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Comme nous l’avons vu dans la section2.4.2, un système multi-agents implique for-cément la présence d’un environnement dans lequel les agents évoluent. Les rôles de l’environnement, en revanche, n’ont pas toujours été clairement identifiés au sein de la communauté SMA. Les travaux d’état de l’art de Weyns et al. (2005b) permettent à la fois de les synthétiser et d’établir l’importance de l’environnement.

Bien que nous ayons déjà mentionné l’existence d’environnement sociaux, nous restrei-gnons volontairement cette sous-section à l’étude des propriétés générales de l’environne-ment. Nous traitons les aspects sociaux dans la section suivante.

En ce qui concerne la conception de l’environnement, Weyns et al. (2005b) distinguent les aspects structurels de l’environnement et ses aspects dynamiques. Au même titre, nous développons dans un premier temps les aspects structurels (topologie, distribution, entités passives) avant d’aborder les aspects dynamiques (dynamique endogène, perception, action).

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3.2.1 Aspects structurels

Dans le cadre de la simulation, l’environnement est un espace virtuel qui a un rôle de structuration physique pour les entités qui le composent (agents et entités passives). Cette notion évoque donc les notions de métrique, de topologie ou encore de distribution. Pour que le modélisateur puisse utiliser un environnement avec une topologie adaptée à sa problématique, plusieurs formes de structuration spatiale ont vu le jour au sein des plate-formes de simulation multi-agents. Il est possible de classer ces différentes topologies selon la propriété environnementale discret / continu distinguée par Russel et Norvig (1995).

Environnements discrets

Avec une approche discrète, l’environnement est formé par un ensemble de zones qui entretiennent une relation de voisinage entre elles. La zone est l’unité spatiale qui définit la portée de la perception et de l’action. Nous donnons ici deux exemples concrets d’environnements discrets :

les environnements cellulaires, très courant dans le domaine des automates cellulaires, est formé par une grille de cellules généralement représentées par des tuiles formant un pavage périodique à partir de formes géométriques. Les cellules peuvent être organisées en une ou plusieurs dimensions (2D, 3D). La figure 1.8illustre trois environnements cellulaires à deux dimensions formés avec un pavage différent. Pour chacun d’eux, nous illustrons différents types de relations de voisinage.

les environnements de type graphe, formés par un ensemble de nœuds liés entre eux par des arêtes (orientées ou non), a l’avantage de pouvoir représenter une topologie adaptée à la notion de réseau. Bien que nous parlons ici des environnements physiques, le graphe est une structure de données qui peut avoir d’autres utilités dans le cadre d’un SMA, notamment dans l’état interne d’un agent pour représenter un réseau social par exemple. Quand on y réfléchit, n’importe quel environnement cellulaire pourrait être représenté à l’aide d’un graphe. L’avantage de ce dernier réside néanmoins dans la possibilité d’avoir un rayon d’action/perception conditionné par les arêtes qui unissent l’ensemble des sommets. La figure 1.9donne la représentation d’un environnement graphe dans lequel la relation de voisinage est matérialisée par les arêtes et l’unité du rayon est le nœud.

Environnements continus

À l’inverse de l’approche discrète, l’environnement continu permet une granularité beaucoup plus fine puisqu’il ne restreint pas la portée de la perception et de l’action à une unité déterminée par la topologie de l’environnement. Cette approche, bien que plus complexe à mettre en œuvre permet de traiter de manière individuelle le rayon d’action/perception, et éventuellement d’avoir une portée propre à chaque sens d’un même individu. Imaginons par exemple que deux classes d’agents soient modélisées au sein du même système multi-agents, l’une de ces classes possédant une acuité visuelle plus importante que l’autre. Un environnement continu permettra alors une plus grande justesse dans la modélisation. Il permettra également de prendre en compte plus aisément le fait qu’un agent ait de meilleures facultés auditives que visuelles. Dans un environnement cellulaire, certains types de voisinage d’environnements cellulaires permettent également

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(a) Environnement cellulaire

formé de tuiles carrées. Pour chaque agent, un type de voisi-nage possible est représenté par les cellules vertes autour de lui. De gauche à droite, un voisinage de Moore d’ordre 1 (8 voisins) et un voisinage de von Neumann (4 voisins).

(b) Environnement cellulaire

formé de tuiles hexagonales. Les voisinages possibles avec cette forme de tuile sont illustrés avec les cellules vertes autour des agents. 3 ou 6 voisins immédiats

(c) Environnement cellulaire

formé de tuiles triangulaires. Ici, le rayon perception/action est uniquement constitué de 3 voisins immédiats.

Figure 1.8 Exemples de représentation d’environnements cellulaires à deux dimensions avec

des tuiles différentes (carrées (a), hexagonales (b) et triangulaires(c)), permettant plusieurs

possibilités de rayon d’action et de perception pour un agent.

d’étendre le rayon de perception/action. C’est le cas du voisinage de Moore qui peut passer de 8 voisins immédiats à 24 voisins, voire d’avantage. Il permet donc également de représenter des rayons plus ou moins importants, mais uniquement avec des multiples d’unités.

Un environnement continu peut être représenté à l’aide d’un espace euclidien. La plate-forme GAMA (Grignard et al.,2013), par exemple, utilise un espace euclidien pour représenter l’environnement. La Figure 1.10est une capture d’écran de l’environnement d’un modèle épidémiologique (SI) réalisé avec GAMA, dans lequel les agents se déplacent au sein d’une ville, de bâtiments en bâtiments à travers les routes. Bien que nous ayons classé les environnements de type graphe dans la catégorie des environnements discrets, un graphe peut tout à fait être considéré comme environnement continu à partir du moment où des contraintes physiques sont appliquées aux arêtes. Ces contraintes peuvent se matérialiser avec des poids représentant une distance associée à une vitesse de déplacement dans le milieu par exemple.

Topologie hybride et distribution

Il est tout à fait possible de combiner les avantages d’un environnement discret et d’un environnement continu. Considérons un environnement cellulaire dans lequel chaque zone est considérée comme un espace euclidien qui entretient une relation de voisinage avec d’autres zones. Un environnement hybride de ce type permet à certains agents de profiter de la facilité que représente l’unité d’un environnement discret et à d’autres d’avoir une granularité plus fine. La plate-forme GAMA par exemple, offre la possibilité de

représen-s y représen-s t è m e représen-s m u lt i-agents et simulation [ 25

Figure 1.9 Exemple d’environnement de type graphe. Chaque agent est situé dans un nœud, et peut se déplacer/percevoir en fonction des arêtes qui lient les différents nœuds du graphe.

Figure 1.10 Capture d’écran de l’environnement continu d’un modèle épidémiologique (SI)

(Hamer,1906) réalisé avec GAMA (Grignard et al.,2013).

ter un environnement cellulaire superposé à un environnement continu. Chaque cellule correspond à une zone de l’environnement euclidien.

Le découpage en zone offre également la possibilité de distribuer l’environnement avec une plus grande facilité. En effet, Soulié (2001) identifie plusieurs catégories d’environne-ments. Parmi elles, il décrit les environnements centralisés formés par une structure unique et les environnements distribués formés par une structure discrétisée dont chaque élément peut être considéré comme un environnement centralisé.

Ressources

Au delà de son rôle de structuration physique des agents, l’environnement peut com-prendre des ressources exploitables par les agents. Ferber (1995) précise qu’il existe un ensemble d’objets situés dans l’environnement qui « peuvent être perçus, créés, détruits et modifiés par les agents. » Une ressource peut par exemple représenter un obstacle, de la

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nourriture, une clé servant à ouvrir une porte, etc. Le contrôle d’accès à ces ressources fait partie des responsabilités de l’environnement et dépend généralement de plusieurs facteurs : le voisinage de l’agent à la ressource ou les capacités de l’agent par exemple. Notons que les travaux de Soulié (2001) proposent de séparer de manière explicite le « corps » et « l’esprit » de l’agent pour des raisons conceptuelles et pratiques. La partie physique de l’agent peut alors être considérée comme n’importe quelle ressource de l’environnement. Cette idée de séparer l’agent de sa représentation physique se retrouve dans un certain nombre de modèles conceptuels tels que ceux proposés par Ferber et al. (2005) ou encore Dinu et al. (2012).

En dehors des objets situés, les ressources peuvent prendre d’autres formes. Les champs par exemple, permettent de porter une information ayant différentes valeurs en chaque « point » de l’espace. Ils peuvent par exemple être utilisés pour représenter un courant maritime sous forme de vecteurs ou encore pour représenter la nature d’un sol. Les champs sont également très adaptés pour représenter des zones attractives ou répulsives pour un agent. Un champ de phéromones peut par exemple être utilisé pour attirer des agents vers une zone comportant de la nourriture.

3.2.2 Aspects dynamiques

Les aspects dynamiques de l’environnement sont à la fois liés aux agents, plus par-ticulièrement à leur activité de perception et à leurs actions, et à l’activité endogène de l’environnement, générée par la relation entre les lois de l’environnement et les ressources qui le composent.

Dynamique endogène

La dynamique endogène est liée à la propriété environnementale statique / dynamique identifiée par Russel et Norvig (1995). L’environnement est dit dynamique lorsque l’état de l’environnement évolue indépendamment des actions réalisées par les agents. Si les ressources de l’environnement sont différentes des agents dans la mesure où ce ne sont pas des entités autonomes et proactives, elles peuvent néanmoins évoluer en fonction des lois de l’environnement. Ainsi, un environnement qui tient compte du processus d’érosion venant dégrader le relief au fil du temps est un environnement disposant d’une dynamique endogène, au même titre qu’un environnement tenant compte du processus d’évaporation et de diffusion de phéromones.

Perception

La phase de perception d’un agent implique que l’environnement puisse être observé (Weyns et al.,2005b). Si Russel et Norvig (1995) indiquent qu’un environnement peut être totalement observable ou partiellement observable, la majorité des définitions s’accordent pour restreindre la perception de l’agent à une partie de l’environnement.

Le voisinage de l’agent est utilisé pour restreindre ce qu’il peut percevoir. Celui-ci est calculé en fonction de la position qu’occupe l’agent au sein de son environnement. Michel

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(2007a) souligne l’importance de cette restriction, qu’il appelle la contrainte de localité de l’environnement. Le voisinage d’un agent peut varier en fonction de la topologie de l’envi-ronnement mais peut également varier en fonction de la portée de perception de l’agent. Cette portée peut être matérialisée par une forme dans un environnement continu (cercle, triangle, . . .) ou par le nombre d’unités dans un environnement discret (voisinage de Moore d’ordre 2 par exemple). En plus des propriétés des agents, la perception peut également dépendre des propriétés de l’environnement. Par exemple, Weyns et Holvoet (2004) pro-posent d’introduire des lois de perception. Ces dernières permettent de refléter certaines règles environnementales, comme l’impossibilité pour un agent de voir les ressources situées derrière un mur.

Action

La gestion des actions réalisées par les agents, particulièrement dans un environnement simulé, est un aspect de conception à la fois important et difficile à traiter. Etant donné qu’une action peut conduire à un changement d’état de l’environnement, son traitement est une responsabilité qui incombe à l’environnement (Weyns et al., 2005b). Cependant, la plupart des plateformes de simulation orientées agents, comme NetLogo par exemple (Wilensky,1999), octroient cette responsabilité à l’agent en lui permettant de modifier l’état de l’environnement. Cette manière de concevoir le traitement de l’action est problématique dès lors que plusieurs agents peuvent agir en parallèle au sein du même environnement. En simulation, l’activation des agents étant soumise à une horloge virtuelle, il est courant que plusieurs agents puissent être activés au même temps virtuel. Nous reviendrons de manière plus détaillée sur cette problématique dans la suite de ce chapitre afin d’étudier les conséquences d’une telle conception et les différents modèles permettant d’y apporter une solution.

Au-delà de la problématiques des actions concurrentes, se pose celle de la validité d’une action. Lorsqu’un agent souhaite réaliser une action, il s’agit de déterminer si celle-ci est valide pour le contexte courant, ou plus généralement pour les lois de l’environnement. Prenons pour exemple un SMA dont l’environnement doit répondre aux lois de la physique. Un agent souhaite déplacer une ressource dont la masse est bien plus importante que celle de l’agent. Si celui-ci peut modifier l’état de l’environnement, il lui incombe d’effectuer le calcul permettant de savoir si il est capable de déplacer l’objet. Pire, il peut éventuellement « tricher » et ne pas tenir compte de la contrainte physique. Afin d’éviter cette problématique, l’apparition de métamodèles permettant de matérialiser les lois de l’environnement ont fait leur apparition. D’autres métamodèles empêchent les agents de modifier directement l’état de l’environnement, afin de respecter ce que Michel (2007a) appelle la contrainte d’intégrité de l’environnement.

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