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Afin d’apporter une solution aux problématiques que nous avons listées dans la section précédente, nous donnons ici les éléments qui, selon nous, peuvent permettre de faciliter la reproduction d’une expérience. Les principales problématiques que nous avons soulignées sont :

1. en terme de facteur humain : les spécifications des modèles, qui ne sont pas suffisamment détaillées dans les publications ;

2. en terme de facteur technique : les problématiques relatives à l’ordonnancement des agents, qui diffère selon les plateformes de simulation utilisées.

Pour répondre à ces problématiques, nous développons deux axes, pour lesquels nous donnons différents éléments de réponse, et sur lesquels nous basons nos travaux.

4.3.1 Méthodes de spécification des modèles

Afin de permettre d’atteindre un niveau de recherche vérifiable (Stodden et al.,2013) en utilisant les supports traditionnels de publication, nous pensons que l’utilisation de méthodes permettant de guider le modélisateur dans la spécification de ses modèles peut permettre d’atteindre un niveau de détail suffisant pour faciliter sa reproductibilité. Dalle

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(2012) suggère que pour atteindre un niveau de reproductibilité pour lequel le partage du code source n’est pas requis, toute spécification suffisamment détaillée de l’expérience est acceptable. Pour atteindre un degré plus élevé, l’auteur suggère également le partage du modèle dans une forme indépendante d’une plateforme. Celle-ci peut par exemple être atteinte à travers l’utilisation d’un langage mathématique, tel qu’un formalisme adapté à la M&S.

Duboz et al. (2012) proposent une méthode de spécification des modèles de simulation en cinq parties distinctes, lesquelles peuvent être appliquées de manière itérative. Les auteurs laissent la possibilité d’omettre une partie si celle-ci n’est pas considérée nécessaire suivant le contexte. Les différentes parties sont décrites dans l’ordre suivant :

1. la communication des objectifs de modélisation et du modèle est une description textuelle per-mettant de comprendre dans quel objectif le modèle est conçu, son contexte d’utilisation ainsi que les hypothèses qui ont été formulées à propos du système source ;

2. la spécification formelle du cadre expérimental du modèle, où l’approche préconisée est d’utiliser le formalisme proposé par Traoré et Muzy (2006) ;

3. la spécification formelle du modèle ;

4. la spécification formelle du simulateur et du coordinateur associé permet de définir une sémantique d’exécution du modèle ;

5. enfin, la communication des expériences de simulation permet de décrire les différents plan d’expériences (paramètres initiaux, durée de simulation, . . .) utilisés dans la simulation. Au sein de la communauté SMA, la problématique a également été soulignée (Grimm,

1999). Afin de faciliter le partage des modèles, le protocole ODD, pour Overview, Design concepts, and Details (Grimm et al.,2006,2010) a été proposé afin de guider les auteurs dans la spécification de leurs modèles orientés agent.

4.3.2 Intégrer la simultanéité des actions au modèle

Parmi les obstacles identifiés comme des facteurs de non-reproductibilité, nous avons souligné les aspects liés à l’ordonnancement des agents, ainsi que les différences de percep-tion de l’état de l’environnement par les agents. Nous avons vu que selon les plateformes SMA utilisées, l’activation des agents peut être gérée de manière très différente et ne laisse pas forcément la possibilité à l’utilisateur de maîtriser l’ordonnancement. Pour répondre à cette problématique, nous présentons une théorie de l’action spécifiquement étudiée pour rendre explicite la façon dont les actions simultanées des agents doit être prise en compte dans un modèle. Appelée Influence/Réaction, cette vision différente de l’action permet de tirer parti de la simultanéité ainsi que du parallélisme intrinsèque du paradigme agent. Nous pensons, au même titre que Michel (2004), que cette façon de prendre en compte l’action des agents permet d’apporter une solution au phénomène de divergence implémentatoire.

Contrairement à l’approche classique, les actions des agents ne modifient pas directement l’état de l’environnement ; elles influent sur l’environnement et ce dernier y réagit par la suite. Les agents font part au système de leurs intentions, ils tentent de modifier l’environnement

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qui peut y réagir favorablement ou non. Ce modèle d’action, proposé par Ferber et Müller (1996) repose sur trois concepts :

1. la distinction entre les influences et les réactions afin de gérer les actions simultanées. Les influences représentent les tentatives des agents de modifier le cours d’évènements qui auraient eu lieu avec une approche classique. Les réactions se traduisent par des changements d’états et sont produites en combinant les influences de tous les agents, à partir de l’état courant de l’environnement et de ses lois.

2. La décomposition de la dynamique globale du SMA en deux parties : la dynamique de l’environnement (l’état de l’environnement) et la dynamique des agents situés dans l’environnement (les influences qu’ils produisent).

3. La description des différentes dynamiques par des machines à états abstraits.

Avec cette approche, le nouvel état de l’environnement est calculé en réaction à l’ensemble des influences qui sont produites de manière simultanée. Ce modèle d’action fait la distinction entre l’action produite par l’agent et son effet sur l’environnement. Cet effet ne peut être calculé qu’à partir de l’ensemble des tentatives d’action effectuées sur l’environnement au même instant, en fonction des règles environnementales. Imaginons deux agents, qui agissent de concert pour déplacer un objet lourd. Grâce à la phase de réaction de l’environnement, le modélisateur peut prendre en compte la force produite par les deux agents et l’additionner pour déterminer à quelle vitesse l’objet en question va bouger.

À partir de ces travaux, Michel (2007a) définit le modèle IRM4S (Influence Reaction Model for Simulation), que nous décrivons partiellement. Le comportement d’un agent est représenté par une fonction permettant de décrire le processus de délibération :

Behavioura :Σ×Γ→Γ

oùΣ est l’ensemble des états de l’environnement et Γ l’ensemble des influences produites par les agents. Contrairement à Ferber et Müller (1996), qui permettent aux agents de percevoir uniquement les influences sur l’environnement, le modèle IRM4S offre la possibilité aux agents de percevoir à la fois l’état et les influences. La possibilité de décrire une dynamique environnementale est également proposée via la fonction suivante :

Naturalenv:Σ×Γ→Γ

Les fonctions Behaviour et Natural forment l’activité des agents et de l’environnement. Elles permettent de produire des influences en fonction de l’état courant du système.

L’évolution de l’état du SMA est décomposée en deux fonctions distinctes, appliquées de manière séquentielle :

In f luence :Σ×Γ→Γ0 Reaction :Σ×Γ0 →Σ×Γ

La fonction In f luence représente la première phase de l’évolution du système. Elle permet de calculer le nouvel ensemble d’influences produites par les agents et l’environnement à partir de l’état courant. Ces influences sont ensuite utilisées en argument de la fonction

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Reaction. Cette dernière représente la deuxième phase de l’évolution du SMA et décrit la transition d’état de l’environnement.

∂(t) ∂(t + dt) Behavior1 Behavior2 Behaviorn Naturalw Reaction

t Phase 1 : INFLUENCE Phase 2 : REACTION 1(t)

2(t)

n(t)

w(t)

t+dt

NIVEAU MICRO NIVEAU MACRO

Figure 1.14 Schéma de l’évolution de l’état dynamique d’un système multi-agents modélisé

avec le modèle d’action IRM4S, repris de Michel (2007a).

La figure 1.14, reprise de Michel (2007a), permet d’avoir une vision temporelle des phases influence et réaction. Ainsi, contrairement au modèle d’origine, c’est l’application séquentielle de ces deux phases qui conduit à un état cohérent. D’un point de vue temporel, l’application des deux phases est instantanée. Durant le calcul de réaction, l’ensemble des tentatives d’action simultanées peuvent être prises en compte pour calculer le nouvel état du système. Ceci permet de balayer les problématiques liées à l’ordonnancement des agents et d’intégrer dans le modèle du SMA la gestion simultanée des actions.

Cette section a été l’occasion de mettre en avant les problématiques rencontrées par le domaine de la simulation de systèmes multi-agents. Nous pensons qu’un langage formel permettant de décrire les modèles associé à une méthode de spécification peut contribuer à faciliter la réplicabilité des modèles SMA et la reproductibilité des expériences numériques.

5 Positionnement et conclusion

Ce chapitre nous a permis de poser les bases de la modélisation et de la simulation en étudiant les concepts fondamentaux qu’abritent les notions de système, de modèle, de simulation ou encore de paradigme de modélisation. Nous nous sommes ensuite attardés sur le paradigme agent, qui est au centre de notre problématique, en introduisant les concepts du paradigme et les enjeux pour leur conception. Nous avons souligné l’existence de différents points de vue quant à la définition de ces concepts et aux responsabilités accordées à chaque entité d’un SMA. Nous nous sommes alors employés à utiliser des définitions consensuelles et à présenter les différentes visions qui existent au sein de la communauté SMA.

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manuscrit, nous donnons notre positionnement vis-à-vis de ces concepts et des responsabili-tés que nous accordons à chaque entité d’un SMA de façon explicite. Pour chaque entité d’un SMA, nous dédions un paragraphe dans lequel nous synthétisons les aspects qui ont le plus d’importance selon notre point de vue, et que nous utilisons comme support pour nos contributions.

Agent

L’agent doit vérifier les propriétés qui le définissent selon Wooldridge et Jennings (1995) : proactivité, réactivité, sociabilité et autonomie. Pour établir la propriété d’autonomie, l’agent doit être le seul à disposer du contrôle de son propre état (contrainte d’intégrité interne). Pour cela, nous utilisons la séparation explicite du corps et de l’esprit de l’agent. C’est à travers l’esprit (système cognitif) que l’agent perçoit l’environnement, qu’il délibère (de manière proactive ou réactive) et qu’il agit en produisant des influences, conformément à l’approche Influence/Réaction. Si l’esprit est responsable des décisions, le corps peut représenter une limite à leurs réalisations, d’abord par ses propriétés, qui caractérisent l’agent, mais également parce qu’il est soumis aux contraintes imposées par l’environnement. Il en va de même pour la perception : les propriétés du corps déterminent ce que l’agent est capable de percevoir. Le corps a donc un rôle de représentation au sein de l’environnement : c’est l’intermédiaire entre l’esprit de l’agent et l’environnement. Nous considérons cette entité comme une abstraction de première classe, au même titre que l’agent ou l’environnement.

Environnement

Selon nous, l’environnement est une entité qui joue un rôle central au sein d’un SMA. Au même titre que Weyns et al. (2006), nous lui prêtons les responsabilités suivantes :

1. L’environnement structure le système multi-agents en formant un espace partagé pour les agents et d’éventuelles ressources sous trois formes :

structuration physique, en fournissant une structure spatiale aux agents, en éta-blissant par exemple des relations topologiques et/ou en permettant de distribuer l’environnement ;

structuration sociale, qui permet d’organiser les agents pour former une société virtuelle en terme de groupes et de rôles ;

structuration des communications, en fournissant l’infrastructure permettant aux agents de communiquer de manière directe ou indirecte.

2. L’environnement peut maintenir une dynamique propre afin de représenter des proces-sus environnementaux (e.g. évaporation et diffusion de phéromones).

3. L’état de l’environnement est accessible selon la position physique ou sociale de l’agent qui l’observe, afin de respecter la contrainte de localité.

4. L’environnement est responsable de son propre état. Afin de respecter la contrainte d’intégrité de l’environnement, les agents n’effectuent pas de modification directe de l’état de l’environnement. L’utilisation du principe Influence/Réaction, permet de s’en assurer.

5. Des règles peuvent contraindre les actions des agents afin de préserver l’environnement dans un état cohérent pour les objectifs du modèle SMA. Là aussi, le principe

Influence/-s y Influence/-s t è m e Influence/-s m u lt i-agents et simulation [ 45

Réaction apporte une solution en permettant à l’environnement de réagir favorablement ou non aux influences en fonction du contexte.

Système multi-agents

Les propriétés que nous attendons du système multi-agents sont les suivantes :

possibilité de faire coexister plusieurs environnements au sein d’un même SMA (Soulié,

2001), afin qu’un agent puisse être plongé dans de multiples environnements, physiques et/ou sociaux ;

la dynamique structurelle doit être possible, afin de matérialiser les aspects dynamiques d’un SMA, tel que la création ou la destruction d’entités ou l’évolution des interactions ; permettre la gestion d’actions simultanées afin d’éviter les problématiques liées à l’ordonnancement des agents (Lawson et Park,2000) ;

permettre de représenter des SMA multi-niveaux, en donnant la possibilité de considérer le SMA comme un agent dans un SMA de niveau supérieur.

La dernière partie de ce chapitre nous a permis de mettre en avant l’intérêt de l’utilisation des méthodes formelles pour la définition d’un modèle de simulation basé sur le paradigme agent. Afin d’orienter notre choix d’un formalisme adapté à la modélisation de SMA, nous effectuons dans le prochain chapitre un état de l’art des différents formalismes de modélisation et de simulation, ainsi que des différents travaux formels concernant les systèmes multi-agents. C’est sur la base de ces définitions que notre approche sera construire. Dans le chapitre suivant, nous présentons de manière plus concrète la notion de formalisme, identifié comme essentiel pour favoriser une description univoque des SMA.

Chapitre II

F O R M A L I S M E S P O U R L A

S P É C I F I C A T I O N D E M O D È L E S

Sommaire

1 Introduction . . . . 47 2 Formalismes de modélisation . . . . 48

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