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Esthétique pour l’album de jeunesse

Dans le document Texte, Image et Support (Page 22-26)

Dans la deuxième moitié moitié du XIXe siècle, la gravure connaît une grande dynamique, grâce aux contes, fables, légendes, etc. Apparaissent aussi les albums modernes. Il s’agit d’ouvrages pour un double public, comme lesFables de La Fon-taine. En effet, ces ouvrages, destinés initiallement aux adultes, sont principalement

lus par les enfants. Ils leur sont alors adaptés (Don Quichotte,Voyages de Gulliver, Les Aventures de Robinson Crusoé).

Cette dynamique a aussi pour conséquence une vague de livres, de manuels, d’abécédaires dédiés à l’enseignement. En effet, avant 1750, il était rare d’en trouver (Aventures de Télémaque, par exemple). Cependant après cette date, sont publiés des contes moralisateurs (cf. Madame Leprince de Beaumont), des pièces de théâtre, des historiettes (cf. Berquis et Contesse de Ségur).

Tous ces livres ont un principe commun : l’éducation est présentée comme une chose amusante. Cependant, le graphisme n’est pas encore utilisé à ces fins. Entre 1810 et 1820, débutent les éditeurs spécialisés dans des ouvrages de jeunesse ("li-braires d’éducation", "li("li-braires de l’enfance et de la jeunesse"). Les lois Guizot (28 juin 1833), Falloux (1850) et Ferry (1881) ancrent l’éducation dans la vie de tous les jours, donnent un plus grand statut aux enfants, et permettent le développement de l’édition de jeunesse, divisée en trois secteurs : manuels scolaires, livres de prix, livres d’étrennes (dont les albums).

Bien que le premier album en France date de 1806 (Les Jeux de la Poupée, "dédié aux Princesses Charlotte-Zénaïde-Julie et Charlotte, filles de leurs Altesses Impé-riales le Prince et la Princesse Joseph" Bonaparte, est un recueil de sept gravures en taille-douce avec des poèmes en regard), ce style se développe surtout en 1820.

Les thèmes privilégiés sont les contes, les fables, les historiettes, les vies d’homme illustre et les jeux de l’enfance. Dans les premiers temps, ils ciblent surtout les en-fants riches. La diversification du public se fera à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, grâce au progrès de la reproduction en couleur (la trichromie et la qua-drichromie sont basées sur plusieurs prises de vue de l’original), l’évolution du statut de l’enfant, et à l’inspiration anglaise et allemande.

Figure 5.2: Voyage de Mademoiselle Lili autour du monde, Stahl

En 1862, P.-J. Stahl (Pierre-Jules Hetzel) créé Le Voyage de Mademoiselle Lili autour du monde. Les des-sins sont produits par Lorenz Froelich, puis gravés par E. Matthis. Les phrases sont courtes, les mots restent enfantins. Le texte est rédigé en gros caractères, avec un interlignage important. Par ailleurs, l’angle de vue du personnage et des gravures est celui d’un enfant.

Tous ces choix sont faits pour faciliter la lecture des enfants. Dans tous ces albums, Stahl met en avant l’in-dulgence et la découverte de la petite enfance, alors que Hachette et Hoffmann conservent une vision tradition-nelle du grotesque pour corriger l’enfant.

L’année 1880 signe l’explosion de la produciton des albums, via l’album artistique. Il a un grand format, est coûteux et illustré par de nombreuses gravures colorées, avec la collaboration d’un grand peintre (nommé sur la couverture) : l’image initie la connaissance du beau.

Les albums historiques apparaissent en 1890, pour restaurer la fierté française, perdue en 1870. Les illustrations y sont allégoriques, comme dans Bonaparte de Montorgueil, illustré par Job.

Figure 5.3: Napoléon, illustré par Job

Chapitre 6

Un nouveau concept : le livre de peintre

Dès l’époque romantique (1830-1840), Lamartine, Musset, Mérimée et de Mar-boeuf déchirent les illustrations de leurs éditeurs. Lageneveaix, journaliste, publie en 1843,La Littérature Illustrée, en une vingtaine de pages. Il souhaite lutter contre la littérature liée aux illustrations : la lithographie et les autres gravures ont renversée le système des valeurs et compromettent l’écrivain. Dans ce mouvement, Flaubert refuse qu’un "pignouf vienne démolir son rêve" : selon lui, l’image est séductrice, racoleuse et infantilise. L’image est alors dégradée et son rejet se durcit.

L’édition bibliophilique est créée faisant face à l’industrialisation du marché du livre et de l’image, mais aussi face à la reproduction. Elle rejette les imprimés et au procédé photomécanique (inventé à la seconde moitié du XIXe siècle). Il promeut alors une nouvelle version de l’image, qui est dès lors considérée comme œuvre, créée à côté pour une fusion des deux arts.

Le premier ouvrage de ce courant est éditée par Lemerre, en décembre 1858, intituléeSonnets et Eau Forte. S’y rencontrent deux grands mouvements : la poésie parnassienne (littérature) et l’eau forte de peintre (art). Le but de ce livre est de regrouper 42 sonnets (Verlaine, Mallarmé, Baudelaire) avec 42 eaux fortes. La société des aquafortistes défendent le fait que les œuvres originales sont faites par le peintre lui-même, ce qui donne à la gravure un côté artistique. Pour garder cette vision de l’unicité, le nombre d’exemplaires est limité à 350 et les cuivres sont ensuite raillés : comme l’ouvrage est rare, il en devient cher.

Le livre de peintre apparaît en 1890. Cette appellation n’est que récente (lors de la grande exposition de New-York, de 1936, sur toute l’histoire de l’édition française entre 1870 et 1936). Ces ouvrages sont bibliophiliques, imprimés sur du beau papier.

Les illustrations proviennent d’artistes (peintres, sculpteurs, ...) et pas d’un procédé photomécanique. Après la création de gravures, des poètes sont appelés, pour écrire en écho des images. L’un des plus célèbres est Parallèlement, édité par Amboise Vallard, provenant d’une collaboration entre Verlaine et Bonnard.

Figure6.1: Pensionnaires (suite) etPer Amica Silentia,Parallèlement, Verlaine &

Bonnard, éd. Vallard

Prose du TransSibérien et de la petite Jehanne de France

La Prose du TransSibérien et de la petite Je-hanne de France est écrite par Blaise Cendrars et Sonia Delaunay (peintre abstrait venant de Russie), dans l’édition des Hommes Nouveaux, en novembre 1913. La rencontre des deux auteurs se fait en 1912, par l’intermédiaire d’Apollinaire.

Cette œuvre retrace un voyage dans le TransSi-bérien, dont la pose des tronçons avait commencé en 1885. Elle est composée de 445 vers libres, cor-respondants à un monologue, qui défile au rythme des rails, à droite de la page. Sandrars s’occupe de la typographie, suivant l’idée de Sonia d’insérer des caractères colorés. Cette disposition et la présence et la densité des taches au milieu du texte provien-net d’une longue conversation. On retrouve à la fin du poème, l’image de la Tour Eiffel – "Paris ville de la tour unique" – en l’honneur de l’époux de Delaunay.

Il s’agit d’un objet-livre. Ce livre est un dé-pliant, qui est une rupture complète avec la struc-ture du Codex. Il peut être plié puis rangé dans un étui, peint par Delaunay. Bien qu’il était annoncé 150 tirages, il n’y en a eu que 60 de coloriés.

Dans le document Texte, Image et Support (Page 22-26)

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