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Matériel et méthodes

5. ASPECTS CLINIQUES 1 Mode de début :

5. ASPECTS CLINIQUES 5.1 Mode de début :

La nécrose digitale s’installe après un stade initial d’ischémie digitale souvent chronique, mais qui peut être aigue [50]. Le délai entre ces deux stades est parfois très court et la gangrène peut dans certains cas s’installer d’emblée *1+. Un mode d’installation progressif est essentiellement l’apanage des connectivites, alors que les nécroses digitales de survenue brutale et d’évolution plus délabrante sont dues le plus souvent a des processus aigues en particulier emboliques [1].

Les nécroses digitales peuvent être soit inaugurales ou compliquer l’évolution d’une maladie systémique. Dans une étude prospective de 25 observations de nécroses digitales, neuf cas ont émaillés le cours évolutif d’une pathologie déjà connue, alors qu’elles étaient révélatrices d’une pathologie sous-jacente dans 16 cas. Dans le cadre de la sclérodermie, la survenue d’une nécrose digitale peut même précéder de plusieurs mois les signes cliniques de la maladie [51].

Dans notre série, le mode d’installation des nécroses digitales était progressif pour l’ensemble des patients avec dans 2 cas une évolution rapidement progressive. Elles ont compliqué une pathologie déjà connu dans 6 cas dont 5 sclérodermies et une maladie de Takayasu. Elles étaient un argument important pour le diagnostic chez 2 de nos patients présentant un Sd de Raynaud qui n’était pas étiqueté. Il s’agissait d’un syndrome RACAND et d’une maladie de Takayasu. Enfin une patiente présentait des nécroses digitales inaugurales d’une polymyosite. Le délai moyen d’apparition des premières nécroses digitales chez nos patients par rapport à leurs premiers symptômes cliniques était de 95 mois ( ~ 8ans) avec des extrêmes de 20 mois à 16ans et 2 mois, alors que le délai moyen par rapport à leur première hospitalisation et au diagnostic de la maladie causale était de 49 mois (~4 ans) avec des extrêmes de 0 à 16 ans. (Tableau I).

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Tableau I : montrant la chronologie des symptômes cliniques et nécroses digitales apparues chez nos patients

Début des symptômes

Délai 1ère hospitalisation Et diagnostic Délai 1ère Nécrose Digitale Autres troubles trophiques Dernier épisode de ND Mode d’installation Délai avant P.E.C

Cas N°1 Hiver 1988 R+ 2 mois 1988 : Sclérodermie 16 ans Avril 2004 2007 Avril 2009 Progressif 5 mois

Cas N°2 1998 R+ 2 ans 2000 : Sclérodermie 9 ans 2009 - Aout 2009 Progressif 8 mois

Cas N°3 Hiver 1995 R+ 2 ans 1997 : Sclérodermie 4 ans 2001 2005, 2006 Février 2007 Progressif 6 mois

Cas N°4 Juin 2008 R+

octobre 2009

18 mois Janvier 2010 : Sclérodermie

2 mois

Mars 2010 - Mars 2010 Rapidement

progressif 1mois

Cas N°5 1985 R+

agravtion 1997

14 ans 1999 : Sclérodermie 6 mois

1999 2001,2003, 2005 Novembre 2006 Progressif 3 mois Cas N°6 1992 R+ 10 ans 2002 : Acrosyndrome vasculaire 3 ans 2005 : RACAND Sd Aout et septembre 2007 Septembre 2008 Rapidement progressif 1 mois

Cas N°7 2008 R+ 2 ans Juin 2010 :

Polymyosite

0 : ND

inaugurale Juin 2010 - Juin 2010 Progressif 2 mois

Cas N°8 2005 R+ 6mois Septembre 2005 : Raynaud idiopathique 28 mois Avril 2008 - Avril 2008 lors du Dc «Takayasu » Progressif 2 mois

Cas N°9 2003 R+ 14mois Takayasu 22 mois 2006 - 2006 Progressif 5 mois

Moy. 9 R+ 44mois 49 mois 2000-2010 3,6 mois

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5.2 Taille et Topographie :

Vayssairat a distingué les nécroses millimétriques ou ponctuelles, rencontrées surtout dans le cadre des connectivites (Fig.6), et les nécroses centimétriques (Fig.7) d'apparition brutale, réalisant un véritable « accident vasculaire digital », plus fréquentes dans les autres étiologies d'artériopathies digito-palmaires (maladie de Léo-Buerger, syndrome du marteau hypothénar...) [41].

La description des lésions nécrotiques est essentiellement en rapport avec leurs sièges. Il peut s'agir soit d'une escarre pulpaire d’un ou de plusieurs doigts (exceptionnellement le pouce) qui s'ulcère, suppure, puis se nécrose avec amputation progressive de la phalange [52]. Dans un quart des cas, la nécrose touche un seul doigt avec prédilection pour l'index et le medius (Fig.8).

On peut assister d’emblée à des gangrènes bilatérales mortifiée étendues à l’ensemble des phalanges (Fig.9), comme notre malade atteint de Takayasu (cas 9).

Par ailleurs le caractère uni- ou bilatéral des nécroses est un élément primordial dans les différentes classifications étiologiques rapportées dans la littérature [41,53]. Selon une étude rétrospective qui a porté sur 278 patients présentant une ou plusieurs ischémies ou gangrènes digitales inaugurale, l’atteinte était unilatérale trois fois sur quatre, la plage ischémique ou nécrotique était millimétrique 1 fois sur 2 et centimétrique 1 fois sur 2 [6]. Dans une autre série de 96 patients hospitalisé dans un service de médecine interne pour une ischémie digitales dont 54 avec nécroses pulpaires, on trouvait 36 cas de nécroses unilatérales et 18 bilatérales, 32 cas des nécroses étaient centimétrique et 22 millimétriques [40]. Dans notre série (Tableau II) :

60 Fig.6 : Nécroses digitales

millimétriques.

Fig.7 : Nécroses des orteils centimétriques.

Fig.8 : Trouble trophique

touchant un seul doigt (ici le médius).

Fig.9 : Nécroses digitales

Bilatérales et centimétriques.

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Tableau II: montrant la taille et le siège des nécroses digitales apparues chez nos patients

Extrémités des membres atteints unilatérales ou bilatérales Taille des nécroses Siège et topographie des lésions

Doigts Orteils Doigts Orteils Doigts Orteils Doigts Orteils

1

Main Dte et Ghe Pieds Ghe et Dt

Bilat Bilat Dizaine de mm Centrimé- Triques

L’ensemble des doigts surtout l’index et le médius droits.

Orteils droits surtout le gros orteil et le moignon du pied gche.

2 Indemnes Pied Ghe Unilat Millimé- triques 5

ème orteil

3 Main Ghe et Dte Pied Ghe Bilat Unilat Millimé- triques Millimé- triques 4

ème

gauche puis 5ème droits puis 2ème droit

Gros orteil gauche

4 Main Ghe et Dte Indemnes Bilat Millimé- triques L’ensemble des doigts excepté les pouces.

5

Main Ghe et Dte Indemnes

Bilat qqs mm

2ème, 3ème, 4ème doigtsdroits et 2ème gauche

6

Main Ghe et Dte Pied dt

Bilat Unilat Dizaine de mm Centrimé- Triques

Pouce et annulaire droits puis Pouce et index gauches

2ème ,4ème 5ème orteils droits puis avant pied droit

7 Main Dte Indemnes Unilat Millimé-

triques 2

ème, 3ème doigts droits

8 Main Ghe Indemnes Unilat Millimé- triques 2ème,3ème,4ème doigts guauches

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Les nécroses touchent plus fréquemment les mains que les pieds avec 5 cas contre un seul cas, alors que 3 de nos cas avaient présentaient des atteintes des doigts et des orteils.

Les atteintes peuvent être unilatérales, unique ou multiples, ou bien bilatérales et multiples. La taille des lésions est le plus souvent millimétrique et parfois plus étendues de plusieurs centimètres notamment à l’avant pieds. Le pouce est presque toujours épargné, alors que le gros orteil est fréquemment touché. Schématiquement les pulpes des doigts et des orteils sont les zones de prédilections de ces nécroses.

5.3 Aspects cliniques :

5.3.1 Stades et aspects :

Les nécroses digitales passent habituellement par 3 phases successives [54]: - Une phase initiale caractérisée par une pâleur des doigts ou des orteils avec refroidissement local et aspect livédoïde [55]. L’examen clinique doit être minutieux à la recherche de signes permettant d’éviter l’évolution vers des stades plus avancés de nécroses. Il s’agit de lésions *1+ à type de :

Pseudo panaris,

 d’aspect d’onychomycose,

 de stries hémorragiques sous unguéales, à type d’hémorragies filiformes (Fig.10) ou d’hémorragies en flammèche (Fig.11),

 de ptérygium inversus ungus (couche cornée entre la pulpe digitale et l’ongle),

 des excoriations pulpaires témoins de séquelles de

micro-infarctus (Fig.12), A ce stade on trouve déjà une latence de recoloration pulpaire avec une

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- Une phase d’état représentée par l’ulcération digitale qui est une lésion cutanée caractérisée par une perte de substance dermique, qui à la différence de l'érosion, intéresse toute la peau sur ses couches profondes (derme et hypoderme) [56]. Cliniquement, certains auteurs distinguent les ulcérations situées sur la partie distale de la face palmaire des doigts où l’ischémie est considérée comme l’étiologie prédominante. Il s’agit de lésions réellement vasculaires, dont l’évolution se fait volontiers vers la gangrène et la perte de substance (Fig.13). Les ulcérations en regard des convexités articulaires notamment des inters phalangiennes proximales et métacarpo-phalangiennes (Fig.14) plus volontiers secondaires à des micro-traumatismes ou des lésions de calcinose par phénomène de « corps étranger», notamment dans le cadre de la sclérodermie. En fait, les mécanismes ischémiques et mécaniques sont intriqués. Ainsi les ulcérations digitales peuvent être localisées sur toutes les zones digitales avec des tailles variables : tantôt de petite taille, tantôt plus étendus, à fond nécrotique ou jaunâtre. Ils sont généralement douloureux, particulièrement gênantes dans la vie quotidienne. Des troubles trophiques des ongles, liés à l’insuffisance vasculaire du lit de l’ongle sont parfois associés. Elles laissent fréquemment une dépression cupuliforme séquellaire losqu’elles guérissent. L’examen clinique appréciera la vascularisation, les déformations et la fonctionnalité des mains.

 Enfin, la phase tardive délabrante, faite de gangrènes distales ischémiques, extensives, formant des plaques de nécrose plus ou moins étandues et de profondeurs variable au niveau des doigts ou des orteils (Fig.15,16,17).

La gangrène est caractérisée par la mort des tissus, due à une interruption locale de la circulation sanguine.

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Fig.10 : Hémorragies filiformes linéaires

se trouvant sous l’ongle d’un doigt.

Fig. 11 : Hémorragies en flammèche sous unguéales

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Fig.13: Ulcère digital ischémique

(sclérodermie systémique).

Fig.14 : ulcère digital en regard du relief osseux

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Fig.15 : Gangrène des doigts au cours

de la sclérodermie systémique.

Fig. 16 : Gangrène de la main

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Il en existe deux types : la gangrène sèche et la gangrène humide. La première est une nécrose des tissus sans qu’il y ait une surinfection bactérienne et ne se propage pas à d'autres tissus. Elle peut être provoquée par une embolie artérielle ou une artérite comme dans notre étude. Elle se traduit par une douleur violente, un changement de couleur de la peau qui devient pâle, violette puis noirâtre. La gangrène humide se caractérise par une nécrose des tissus due à l'infection par des bactéries. Les tissus sont gonflés et suintants et le risque d'amputation est plus élevé [57].

Dans notre série, tous les patients étaient pris en charge à des stade plus ou moins avancé de nécroses digitales avec localisations multiples et une

gangrène humide avait compliqué l’évolution du cas de RACAND syndrome ( Tableau III).

5.3.2 Signes cliniques associés :

Des signes de souffrance vasculaires peuvent être associés, à type de paresthésies, de sensation de froid, de douleurs permanentes et surtout d’un phénomène de Raynaud qui constitue le signe d’appel capital retrouvé dans plus de 90 % cas au stade précoce de la nécrose digitale [1]. Le phénomène de Raynaud classique est défini comme un trouble vasomoteur ischémique paroxystique des doigts des mains, souvent déclenché par le froid et caractérisé par une évolution en 3 phases successives [58].

• La phase syncopale caractérisée par un blanchiment paroxystique des doigts, respectant souvent les pouces, dû à un arrêt brutal et transitoire de la circulation artérielle digitale (Fig.18). Elle est douloureuse et souvent accompagnée d’une « sensation de doigts morts » avec perte de la sensibilité. Elle dure quelques minutes à quelques heures.

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Tableau III : Aspects cliniques des nécrose de nos patients au cours de leurs hospitalisation

Cas N°1 Plaques de nécrose : l’ensemble des doigts surtout l’index et le médius droits, était siège d’ulcérations pulpaires nécrotiques noirâtres ; le pied droit présentait des signes inflammatoires avec une nécrose des orteils plus marquée au niveau du gros orteil et la présence d’onychomycoses suppurés sur les autres orteils. Le pied gauche présentait une nécrose diffuse de la face latéral du moignon.

Cas N°2 5ème orteil gauche était le siège d’une cicatrice atrophique de la nécrose avec la présence de multiples ulcérations punctiformes au niveau des autres orteils.

Cas N°3 Suppuration du 4ème doigt ghe, nécrose sèche du 5ème orteil dt, nécrose distale du 2ème doigt dt., ischémie du gros orteil ghe .

Cas N°4 lésions de nécrose débutantes bilatérales au niveau des régions pulpaires et péri unguéales des doigts sauf le pouce avec aspect de cicatrices en cupule.

Cas N°5 Lésions nécrotiques des 2ème,3ème et 4ème doigts droits et nécrose au niveau du 2ème gauche.

Cas N°6 Nécrose des 2ème, 4ème et 5ème orteils droits siège de nécroses, un intertrigo suppuré du 4ème espace inter orteil droit puis extension des nécroses et installation d’un gangrène humide de l’avant pied droit. Les doigts présentaient des ulcérations pulpaires au niveau du pouce, de l’index gauche et du majeur droit ainsi que des séquelles des exérèses chirurgicales antérieures des pulpes du pouce et de l’annulaire droit.

Cas N°7 lésions de nécroses franches au niveau des extrémités distales du 2ème, 3ème doigts droits, des ulcérations pulpaires du 4ème doigt droit et des hémorragies en flammèches sous unguéales du pouce.

Cas N°8 Zones de nécrose au niveau de l’extrémité distale du 2ème et 3ème doigts gauches.

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• La phase asphyxique ou cyanique est due au ralentissement du courant veinulaire qui fait suite à la phase syncopale. Elle est inconstante et dure en moyenne entre 15 et 30 minutes. Les téguments deviennent bleuâtres et elle est associée à des paresthésies (Fig. 19)

• La phase «rouge» ou hyperémique est due à une vasodilatation artérielle, c’est la phase de recoloration (Fig.20).

Cette crise est favorisée par une exposition au froid, les changements de température et l’humidité. Les émotions et le stress sont également des facteurs favorisants. Tous les doigts ne sont pas nécessairement intéressés, le phénomène de Raynaud peut être limité à un doigt, voire à une phalange. Lorsque les lésions vasculaires s’aggravent, le phénomène de Raynaud peut toucher le nez, les oreilles, les orteils et les extrémités [59, 60, 61,62].

L’analyse des 25 observations d’une série tunisienne a trouvé qu’un phénomène de Raynaud était présent chez 12 personnes soit 50% des cas. Il précédait chez eux l’ischémie digitale de 41,6 mois en moyenne (de 4 à 60 mois). Alors que six autres patients de la même série présentaient des nécroses digitales concomitantes avec l’apparition du phénomène de Raynaud [5].

Dans une autre étude rétrospective portant sur 278 patients présentant une ou plusieurs ischémies et gangrènes digitales inaugurales, on retrouvait presque toujours un phénomène de Raynaud préexistant en règle bilatéral. Le délai moyen entre le phénomène de Raynaud et l’apparition des nécroses digitales chez les patients était de 42 mois. Il était beaucoup plus long pour les

connectivites (5 ans en moyenne) que pour les vascularites systémiques (3 mois en moyenne) [6].

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Fig.18 : Phénomène de Raynaud en crise. Phase syncopale

Fig.19 : Phénomène de Raynaud en phase cyanotique.

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Dans une autre étude rétrospective de 45 observations de nécroses digitales du membre supérieur n’incluant pas la sclérodermie, il n’a été retrouvé que deux phénomènes de Raynaud suspects d’être secondaire à une sclérodermie non encore diagnostiquée ou à une connectivite mixte [3].Cette étude met en évidence le rapport étroit entre le phénomène de Raynaud et la sclérodermie associée aux nécroses digitales.

Nos neufs patients ont rapporté un phénomène de Raynaud précédant de 8 ans en moyenne l’installation des nécroses digitales, avec des extrêmes de 3 ans à 16 ans.

Lorsqu’il est associé à des nécroses digitales, le phénomène de Raynaud est un élément majeur d’orientation étiologique notamment vers des connectivites type sclérodermie.

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