• Aucun résultat trouvé

filmiques et transférentielles

1.1. Espace extérieur de la rencontre

Les espaces extérieurs des rencontres spectatorielle et transférentielle, correspondant à la salle de cinéma et au cabinet de l’analyste comme lieu privilégié du transfert, présentent des similitudes à la fois dans leur accessibilité et dans les positions qu’ils offrent aux acteurs de ces rencontres. Dédoublant ces espaces, la construction spatiale des films étudiés met en

21 Ibid., pp. 760-761.

22 Ibid. pp. 756.

48

évidence leurs points de convergences et facilite ainsi l’étude des caractéristiques propices à l’émergence d’un transfert dans l’expérience spectatorielle.

1.1.1. La salle de cinéma et le cabinet de l’analyste

Tout comme les lieux diégétiques des films étudiés, en tant que lieu réel disposé à l’imaginaire, la salle de projection correspond à une hétérotopie. En effet, ces espaces diégétiques produisent une impression de réalité, qu’ils soient localisables telles les îles de Fårö et de Baltrüm, sur lesquelles se déroulent Persona et L’Heure du loup, ou qu’ils ne le soient pas, comme la forêt d’Antichrist, le château de Melancholia ou l’appartement de Seligman dans Nymphomaniac. Le spectateur voit des paysages et architectures qui pourraient appartenir à son environnement réel concret. Pourtant, ce sont également des espaces disposés à l’imaginaire : alors que les fantasmes de Johan et d’Alma prennent vie dans L’Heure du

loup, le renard doué de parole et le corbeau qui ressuscite dans Antichrist peuvent être

interprétés comme des hallucinations de l’homme. Certaines scènes oniriques de Persona, lorsqu’Elisabet rejoint Alma durant la nuit, ou quand le mari de la comédienne la confond avec l’infirmière, semblent appartenir à l’imagination de l’une ou l’autre femme. L’apocalypse de Melancholia ne peut actuellement être qu’imaginaire. Enfin, le récit de Joe dans Nymphomaniac, rapporte parfois d’invraisemblables coïncidences, par exemple lorsqu’elle dit avoir trouvé, dans un parc, des morceaux de photographies déchirées de Jérôme qui est alors apparu. Comme le remarque Seligman, l’histoire de Joe est peut-être romancée.

Par ailleurs, les hétérotopies « ont le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles »24. Ainsi en est-il de la salle de cinéma, espace rectangulaire au fond duquel un espace à deux dimensions donne l’illusion d’un espace tridimensionnel.25 La salle juxtapose en un seul lieu différents types d’hétérotopies, correspondant à ce que Foucault définit comme hétérotopies de crise et espace d’illusion. En effet, la salle de cinéma est parfois assimilée à un lieu de culte, voire à un lieu sacré. Comme l’église est un lieu extérieur à l’espace de la rue dans laquelle elle se situe, la salle est une ouverture vers un autre espace projeté à l’écran, exclue de l’endroit

24 Ibid., p. 758.

49

géographique où elle se trouve. L’une et l’autre sont consacrées26 à la prière ou à la projection. Le seuil, qui les joint et les isole de l’espace restant, correspondant au temenos27 grec, est à la fois « la frontière […] et le lien paradoxal […] où peut s’effectuer le passage du monde profane au monde sacré »28. Aussi, Marcel Gaumond compare la salle de cinéma au lieu de la cure, expliquant que l’une comme l’autre sont des espaces sacrés dans lesquels on ne sait pas « si le contact se fera »29 : tout comme le spectateur ne peut savoir avant la vision du film si celui-ci l’impressionnera, l’analysant doit parfois rencontrer plusieurs thérapeutes avant de trouver celui avec qui la relation transférentielle pourra se mettre en place. John Izod et Joanna Dovalis remarquent également que le cinéma « partage des caractéristiques à la fois avec l’église et avec le lieu de la cure »30, précisant qu’il s’agit d’espaces sacrés dans lesquels les individus peuvent se confronter à leur inconscient. Présentant des points communs avec les espaces sacrés de culte définis par Foucault comme des hétérotopies de crise31, la salle de cinéma, à l’instar du cabinet de l’analyste, serait elle-même hétérotopique : son accès consiste à pénétrer un lieu fermé, isolé par des murs noirs et sans fenêtre. La seule ouverture pour le spectateur est celle offerte par le monde diégétique projeté à l’écran qui s’avère physiquement impénétrable. Par cette ouverture, la salle est également une hétérotopie d’illusion. En effet, les hétérotopies possèdent une fonction par rapport à l’espace restant, créant parfois « un espace d’illusion qui dénonce comme plus illusoire encore tout l’espace réel »32. La salle de projection dans laquelle il est possible de visionner une création fictionnelle donnant l’illusion d’une réalité est également en mesure de donner au spectateur l’illusion d’une certaine mobilité. Le spectateur, passif face à l’écran, peut néanmoins se sentir immergé dans l’espace diégétique qui lui procure ainsi le sentiment d’être acteur des événements du film, ressentant face à ses images des émotions se traduisant par nature par des réactions physiques33. Pourtant, le spectateur reste incapable de contrôler cette mobilité illusoire. Ainsi, l’espace réel

26 Le terme consacrer signifie, dans son sens premier, « revêtir un caractère sacré en dédiant à quelque divinité par une action rituelle ». Par extension, dans son sens littéraire, il s’entend comme le fait de « rendre digne de respect, conférer un caractère presque sacré » (Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales, entrée « Consacrer », [consulté en ligne le 02/06/2015, URL : http://www.cnrtl.fr/definition/consacrer]).

27 Comme le remarque Christopher Hauke, le temenos est un espace sacré, situé autour d’un lieu de culte et dans lequel « la présence de Dieu peut être ressentie » (« ... the sacred precinct around a temple where the presence of the god may be felt » C. Hauke, « Cinema as temenos », in : Visible Mind, op. cit., pp. 3-6. Je traduis).

28 M. Eliade, Le Sacré et le profane, Paris : Gallimard, 1965, p. 28.

29 M. Gaumond, « Zelig et Gollum ,» in : Le Cinéma, âme sœur de la psychanalyse, op. cit., p. 16.

30 J. Izod et J. Dovalis, Cinema as therapy. Grief and transformational film, Londres, New York : Routledge, 2015, p. 1.

31 M. Foucault, « Des espaces autres (1967) », op. cit., p. 756.

32 Ibid., p. 761.

50

de la salle dans laquelle il est assis est dénoncé « comme plus illusoire encore »34 que l’espace d’illusion du film. En outre, si un transfert peut émerger dans l’expérience spectatorielle, le lieu extérieur de cette expérience – soit la salle de cinéma – peut être considéré comme une hétérotopie de crise puisqu’il est alors un lieu de transformation psychique pour le spectateur, tout comme l’espace de la cure est un lieu privilégié pour le développement psychique du patient.

À l’instar de la salle de projection, le cabinet de l’analyste regroupe plusieurs hétérotopies. D’une part, il correspond à une hétérotopie de déviation, c’est-à-dire à un lieu où sont placés, le temps des séances, les individus dont « le comportement est déviant par rapport à la moyenne ou à la norme exigée »35. En effet, le patient vient généralement consulter l’analyste pour résoudre des conflits psychiques personnels lui donnant le sentiment d’être en marge vis-à-vis d’autrui. Il peut alors pénétrer le cabinet qui est à la fois un lieu accessible et localisable où il rencontre l’analyste ainsi qu’un lieu fermé duquel, de manière générale, ce qui y entre et qui y est dit ne sort pas – l’exception étant à la discrétion de l’analysant. D’autre part, le lieu de la cure est une hétérotopie de crise, c’est-à-dire un lieu privilégié et interdit dans lequel se trouvent des individus en état de crise par rapport à la société. Selon Foucault, cette forme d’hétérotopie tend à disparaître pour laisser place aux hétérotopies de déviation car elle renferme surtout les « adolescents, les femmes à l’époque des règles, les femmes en couches, les vieillards, etc. »36, c’est-à-dire des individus qui semblent engagés dans un processus de transformation, que ce soit vers l’âge adulte, vers la maternité, vers la mort, etc. Pourtant, la théorie jungienne indique qu’au cours des séances d’analyse, le patient s’expose à une transformation psychique qui survient par le processus de transfert avec l’analyste37. Ainsi, le cabinet du médecin, acquérant une dimension de l’ordre du temenos38, est un lieu de transformation dans lequel l’analysant a le privilège de tout extérioriser, même ce qu’il n’est pas correct, voire interdit, d’exprimer en dehors de la cure.

Le lieu où le transfert s’exprime le plus facilement s’avère donc être hétérotopique : tout comme le cabinet est un lieu favorisant le transfert entre deux individus, l’espace du

34 M. Foucault, « Des espaces autres (1967) », op. cit., p. 761.

35 Ibid., p. 757.

36 Ibid.

37 C.G. Jung, La Guérison psychologique, op. cit., p. 242.

38 Le terme grec temenos désigne l’espace sacré. La psychologie analytique le reprend « pour décrire l’espace de

changements psychologiques qui encercle un complexe psychologique » (« Jungian psychology uses the term temenos, which is the classical Greek word for a sacred space, to describe the arena of psychological change that

surrounds a psychological complex », L. Hockley, Somatic Cinema, op. cit., p. 32. Je souligne, je traduis). Voir également C. Hauke, « Cinema as temenos », in : Visible Mind, op. cit., pp. 3-6.

51

cinéma, également hétérotopique, pourrait faciliter le transfert dans l’expérience spectatorielle. En effet, le lieu extérieur du transfert permet la mise en place d’une relation de type privilégié entre l’analyste et l’analysant qui, en dehors de ce huis clos, se tairait dès lors qu’il remarquerait un seul témoin, quel qu’il soit39.

1.1.2. Mise en abyme de la position spectatorielle et ses similitudes avec les positions d’analyste et d’analysant

Mettant en scène des situations rappelant plus ou moins directement la relation patient-thérapeute, les films appartenant à ce que je définis en termes de cinéma analytique se déroulent dans des espaces diégétiques qui correspondent également à des hétérotopies de déviation ou de crise. Ainsi, dans Persona, les protagonistes évoluent dans deux lieux : après s’être rencontrées dans une clinique psychiatrique correspondant à une hétérotopie de déviation40, Elisabet et son infirmière Alma s’isolent dans une villa insulaire pour un séjour de convalescence. Par nature, l’île, certes fréquemment présentée comme utopique, est également hétérotopique, notamment car elle bénéficie d’un double statut. Il s’agit d’une part d’un lieu fermé, propre à l’emprisonnement et d’autre part d’un lieu étranger perméable dont l’accès se fait par bateau, « hétérotopie par excellence »41 selon Foucault. Par ailleurs, lieu duquel nous ne voyons ni arriver ni repartir les deux femmes et dans lequel elles subiront une transformation psychique résultant d’un phénomène de transfert, la villa est une hétérotopie de crise.

D’une manière similaire, après une courte scène au cimetière42, la femme d’Antichrist est hospitalisée dans une clinique psychiatrique où son mari vient lui rendre visite. Tous les deux s’isolent ensuite dans leur appartement puis dans un chalet au milieu des bois. Dans ce dernier, les protagonistes vivent une situation de crise s’achevant sur la mort de la femme et l’initiation de l’homme qui, après l’avoir tuée, peut enfin quitter ce lieu dans lequel se produisent des événements surnaturels. Le passage entre les différents lieux n’est pas visible, excepté l’accès au chalet qui se fait en plusieurs étapes nécessitant un comportement de plus en plus actif de la part des personnages. D’abord ces derniers prennent un train, emplacement

39 S. Freud, Leçons d’introduction à la psychanalyse, Paris : Payot, [1916] 1962, p. 11.

40 M. Foucault, « Des espaces autres (1967) », op. cit., p. 757.

41 Ibid., p. 762.

42 Selon Foucault, le cimetière est également une « curieuse hétérotopie » car il s’agit d’un « lieu autre par rapport aux espaces culturels ordinaires, c'est un espace qui est pourtant en liaison avec l'ensemble de tous les emplacements de la cité ou de la société ou du village, puisque chaque individu, chaque famille se trouve avoir des parents au cimetière » (Ibid., p. 757).

52

mobile permettant de passer d’un point à un autre tout en restant immobile. L’homme et la femme roulent ensuite en voiture vers la forêt qui semble les engloutir43 avant de terminer leur voyage vers le chalet à pied. Ainsi, le lieu, inaccessible pour un véhicule, est isolé : une fois qu’ils ont pénétré l’espace forestier entourant le chalet et qu’ils nomment Éden, les protagonistes sont exclus du reste du monde. Le nom choisi pour désigner ce lieu inquiétant, à la fois isolé et pourtant pénétrable, accentue le sentiment ambivalent qui s’en dégage : défini comme un jardin dans les récits bibliques, Éden est inévitablement hétérotopique. En effet, Foucault remarque que « [l]e jardin traditionnel des Persans était un espace sacré »44. Or, le terme paradis vient d’un mot persan signifiant jardin et désigne Éden45, lieu duquel le couple primordial fut chassé. Interdit pour ce couple qui en est exclu, le paradis sera à nouveau accessible à la fin des temps correspondant à un accomplissement et non à un retour aux origines et pourtant marquée par « un retour à la luxuriance du jardin d’Éden »46.

Dans L’Heure du loup, Alma et Johan, isolés sur l’île de Baltrüm, sont très affectés par les événements qui s’y déroulent tout au long du film et qui provoquent la mort finale de Johan. Ce caractère hétérotopique du lieu est accentué par son accessibilité : le couple arrive sur l’île à bord d’une barque qui navigue depuis l’horizon dépouillé. Une fois que Johan et Alma sont descendus de l’embarcation, elle repart vers l’horizon. Les protagonistes sont ainsi définitivement isolés et ne quitteront pas l’hétérotopie insulaire qu’est l’emplacement effectif et pourtant disposé à l’imaginaire de l’île de Baltrüm, existant tout autant pour le spectateur que pour les protagonistes et dans laquelle les fantasmes peuvent s’incarner.

Les personnages de Melancholia sont, quant à eux, isolés du reste du monde dans le château et la propriété qui l’entoure. Ce lieu de crise dans lequel se déroule le mariage saboté est enfin détruit lors de l’apocalypse. Dès le début du film, l’accès à cette propriété est présenté comme difficile : la limousine conduisant les jeunes mariés ne peut accéder jusqu’au château car la route est trop étroite et sinueuse. Le couple termine donc le chemin à pied. Les personnages principaux ne sortiront plus de cet espace, et ce malgré le retour de Justine,

43 L’arrivée dans la forêt est filmée en plan demi-ensemble et en légère plongée, alors que la voiture roule sur un pont passant au-dessus d’un cours d’eau qui isole un peu plus l’espace du drame du reste du monde. L’eau très sombre donne l’impression que la forêt est entourée d’une matière noire. La caméra accompagne le mouvement de la voiture par un panoramique vertical laissant apparaître la cime des arbres qui semblent bouger par un mouvement d’aspiration intérieure. L’atmosphère angoissante ainsi créée est accentuée par les sons de coups frappés.

44 M. Foucault, « Des espaces autres (1967) », op. cit., p. 759.

45 M. Carrez, Dictionnaire des religions, P. Poupard (dir.), entrée « Paradis », Paris : Puf, 1984, pp. 1268-1269.

53

supposant son départ durant l’ellipse qui sépare les deux parties. En effet, la jeune femme n’est jamais filmée à l’extérieur de la propriété.

Enfin, le film Nymphomaniac présente un espace complexe constitué de multiples hétérotopies et propice au transfert. La chambre de Seligman, dans laquelle il recueille Joe, est présentée comme l’unique lieu du présent. Son accès est difficile : le soleil n’y pénètre jamais et le franchissement du seuil, invisible, ne se devine qu’à travers le son de la chatière qui bouge lorsque la porte s’ouvre. Lieu de la transformation de Joe en meurtrière et de la mort de Seligman qui souhaitait y perdre sa virginité, cette chambre est ainsi le terrain d’événements critiques. Par ailleurs, entrecoupant les scènes de discussion entre les deux personnages et illustrant les propos de Joe, des images de flash-back présentent de nombreuses autres hétérotopies tels le train, l’hôpital, le cercle de dépendants, le cabinet sadomasochiste, etc.

Dans chacun de ses lieux isolés où la mort finit toujours par frapper47, les personnages qui y pénètrent en sont du même coup exclus. En effet, dans la villa du médecin, les deux femmes de Persona sont isolées du reste du monde, à la fois physiquement et psychiquement : lorsque le mari d’Elisabet vient leur rendre visite, elles ne semblent pas se trouver dans le même monde que lui qui ne voit qu’Alma et la confond avec sa femme se tenant pourtant juste à côté d’eux. Dans L’Heure du loup, isolés sur l’île de Baltrüm, les protagonistes sont également exclus de la réalité notamment parce qu’ils sont confrontés à l’incarnation de leurs fantasmes agissant comme des personnages réels. Alma et Johan, personnages réels a priori ne sont pas présentés comme moins illusoires que leurs fantasmes avec qui ils partagent ce qui apparaît pour le spectateur comme la réalité diégétique. Le couple d’Antichrist, dans un lieu dénommé ironiquement Éden, semble pourtant exclu du paradis : les événements tragiques auxquels l’homme et la femme vont être confrontés sont loin de créer une atmosphère idyllique. Dans Melancholia, dès lors qu’elle pénètre le huis clos de la propriété, Justine, qui jusque-là paraissait réjouie de son mariage, s’en exclut, tout en excluant les autres de son monde personnel et intime. Enfin, dans Nymphomaniac, le spectateur est en permanence visuellement exclu de l’espace diégétique, que ce soit par les flash-back qui l’éloignent de l’espace du présent ou inversement, par les retours réguliers à l’espace diégétique de la chambre, l’excluant des espaces du passé de Joe.

47 Dans Persona, Elisabet regarde, à la télévision, les images d’un bonze s’immolant par le feu à Saigon et Alma raconte son avortement vécu comme le meurtre de l’enfant. Dans Nymphomaniac, l’avortement de Joe est filmé en plan rapproché et s’achève sur un gros plan du fœtus. Le film se termine sur le meurtre de Seligman, comme

Antichrist se termine sur celui de la femme alors qu’il avait commencé par l’accident fatal de l’enfant. Melancholia se termine également sur la mort des personnages lors de l’apocalypse. Enfin, dans L’Heure du loup Johan raconte en flash-back comment il a tué un enfant, puis meurt à la fin du film.

54

À l’instar de nombreux lieux, ceux du cinéma, de la cure et les espaces diégétiques des films étudiés sont donc hétérotopiques. De plus, les positions prises, soit par les personnages, soit par le spectateur et le film, soit par l’analyste et l’analysant, s’avèrent présenter certaines analogies. Face au film, le spectateur voit les images sans être vu et écoute les sons sans intervenir, tout comme l’analyste, dans la pratique freudienne, prend place derrière l’analysant pour lui être invisible et intervient le moins possible. Pourtant, dans une position semi-allongée rappelant celle de l’analysant étendu sur un divan, le spectateur peut baisser ses défenses afin de se laisser affecter par l’œuvre. Par ailleurs, Luke Hockley remarque que bon nombre de thérapeutes, suivant notamment la technique jungienne, regardent directement le patient tout au long de la session afin de construire une sorte de pont imaginaire entre eux deux48. L’analysant peut, quant à lui, regarder où il veut, tout comme le spectateur peut, s’il le souhaite, ne pas regarder le film qui est toujours dirigé vers lui bien qu’il ne le voie pas réellement. Pourtant, la plupart du temps, le spectateur, indispensable à sa perception, regarde constamment le film qui n’est pas conscient d’être observé. Parallèlement, le spectateur est certes conscient de regarder mais ne l’est pas des conséquences psychiques provoquées par la perception du film qui, si elle engendre un transfert, est en mesure d’altérer sa psyché : le