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Matériel et méthodes

4. EPIDEMIOLOGIE 1Fréquence :

Les nécroses digitales sont assez rares pour disposer de données épidémiologiques, notamment de prévalence, dans la population générale. Dans une étude, il a été analysé la fréquence des artériopathies distales du membre supérieur par la manœuvre d’ Allen, dans le cadre d’une étude sur le phénomène de Raynaud. Elle a porté sur un échantillon représentatif de 1023 sujets (688 F et 335 H) [6]. Il s’agissait de sujets sélectionnés aléatoirement, mais sensibles au froid, ainsi que des témoins. Ces sujets ont été évalués par rapport à l’existence d’un phénomène de Raynaud, de l’exposition au tabac, aux vibrations et aux traumatismes palmaires. Une manœuvre d’Allen bilatérale a été réalisée chez tous les sujets. L’étude statistique a été menée en uni- et en multi-variées par régression logistique. Les anomalies à la manœuvre d’Allen étaient beaucoup plus fréquentes chez les hommes (p < 0,001) et sur l’artère ulnaire. On n’a pas constaté de différence significative en fonction du coté droit ou gauche, alors que la fréquence des anomalies étaient significativement plus grande sur le membre dominant (MD) chez les hommes pour l’artère ulnaire (p < 0,001) et pour les atteintes digitales (p = 0,02). Chez l’homme la prévalence des anomalies ulnaires était de 8,1 % sur le membre dominant vs 2,4 % sur le membre controlatéral (MC). Sur la terminaison radiale, elle était de 0,6 % sur le membre dominant vs 0,3 % sur le membre controlatéral, et celle des artères digitales était de 2,1 % sur MD vs 0,6 % sur MC. Chez la femme la prévalence des anomalies ulnaires est de 1,2 % sur M D

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vs 0,4 % sur MC, celles de la terminaison radiale était de 0,1 % sur MD vs 0 %

sur MC, et celles des artères digitales est de 0,1 % sur MD vs 0 sur MC. La prévalence des anomalies ulnaires était inférieure à 2 % dans toutes les tranches d’âge. Chez l’homme, la prévalence des occlusions distales de l’artère ulnaire augmente très significativement après 50 ans (de l’ordre de 5 % dans la 3e décade à 15-25 % après 50 ans).

Nous disposons d’études d’incidence dans le cadre de certaines maladies systémique, notamment la sclérodermie, qui ont révélé que 15% à 25% des patients atteints de sclérodermie avaient des nécroses digitales actives et 35% à 50% avaient des antécédents de nécroses digitales [39]. Sur les 43 cas de sclérodermies hospitalisés dans le service de médecine interne B, cinq soit 12 %, ont présenté des nécroses digitales. Dans la série de Cailleux et al, qui a intéressé 96 patients hospitalisés dans un service de médecine interne pour ischémie digitale, il y’avait 64 hommes et 32 femmes d’âge moyen de 51 ans [40]. Dans la série de « Vayssairat et al. » portant sur 86 cas de problèmes ischémiques affectant les membres supérieurs associés à une nécrose digitale, le sexe ratio H/F des patients était supérieur à 1 [41]. Dans une étude rétrospective de 278 observations de nécrose et d’ischémies digitales du membre supérieur [42], le sex-ratio H/F était de 1,4 (162 hommes, 116 femmes) avec un âge moyen de 46 ans. Dans une analyse rétrospective de 92 cas d’ischémie digitale aiguë, l’âge moyen était de 48 ans, incluant 58 hommes soit 63% et 34 femmes soit 37% [43].

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En résumé et selon les différentes séries de la littérature, les nécroses digitales intéressent beaucoup plus les hommes que les femmes, surtout la tranche d’âge entre 40 et 50 ans.

Dans notre série neuf patients avaient présenté des nécroses digitales sur un échantillon de 95 cas de maladies systémiques étudié, soit 9,5 %. Ils étaient répartis en 2 hommes et 7 femmes avec un âge moyen de 48 ans et des extrêmes de 29 à 58 ans.

4.2 Facteurs de risque :

En analyse uni variée, les principaux facteurs de risque des nécroses digitales, en dehors de l’âge étaient [6] :

 Le niveau social, mesuré par type de scolarité (p < 0,001). Les occlusions ulnaires étaient beaucoup plus fréquentes chez les personnes qui n’avaient fait que des études primaires.

 Les traumatismes palmaires (p < 0,001). La durée d’exposition à une grande importance, ce n’était qu’au bout de 10 ans que l’on constatait une réelle différence.

 Les engins vibrants (p = 0,005). Ce n’était qu’au-delà de 1 000 heures d’exposition que le risque était significatif avec la possibilité de lésions neurologiques, vasculaires ou articulaires.

 Le tabagisme (plus de 10 paquets-année) était également un facteur de risque (p = 0,004).

 Il existait aussi un lien avec l’existence d’antécédents de pathologie athéromateuse (p = 0,002).

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En réalité, on savait que beaucoup de travailleurs manuels n’avait fait que des études primaires et fumaient, qu’ils avaient à la fois des outils vibrants et des traumatismes.

En analyse multi variée [6]:

 Le niveau social, l’exposition aux engins vibrants et les antécédents d’athéro- sclérose n’avaient pas d’incidence significative ;

 Les seuls facteurs significatifs étaient les traumatismes palmaires [RR : 6,88 (4,34 - 10,91), p < 0,001+ et l’âge *RR : 1,05 par année supplémentaire, p = 0,01].

Par ailleurs, il existait des facteurs de risques prédictifs des nécroses digitales et propres à certaines maladies systémiques notamment la sclérodermie [44].

Le Tabac est communément considéré comme facteur de risque principal dans l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs [45]. Une enquête de l’O.M.S. quasi planétaire a établit que les atteintes vasculaires chez le tabagique étaient surtout athéromateuses. Néanmoins, le tabac induit aussi un certain nombre de réactions à l’échelon microcirculatoire, observé par capillaroscopie (cf. explorations). En effet, si l’on demande à un patient de fumer une cigarette pendant la réalisation de cet examen, on assiste à une diminution du nombre d’anses capillaires fonctionnelles (4 - 6 / mm) avec l’apparition progressive en quelques minutes d’un œdème péri capillaire visible directement. Un examen par laser doppler du flux sanguin au niveau de la

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pulpe du doigt chez le même sujet montre une diminution très importante de la vitesse circulatoire dans le territoire exploré durant les secondes qui suivent l’inhalation de la première bouffée de cigarette. Ces perturbations se poursuivent pendant plus de 10 min après l’arrêt *45].

La consommation du tabac est considérée comme un facteur de risque notamment du phénomène de Raynaud et autres artériopathies digitales. Ceci peut s’expliquer par le monoxyde de carbone, présent dans la fumée, qui entraîne des lésions endothéliales et des cellules musculaires lisses, à l’origine d’un effet athérogène et thrombogène. La nicotine joue également un rôle, c’est un alcaloïde qui mime l’action de l’acétylcholine sur les récepteurs nicotiniques et réduit la production de prostacycline aortique, ce qui augmente considérablement le risque de gangrène distale. De plus, le tabac est impliqué dans la libération des catécholamines vasoconstrictrices et la production de radicaux libres [46].

Des études ont également cherché à savoir si le tabagisme était un facteur de risque de l'ischémie digital dans le cadre des maladies systémiques. Une analyse à partir d'une base de données au Royaume-Uni a constaté que parmi 101patients atteints de sclérodermie, les fumeurs étaient 3-4 fois plus susceptibles que les personnes n'ayant jamais fumé à engager des complications digitales vasculaires [47]. Dans l’étude de Framingham, on s’était intéressé au rôle des facteurs délétères sur la microcirculation, comme le tabac et l’alcool. Ainsi sur une série de 800 femmes et 725 hommes présentant un phénomène de Raynaud on avait constatait que les deux sexes avaient des

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caractéristiques bien différents [48]. Chez la femme, la consommation de tabac n’était pas corrélée à une augmentation de la prévalence du phénomène de Raynaud. Par contre, la consommation élevée d’alcool était un facteur de risque. A l’inverse, chez l’homme, le tabac avait un rôle significatif dans la prévalence de ce phénomène de Raynaud, en particulier pour ceux qui avait un problème cardiovasculaire sous-jacent, ce qui n’est pas le cas pour la consommation d’alcool. Il a été démontré qu’une consommation modérée d’alcool chez l’homme pouvait réduire ce risque, sauf s’il s’agissait d’un fumeur. Ces résultats laissent comprendre qu’il y aurait un mécanisme physiologique bien distinct entre les deux sexes [49].

Parmi les 25 patients de la série tunisienne, onze patients présentaient une intoxication tabagique variant de deux à 70 paquets-années, une patiente (soit 4 %) restait sans diagnostic étiologique avec comme seul facteur favorisant une intoxication tabagique [5].

Il semble donc que le tabac est un facteur aggravant dans le cadre des maladies systémiques, voir étiologique de l’artérite digitale [3,41].

Dans notre série 3 patients étaient tabagiques, 2 femmes et un homme. Ils ont vu leurs lésions s’amélioraient en associant à leur traitement un sevrage strict du tabac.