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2. Pratiques questionnantes

2.5 Epilogue et constats provisoires

De ce fait, inverser ces données et terminer le rapport en mentionnant les conditions environnementales permettant de pallier à ses difficultés représentent une piste de travail intéressante à développer.

2.4.3 La partialité multidirectionnelle

Cette notion de partialité multidirectionnelle m'a aidé à essayer de prendre conscience et d'éviter certains pièges relationnels. Sans être suffisamment habile pour ne pas tomber dans certains d'entre eux, le fait de me mettre régulièrement à la place de l'un ou l'autre membre du réseau m'a permis de remettre au centre des préoccupations le thème de l'équité.

Cette manière de faire m'a incité à rappeler la dimension éthique d'un tel accompagnement. Essayer de valoriser le rôle de chacun, m'enquérir des soutiens en place ou à développer, chercher à connaître et à explorer les ressources du système et la nature des relations actuelles. A postériori, j'ai l'impression que cette démarche a été possible autour du réseau développé autour de Léa. Il a porté ses fruits la première partie de l'année où il a été possible de démêler quelques noeuds ou pièges relationnels en améliorant le degré de confiance et de fiabilité des relations entre les intervenants. Il a permis à Léa de gagner de l'espace pour être plus active dans ses choix, davantage actrice de ses apprentissages.

2.5 Epilogue et constats provisoires

Quelque deux ans après les faits relatés dans cette situation, la vie estudiantine de Léa est celle d'une élève orientée en voie secondaire à option, voie qui semble lui convenir. Un mail reçu d’une des collègues avec laquelle nous avions mené des périodes de co-enseignement, m’a transmis des nouvelles encourageantes : « J'ai dans ma classe Léa. Elle va très bien. Elle a continué l'allemand, elle s'accroche, elle bénéficie toujours d'un appui (interne à l’établissement). Elle est très bonne en mathématique. Elle veut réussir.»

L’établissement où Léa est en train de terminer sa scolarité couvre l’ensemble des degrés de la scolarité obligatoire, cycle primaire et secondaire réunis. La charte d’établissement en lien avec la dyslexie semble poursuivre sa phase de projet.

Compte tenu du fait que j'ai quitté l'établissement secondaire après une année de renfort pédagogique seulement, et n'ayant pas eu l'opportunité d'interviewer les acteurs en présence une fois la démarche terminée, il m'est difficile de dire ce que ma tentative d’interroger et de prendre en compte les facteurs environnementaux a pu amener dans la scolarité de Léa et à mes collègues professionnels rattachés à cette situation.

Au cours de cette année écoulée, ma réalité de renfort pédagogique a été souvent proche de celle évoquée ici, avec quelques documents donnés de manière anticipée, l'acceptation de quantités de mots de vocabulaire réduites ou de supports adaptés pour étudier des dictées standard. Durant cette année, une collègue du cycle secondaire a été prête à discuter et à réorganiser l’un de ses cours hebdomadaires de mathématique en m’y associant dans une démarche de co-enseignement. Il s’est agi alors pour nous de nous voir quasi hebdomadairement pour travailler notre forme de collaboration72 et l’organisation du travail dans le but de développer quelques éléments de pédagogie coopérative au sein de la classe. Au deuxième semestre, il m'a été possible de procéder de la même manière avec un collègue du cycle de transition.

Deux autres collègues avec lesquelles j'avais également collaboré, m'ont fait part, en fin d'année scolaire, de leur retour sur la démarche de partenariat menée. Une collègue du cycle de transition m'a dit : « Ton intervention n’a pas changé, à proprement parler, mes pratiques pédagogiques mais j’ai développé mon attention et mon écoute vis-à-vis de l’élève aux besoins particuliers. J’ai essayé d’être bienveillante et ferme tout en essayant de ne pas singulariser l’élève. Concernant l’orthographe et la dyslexie, j’ai essayé d’utiliser le plus de stratégies possibles. J’ai appris à développer ma manière de communiquer avec les parents au moyen de courriels (…) . Ce soutien lui aura être permis un appui pour apprendre à appendre et peut-être pour considérer ses difficultés en face. Je regrette qu’il n’y ait pas une orientation spéciale pour ces élèves et que les « hautes instances » nous disent clairement comment les évaluer différemment sans que les autres élèves de la classe, ou les autres parents, ne trouvent cela injuste. (...) »

Une autre collègue m’a donné un retour proche de cela. Elle m'a dit d'abord qu'un tel partenariat lui avait permis de mieux reconnaître les difficultés et les lacunes dont « souffre » l’élève (…), de développer des préparations spéciales pour l’introduction des nouvelles notions (...) des stratégies qui puissent apporter une aide significative pour l’élève sans pénaliser les autres élèves et (…) d’adapter les exercices à disposition. Il a été facile pour elle de collaborer avec l’enseignant de renfort, intéressant d’analyser avant et après ce qui a été mis en place. Il a été bien plus difficile de savoir ce qui a pu être bénéfique pour l’élève : souvent on croit avoir enfin trouvé quelque chose, mais c’est rare que la « solution » puisse être appliquée à long terme. Elle a pu constater que la présence d’un second adulte dans des classes difficiles est bénéfique non seulement à l’élève mais aussi à toute la classe. La préparation de stratégies d’enseignement pour de nouvelles notions, faite à deux, est un plus. Elle lui a permis de prendre conscience et d’admettre que tous les élèves ne peuvent intégrer les nouvelles notions à la même vitesse, avec les mêmes outils ou au même moment de leur scolarité. Elle a ajouté qu'il lui a manqué de temps (...) pour développer une plus grande collaboration avec tous les organes que l’école peut mettre en place. Une expérience de plus longue durée aurait permis de mieux

72Cette collaboration a oscillé entre des modèles de co-enseignement non seulement « en soutien » ou « en ateliers » mais également « en équipe » et « en électrons libres ».

connaître l’élève et mieux le comprendre afin de trouver quels pourraient être les manques, en fonction de ce qui est possible d’offrir dans le cadre d’un enseignement « standard ». Finalement, elle a conclu qu'elle aurait à l’avenir le souhait de réunir les intervenants avant la rentré afin de pouvoir démarrer directement sur des bases discutées et de prévoir à l’horaire un moment à quinzaine pour une réunion des intervenants pour adapter au fur et à mesure les stratégies mises en place.

Dans la situation de Léa, comme dans celle d'autres élèves aux besoins particuliers, se préoccuper des facteurs environnementaux extrinsèques à l'élève est une démarche novatrice, « révolutionnaire ». Dans ce contexte, des obstacles comme la loi scolaire ou les impératifs de l’évaluation m'ont été présentés. On m’a dit également que la classe ordinaire était moins à même de répondre à l’élève aux besoins particuliers que la classe spéciale, en rejoignant le principe qu’une différenciation structurale était mieux à même de répondre aux besoins spécifiques de ce type d’élèves qu’une différenciation pédagogique. «S’agissait-il là d’une manière de voir générale ? » Mon départ de cet établissement secondaire pour rejoindre un établissement primaire m'a offert l'opportunité d'un autre regard sur la question, ainsi que de nouvelles possibilités de rectifier ou d'affiner le choix des outils ou des approches pour faciliter l'inclusion d'élèves à besoins particuliers dans les classes régulières. Je relaterai cette fois-ci, cette démarche par des témoignages.