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D – Les essais de thérapie génique chez le Chien

Nous avons vu précédemment que le chien, en tant que mammifère domestique, représente un modèle pour la recherche hors du commun. Le domaine de la thérapie génique s’y est progressivement intéressé, et nous allons voir quelles ont été les principales étapes ayant mené à son statut actuel de modèle pour de nombreuses maladies génétiques retrouvées chez l’Homme. Ainsi, nous présenterons les débuts des essais de thérapie génique chez le Chien, avant d’envisager les grandes avancées expliquant la diversité et le nombre de recherches actuellement en cours.

1 – Historique et premier succès [9, 65]

Les avancées rapides en termes de compréhension des mécanismes moléculaires à l’origine de plusieurs maladies héréditaires chez le Chien ont ouvert la possibilité de tenter de corriger ces dernières par la thérapie génique. Aux Etats-Unis comme en Europe, les organismes autorisant la mise en route des essais cliniques chez l’Homme sont beaucoup moins réfractaires lorsque de préalables succès ont été connus chez un modèle animal pour la même maladie. En effet, prouver que les effets secondaires sont minimes, que le traitement apporte des résultats chez l’animal, permet d’espérer de plus grandes chances de succès chez l’être humain, et une innocuité moindre.

L’avantage de la médecine vétérinaire est qu’une fois qu’un essai expérimental est validé, le traitement peut rapidement être utilisé en pratique sur une clientèle privée.

Le premier rapport de succès en thérapie génique chez le Chien date de 1993. Une correction partielle de l’hémophilie B (maladie génétique où le facteur IX, responsable du processus normal de coagulation, est déficient) a été obtenue en utilisant des vecteurs recombinants rétroviraux. Depuis cela, des dizaines d’autres succès ont été recensés pour l’hémophilie A et B avec des modalités d’administration des vecteurs variées. Ces travaux effectués sur l’hémophilie, grâce au modèle canin, ont permis la mise en route d’essais cliniques chez l’Homme [118].

Un des résultats les plus spectaculaires de thérapie génique est la capacité à restaurer la vision dans certains cas de cécité. En 2001, le professeur Acland et son équipe (voir III) ont rendu compte de leur étude menée sur des chiens atteints d’une mutation sur le gène RPE65, et responsable d’une cécité juvénile [2] ; l’équipe du Dr. Narfstrom a également réussi à montrer qu’il est possible de restaurer la vision chez des adultes atteints en injectant un vecteur portant le gène manquant dans l’espace subrétinien [85].

D’autres cas de thérapie génique réussie sont décrits chez le Colley gris atteint de neutropénie cyclique. Un vecteur lentivirus a été utilisé pour distribuer un facteur permettant la stimulation des granulocytes. Les injections intramusculaires ont permis d’obtenir une

augmentation significative du taux de granulocytes neutrophiles qui persistait jusqu’à 17 mois.

Enfin, la thérapie génique a également été validée dans le traitement des maladies de stockage lysosomial, et là encore les essais tentés chez l’Homme depuis laissent espérer la commercialisation à court terme d’un traitement pour ces maladies débilitantes [118].

Toutes ces avancées ont permis au Chien de se faire une place parmi les modèles actuels de thérapie génique. Aujourd’hui, son rôle n’est plus à prouver, et le nombre d’essais en cours ainsi que la variété des maladies génétiques étudiées en sont les premiers témoins.

2 – Essais en cours, en France et dans le monde

Depuis ces dix dernières années l’utilisation du Chien est grandissante, de nombreuses affections canines se rapprochant de celles retrouvées chez l'Homme. Les données de OMIA permettent d'objectiver cet intérêt porté par la communauté scientifique pour le modèle canin. C'est dans cette espèce que l'on recense actuellement le plus de maladies monogéniques (près d'un quart du nombre total de maladies monogéniques chez les espèces étudiées ici) et d'affections potentiellement modèles pour celles de l'Homme (22%).

Les 482 maladies ou caractères d’intérêt étudiés recouvrent des domaines pathologiques très variés. Une liste des tests génétiques actuellement disponibles chez le Chien permet de rendre compte de la diversité des affections canines pour lesquelles la ou les mutation(s) et le mode de transmission ont été découverts. Ce sont pour la plupart d'entre elle des maladies monogéniques, pour lesquelles des essais cliniques de thérapie génique sont envisageables et laissent espérer une application chez l'Homme. Le tableau 3 recense les différents domaines de recherche en thérapie génique chez le Chien depuis 2005 ; il prend en compte les essais réalisés et publiés depuis un peu plus de trois années en France et dans le monde sur le modèle canin.

Tableau 3: Recensement des essais cliniques de thérapie génique effectués chez le Chien publiés entre janvier 2005 et avril 2008. D’après le site de recherche bibliographique www.pubmed.com .

On note la diversité des maladies à l’étude depuis peu mais aussi que certaines sont l’objet d’une attention toute particulière. Par exemple l’hémophilie A ou la dystrophie rétinienne pigmentaire qui sont des maladies connues également chez l’Homme. En particulier, les maladies oculaires du chien sont nombreuses et souvent homologues de celles rencontrées chez l'Homme, ce qui explique l'engouement des recherches dans ce domaine. Des mutations propres à certaines races ont été mises en évidence, des tests génétiques développés et pour certaines des essais de thérapie génique tentés (voir III). A l’inverse, de nombreuses maladies, moins fréquentes et touchant uniquement le Chien, suscitent un intérêt modéré par la communauté scientifique.

Ischémie myocardique chronique 2 2 3 2 9 11,3

Dystrophie musculaire de Duchenne 2 3 1 6 7,5

Hémophilie B 2 1 1 1 5 6,3

Maladie de stockage du glycogène (type Ia) 1 1 1,3

Tumeurs pancréatiques 1 1

Au travers de cet état des lieux de la recherche en thérapie génique chez l'Homme et chez le Chien, on réalise l'engouement suscité par cette nouvelle approche de la thérapeutique, mais aussi l'intérêt grandissant autour du modèle canin et les avancées faites à ses côtés, laissant espérer beaucoup en termes de santé humaine. Pour certaines maladies, le traitement par les gènes a fait la preuve de son efficacité dans de nombreux modèles animaux et de son innocuité chez l’Homme.

Il s'agit toutefois de nuancer ces résultats: alors qu'elle fonctionne bien chez l'animal, la thérapie génique se montre encore relativement inefficace chez l'Homme et provoque parfois la méfiance voir la crainte de l'opinion public.

III – ILLUSTRATIONS DE L’INTERET DU MODELE CANIN