et remonte à l’étude de [Vaishnav and Vossoughi, 1983] qui furent les premiers à estimer les déformations résiduelles dans les artères bovines et porcines, suivis de très près par [Fung, 1984, Chuong and Fung, 1986], dont les travaux ont été appliqués aux artères de chat et de lapin, contredisant ainsi les travaux théoriques précédents qui prédisaient une forte concentration de contrainte tangentielle dans la partie interne des artères lors de sollicitations physiologiques. Ce n’est que plus tard que de tels travaux ont été réalisés sur le disque intervertébral de queue de bovin par [Michalek et al., 2012,Mengoni et al., 2017,Duclos and Michalek, 2017], utilisant eux aussi les techniques d’estimation des déformations résiduelles via l’angle d’ouverture de l’organe développées plus tôt par [Vaishnav and Vossoughi, 1983,Chuong and Fung, 1986]. Cette technique nécessite la cylindricité des échantillons rendant difficile la réalisation de telle étude sur des disques intervertébraux porcins et humains.

Contrairement aux travaux précédemment réalisés sur l’annulus fibrosus [Michalek et al., 2012,Mengoni et al., 2017, Duclos and Michalek, 2017], il a été choisi de développer un script python utilisant la méthode de corrélation d’image et de l’adapter à l’expérience de relaxation des contraintes résiduelles. L’intérêt du dit script de corrélation d’image est d’être capable de suivre de fortes rotations, d’angle quelconque, de la structure via une prédiction initiale sur le déplacement fourni par l’utilisateur mais aussi d’obtenir des déformations locales (antérieure, latérale ou postérieure) suivant un rayon normalisé. L’ensemble des outils développés permettent alors de simuler une fermeture numérique de l’échantillon quasi complète via la technique de projection des points de corrélation sur un maillage élément finis. Cependant, il n’a pas été possible de récupérer des informations au niveau des incisions dû à la difficulté de réaliser une bonne corrélation d’image dans cette zone.

L’allure des déformations résiduelles tangentielles de la présente étude est en accord avec la littérature [Michalek et al., 2012,Duclos and Michalek, 2017,Mengoni et al., 2017]. Sur les trois zones d’études confondues (antérieure, latérale et postérieur), on observe un état de tension sur le pourtour extérieur et un état de compression sur le pourtour intérieur. La zone postérieure subit le gradient de déformation tangentielle le plus faible entre l’extérieur et l’intérieur tout en ayant un fort état de tension sur le pourtour extérieur (4,1 %±1.5%). En opposition, la zone antérieure connait le plus fort gradient de déformation tangentielle de l’annulus fibrosus (5,6 %±1.9% à -5,8 %±8.8), tout en ayant un état de tension extérieure et de compression intérieure maximales.

Contrairement à l’étude de [Duclos and Michalek, 2017], les déformations résiduelles radiales ne présentent pas un profil linéaire décroissant de l’extérieur (en tension) vers l’intérieur (en compression). En effet, les déformations radiales mesurées sont toutes en compression avec un minimum sur la fibre médiane, et ce, pour les trois zones de l’annulus fibrosus. Sur l’ensemble des zones, l’annulus externe présente un état de compression plus faible que l’annulus interne, dont la compression maximale peut atteindre une valeur de

53,8 %±9.2%.

Un résultat intéressant a aussi été mis en évidence à travers une relation entre le gradient de déformation tangentiel le long du rayon normalisé et l’état moyen de déformation radiale. Ce lien semble suivre une relation “linéaire”, dont l’étude mériterait d’être approfondie. Pour cela, il est nécessaire de réaliser de nouvelles expériences de relaxation des contraintes résiduelles.

Il est à noter que l’état de déformation présenté le long du rayon normalisé, pour un disque donné, est moyenné entre les différents nœuds d’un même rayon. À cela s’ajoute la méthode de fermeture numérique dont le déplacement d’un nœud du maillage est pon-déré par les points de corrélation à proximité de celui-ci. De ce fait, l’état de déformation local peut atteindre de bien plus fortes amplitudes, d’où l’intérêt de visualiser les champs de déformation présentés aux figures 3.14 à 3.17. En effet, certains disques peuvent at-teindre des déformations tangentielles de l’ordre de 30% en tension et en compression et des déformations radiales de l’ordre de 50% de compression. De plus, une seule incision ne suffit pas à mettre en évidence la totalité des déformations résiduelles. Une expérience avec de multiples incisions, telle que le réalise [Duclos and Michalek, 2017], peut être envisagée afin d’identifier plus précisément l’état de déformation. Cependant le traitement d’image à réaliser en aval sera beaucoup plus conséquent. Enfin, il est difficile de réellement quan-tifier l’état in vivo de l’annulus fibrosus car la transformation de l’annulus accroché à ses vertèbres adjacentes jusqu’à une lamelle d’annulus semble complexe à identifier.

L’utilisation d’un modèle mécanique hyperélastique prenant en compte la présence de fibre de collagène [Holzapfel, 2001], et dont les paramètres ont été identifiés au chapitre 2, a permis d’estimer à la fois un état de contrainte, mais aussi les déformations verticales que l’analyse de corrélation en deux dimensions ne permettait pas d’obtenir. De même, la connaissance de l’ensemble du tenseur de déformation permet d’estimer la déformation des fibres de collagène. Les contraintes tangentielles sur le pourtour extérieur sont de l’ordre de grandeur de la pression interne du nucléus et varient dans l’intervalle [0,15 ; 0,5] MPa. Sur le pourtour intérieur, les contraintes tangentielles sont proches de zéro. La microstructure de l’annulus fibrosus fait que les contraintes radiales sont un ordre de grandeur plus bas que les contraintes tangentielles et présentent aussi un maximum sur le pourtour extérieur de l’ordre de [0,03 ; 0,1] MPa. Les contraintes radiales sont très proche de zéro sur le pourtour intérieur. Enfin, du fait que les déformations verticales soient majoritairement en compression, les déformations dans les fibres de collagène passent d’un faible état de tension sur le pourtour extérieur, de l’ordre de 1%, à un faible état de compression sur le pourtour intérieur, de l’ordre de -3%.

L’ensemble de ces estimations met en évidence que l’état de pré-contrainte dans l’an-nulus fibrosus est non négligeable. Cet état de pré-contrainte semble être idéal pour l’ho-mogéneisation des déformations et des contraintes lorsque le tissu est sollicité in vivo. Il semble alors important de prendre en compte les déformations et les contraintes rési-duelles pour de nombreuses études portant sur la mécanique de la colonne vertébrale et du disque intervertébral. C’est notamment le cas pour la conception de prothèses, dont

l’intéret est de mimer au mieux le comportement du tissu natif mais aussi pour la com-préhension de différents phénomènes biologiques, tels que la mécanotransduction, ainsi que la nutrition du disque qui est fortement couplée aux sollicitations mécaniques subie [Malandrino et al., 2011, Malandrino et al., 2014]. L’ensemble des ces discussions montre qu’il serait intéressant d’adapter cette présente étude à des disques intervertébraux hu-mains.

Enfin, une étude préliminaire sur la détermination d’une méthode pour estimer les dé-formations de croissance a été réalisée. L’hypothèse a été faite que les dédé-formations et les contraintes résiduelles n’apparaissent que lorsque la géométrie relative du disque est établie dans ses proportions finales. C’est à dire, lorsque le nucléus pulposus représente 50% de l’aire du disque intervertébral dans le plan horizontal. Cette proportion apparait relativement tôt lors de la vie humaine, soit pour un fœtus à terme. Cependant, rien ne prouve que les déformations et les contraintes résiduelles n’apparaissent pas dès le début de l’embryogenèse. Néanmoins, l’hypothèse en question montre que la croissance du tissu est relativement homogène et que seul de très faibles gradients de croissance, de l’ordre de 0,1% de déformation, peuvent être générateurs d’importantes déformations et contraintes résiduelles. Cependant, ces résultats montrent que la croissance de l’annulus fibrosus est plus importante sur la périphérie intérieure que sur la périphérie extérieure. Ce résultat est contre intuitif au regard de la concentration en nutriment bien plus importante sur le pour-tour extérieur que sur le pourpour-tour intérieur [Soukane et al., 2007,Malandrino et al., 2011], mais aussi au regard de la concentration cellulaire qui suit le même gradient que la concen-tration en nutriments [Maroudas et al., 1975]. L’hypothèse de la croissance générée par un état de contrainte [Zöllner et al., 2013,Lubarda and Hoger, 2002] ainsi que par les facteurs de croissance [Thompson et al., 1991] apparait d’autant plus probable.