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I.2 Les diaclases au sein des roches s´edimentaires

I.2.4 Les r´eseaux de diaclases

Dans une couche s´edimentaire, on distingue les diaclases ”syst´ematiques”, qui sont organis´ees en famille de fractures parall`eles et relativement r´eguli`erement espac´ees, et les diaclases ”non-syst´ematiques” qui sont des fractures courbes, irr´eguli`eres qui s’arrˆetent sur les pr´ec´edentes avec un angle variable (FIG. I.2.7).

Figure I.2.7 –Illustration sch´ematique des relations g´eom´etriques et classifications des familles de diaclases observ´ees en plan. a) Syt´ematiques continues et orthogonales ; b) sys- t´ematiques continues et non orthogonales ; c) Orthogonales, une continue syst´e- matique pr´ecoce, l’autre discontinue (intersection en T) secondaire ; d) une famille syst´ematique pr´ecoce ; e) une famille syst´ematique continue pr´ecoce, l’autre non- orthogonale discontinue post´erieure ; f ) Deux familles orthogonales discontinues ; h) Deux familles discontinues non orthogonales

Les diaclases syst´ematiques sont caract´eris´ees par leur lin´earit´e et leur continuit´e sur de longues distances (FIG.I.2.8). Les surfaces de rupture montrent souvent des figures fracto- graphiques. Elles recoupent g´en´eralement les limites de couches `a angle droit. La plupart des familles de joints sont syst´ematiques.

Les ´etudes r´egionales de la fracturation dans les roches s´edimentaires calcaires (Eyal et al., 2001; Forestier and Verez, 1978) montrent, ind´ependamment du contexte structural, qu’au sein d’une mˆeme strate il peut coexister jusqu’`a 6 familles de diaclases, dont 4 sys- t´ematiques caract´eris´ees chacune par leur orientation moyenne et leur espacement propre.

Figure I.2.8 – Un exemple de r´eseau de diaclases syst´ematiques d’extension kilom´etrique. Fiery Furnace, Arches park, Utah. Photo a´erienne de Maher (1968)

Les angles relatifs entre chacune des familles observ´ees en surface de banc, ainsi que la chro- nologie d’apparition, varient d’un site `a un autre et d´epend notamment de la tectonique r´egionale et de l’h´eritage tectonique pr´evalant avant la formation du r´eseau. Malgr´e cela, des tendances apparaissent lorsque qu’il n’existe que deux r´eseaux de fractures syst´ematiques. Les angles les plus courants semblent ˆetre proche de 90˚d’une part (FIG. I.2.7 a et c) et de 60˚ d’autre part (FIG. I.2.7 b et g). On parle alors de r´eseaux orthogonaux et conjugu´es, respectivement. Les r´eseaux orthogonaux sont pr´esents principalement au sein des strates tabulaires ou monoclinales, alors que les r´eseaux ”conjugu´es” semblent apparaˆıtre lorsqu’il intervient un plissement des couches, se surimposant quelquefois `a des r´eseaux orthogonaux pr´eexistants (Ouana¨ımi, 2003).

I.2.4.1 Distribution des diaclases au sein d’une pile s´edimentaire

Mˆeme si les couches d’une pile s´edimentaires sont globalement soumises `a la mˆeme sollicitation (contrainte ou d´eplacement), la distribution des diaclases varie d’une couche `a une autre et d’une pile `a une autre.

Parmi les param`etres ind´ependants du chargement susceptibles de contrˆoler la distri- bution des diaclases les plus couramment cit´es sont : les propri´et´es de couplage (r´esistance au cisaillement) des discontinuit´es s´edimentaires (Anderson, 1981; Dollar and Steif, 1989; Renshaw and Pollard, 1995; Cooke and Underwood, 2001), les contrastes des propri´et´es m´e- caniques entre les couches limitrophes (Erdogan, 1972; Biot et al., 1983; Thiercelin et al., 1987; Helgeson and Aydin, 1991), la distribution, la nature et les dimensions des h´et´erog´e- n´eit´es pr´eexistantes au sein et aux limites des couches (Ruf et al., 1998; Weinberger, 2001; McConaughy and Engelder, 2001; Eyssautier-Chuine et al., 2002), la pr´esence d’une pres- sion de fluide (Engelder, 1985), l’´epaisseur de la couche cassante (Bogdanov, 1947).

Ce dernier param`etre, l’´epaisseur, est le plus souvent cit´e pour justifier la grande variabilit´e des espacements des diaclases.

De nombreuses mesures d’espacement de diaclases dans des gr`es au sein de piles `a litho- logie m´ecaniquement contrast´ees (alternance gr`es-marnes) montrent que la relation entre le rapport D = H /S (intensit´e de fracturation) et H, o`u H repr´esente l’´epaisseur de la couche et S l’espacement entre les fractures, est quasi-lin´eaire pour des ´epaisseurs de couches com- p´etentes isol´ees inf´erieures `a 1,5 m`etre. Ce rapport varie entre 0,60 et 1,27 (Aydan and Kawamoto, 1990; Price, 1966; Narr and Suppe, 1991; Angelier et al., 1989; Gross, 1993; Ji and Saruwatari, 1998). D’apr`es ces auteurs, la faible dispersion des valeurs de D autour de D = 1 est le signe d’une saturation de la couche en diaclases lorsque les espacements atteignent une valeur proche de l’´epaisseur de la couche. Cependant, ces mˆemes auteurs reconnaissent qu’au-del`a d’une certaine ´epaisseur, les donn´ees ne permettent plus de tracer de droite de r´egression et donc que la relation lin´eaire n’est plus valable. Si l’on consid`ere une compilation des valeurs de D publi´ees (FIG. I.2.9) on s’aper¸coit que des valeurs de D À 1, et donc un espacement S plus faible que l’´epaisseur, sont courantes (FIG. I.2.3 A).

Figure I.2.9 –Mesure de l’intensit´e de la fracturation D sur le terrain et au cours d’exp´eriences physiques et num´eriques. 1.Wu (1995) ; 2.Narr and Suppe (1991) ; 3.Garett and Baily (1977) ; 4.Ji and Saruwatari (1998) ; 5.Engelder et al. (1997) ; 6.Gross et al. (1995) ; 7.Wu (1995) ; 8.Narr and Suppe (1991) ; 9.Gross (1993) ; 10.Huang and Angelier (1989) ; 11.Price (1966) ; 12.McQuillan (1973b) ; 13.Becker and Gross (1988) ; 14.Reches (1998) ; 15.Reches (1972) ; 16.Ladeira and Price (1981) ; 17- 18.Sagy et al. (2001). Modifi´e d’apr`es Sagy and Reches (2006).

L’´etude des espacements des diaclases au sein de strates d’´epaisseur inf´erieure `a 4 m`etres et `a texture contrast´ees dans la formation d’Asmari (FIG. I.1.3) men´ee par Wennberg et al. (2006) montre qu’il n’y a pas de correlation directe entre l’´epaisseur et l’espacement des diaclases mais que celui-ci semble plutˆot contrˆol´e par la texture de la roche. Lorenz et al. (2006) concluent de leur analyse de la distribution de fracture dans bancs gr´eseux conglo- m´eratiques que l’intensit´e de la fracturation (D > 2) n’est contrˆol´ee ni par les variations lat´erales d’´epaisseur des d´epˆots ni par la distribution des galets (inclusions rigides dans la matrice gr´eseuse : h´et´erog´en´eit´es).

Ladeira and Price (1981) montrent que dans des flyshs du Carbonif`ere, l’espacement des fractures dans les gr`es, limit´ees par des couches incomp´etentes marneuses d’´epaisseur su- p´erieures `a 5 cm, est sensiblement plus important, `a ´epaisseur comp´etente identiques, que dans le cas des couches incomp´etentes d’´epaisseur inf´erieure `a 5 cm. Il faut noter aussi que dans cette ´etude de nombreuses strates d’´epaisseur faible (< 10 cm) pr´esentent une valeur de D sup´erieure `a 10.

La validit´e du concept de saturation est particuli`erement mise en d´efaut lorsque l’on consi- d`ere les objets couramment observ´es, mais qui sont ´etonnement peu ´etudi´es, comme le sont les couloirs fractur´es. Au coeur de ces structures, la valeur de D peut atteindre 100.

Les mod`eles analytiques et num´eriques d´evelopp´es pour ´etudier la relation entre S et H sont bas´es sur des mod`eles ´elastiques, en 2D, multicouches compos´es d’alternance de couches comp´etentes fractur´ees et de couches incomp´etentes intactes. Dans la grande majo- rit´e des cas, l’ensemble est soumis `a une traction parall`ele aux couches appliqu´ee au limite du mod`ele.

Cox (1952) propose une analyse des contraintes au sein d’une fibre entour´ee d’une matrice ´elastique, soumise `a une ´elongation longitudinale. Ce mod`ele est centr´e sur le transfert des contraintes extensives de la matrice vers la fibre centrale par l’interm´ediaire de la contrainte cisaillante `a l’interface (shear-lag model )(Fig. I.2.10a). Hobbs (1967) applique ce mod`ele `a un tricouche ´elastique (Fig. I.2.10b) o`u les couches, d’´epaisseur identiques, sont soud´ees entre elles et soumises `a une traction uniforme εxx parall`element aux couches. La solution analytique de la distribution de σxx montre que l’endroit le plus favorable pour l’apparition de nouvelles fractures est situ´e au milieu des segments d´ecoup´es par les fractures pr´eexis- tantes car les contraintes cisaillantes sont alors maximales `a l’interface. En consid´erant que des fracture peuvent apparaˆıtre lorsque σxx d´epassent la r´esistance en traction σt, la d´e- pendance entre S et H est lin´eaire. Cependant, le mod`ele initial de Hobbs ne satisfait pas les conditions fondamentale d’´equilibre et par cons´equent aboutit `a une distribution des contraintes impossible `a l’int´erieur de la couche fragile (Bai and Pollard, 2000b).

Ji and Saruwatari (1998) corrigent le mod`ele initial de Hobbs et proposent une solution analytique prenant en compte des ´epaisseurs diff´erentes entre la couche fragile et les couches ´elastiques. S est alors proportionnel `a√H et le nombre de fractures augmente ind´efiniment avec εxx. La distribution de S suit alors une loi bimodale, rarement constat´ee dans la na- ture. En effet, la compilation des distributions publi´ees dans la litt´erature indique que les 3 types de lois de distributions des espacements les plus courantes sont les distributions log-normales (Sen and Kazi, 1984; Rouleau and Gale, 1985; Narr and Suppe, 1991; Rives et al., 1992; Becker and Gross, 1988; Ruf et al., 1998), exponentielle n´egative (Villaescusa and Brown, 1990; Rives, 1992) ou plus rarement normale (Huang and Angelier, 1989). De plus, par souci de simplicit´e des solutions analytiques, ils n’int`egrent pas l’influence d’une

pression lithostatique.

Figure I.2.10 –Mod`ele de Cox (a) et de Hobbs (b)

Sowers (1972) et Cherepanov (1997) analysent les instabilit´e p´eriodiques internes qui ap- paraissent au sein d’un milieu soumis `a une traction aux limites pour expliquer les fractures r´eguli`eres.

La distribution des contraintes au sein d’une couche fractur´ee soumise `a une extension lat´erale, simultan´ement avec des bancs non fractur´es, est aussi analys´ee num´eriquement comme un probl`eme ´elastique en deux dimensions pour ´etudier d’une part, la relation entre S et H (Bai and Pollard, 2000a,b) et d’autre part, l’ouverture des diaclases (Bai et al., 2000; Bai and Pollard, 2001). D’apr`es Pollard and Segall (1987), dans une couche soumise `a un allongement horizontal, l’apparition d’une fracture cr´ee autour d’elle une zone d´efavorable o`u la tension est fortement r´eduite, interdisant partiellement ou totalement l’apparition de nouvelle fracture : c’est la zone interdite ou stress r´eduction shadow. La dimension de cette zone contrˆolerait l’espacement minimal possible entre les diaclases dans une unit´e m´ecanique. Gross et al. (1995) montre que la dimension de cette zone augmente avec le module d’Young et/ou l’´epaisseur H de la couche fractur´ee. Les rapport D obtenu vont de 1 `a 2,5 ((6) FIG. I.2.9). Bai and Pollard (2000b) montrent qu’il existe une valeur critique de D au dessus de laquelle la contrainte normale au diaclases devient compressive. Cette valeur critique diminue avec la pression verticale. Pour des conditions proches des conditions naturelles donne 0,83 < D< 1,25.

Les valeurs de D >> 1 observ´ees dans la nature sont alors expliqu´ees par la pr´esence et la propagation de d´efaut qui brisent la r´egularit´e des espacement pr´evus par les mod`eles pr´ec´e- dents. Ces d´efauts peuvent induire des contraintes extensives locales sous une compression externe. Ainsi de Joussineau (2003) montre num´eriquement (Franc2D), qu’une propagation respectant le crit`ere d’´equilibre de Griffith `a partir de ces d´efauts est possible dans les zones

d’ombre et qu’alors D >> 1. Ce crit`ere consid`ere que la propagation est possible lorsque le mat´eriau a ”emmagasin´e“ suffisamment d’´energie ´elastique pour la restituer sous forme de cr´eation de nouvelles surfaces. Cependant, comme nous le verrons dans la section II.3, si effectivement les fissures peuvent s’initier en compression, elles ne produisent pas des fractures de dimensions beaucoup plus importantes que la taille initiale du d´efaut.