• Aucun résultat trouvé

Sédentarisation d’une partie de la famille

ENVIRONNEMENT ÉCONOMIE

Équitable SOCIAL

développées, d’où le leitmotiv « Penser au niveau global, agir au niveau Local » (Delaporte et Follenfant, 2002).

Figure 16.Les trois pôles interdépendants du développement durable

52. Agriculture durable

L’agriculture est une composante importante du développement durable, non seulement en raison de son lien fonctionnel avec le territoire et le fait qu’elle mobilise les ressources, mais aussi parce quelle constitue une activité nécessaire pour la production des denrées alimentaires et la génération des revenus. Par rapport aux ressources naturelles, l’agriculture peut être un facteur aggravant de dégradation (exemple pollution des nappes phréatiques, production de méthane etc.) ou une voie de solution (stockage de carbone, entretien de la biodiversité).

Bonny (1994) définit l’agriculture durable comme une agriculture qui « peut durer parce qu’elle ménage son environnement et sauvegarde à long terme ses propres capacités de production ». Il s’agit d’une agriculture qui contribue à la conservation des terres, des eaux, du patrimoine génétique. Elle utilise dans cette optique des moyens sans danger pour l’environnement, techniquement bien adaptés, économiquement viables et socialement acceptables. Pour la mise en œuvre d’une agriculture durable, Landais (1998) propose un cadre opérationnel. Les rapports de l’agriculture avec son environnement sont classés en quatre catégories (Figure 17) :

- le lien social : qui renvoie à l’insertion des agriculteurs et de leur famille dans le réseau de relations non marchandes, relations avec les autres agriculteurs comme avec l’ensemble des autres acteurs sociaux ; il sera question pour moi des réseaux sociaux, des mécanismes de coordination aussi bien horizontale que verticale entre les différents acteurs ;

- le lien économique : qui renvoie à la capacité à produire des revenus assurant l'avenir de l'exploitation ; il y a en filigrane la question du marché et de l’insertion de l’activité productive des exploitations dans la ou les filière(s) en amont et en aval, à travers notamment les produits qu’ils mettent sur le marché ; pour l’ensemble des classes d’acteurs considérés, je m’intéresse à l’aptitude de leur activité à procurer des revenus marchands susceptibles d’assurer le maintien et si possible le développement ;

Figure 17. Les exploitations agricoles dans leur environnement : quatre types de relations cruciales pour un développement durable

Source : Landais (1998)

- le lien intergénérationnel : qui traduit la capacité que révèle un système à se transmettre d'une génération humaine à l'autre, étant entendu que cela peut se faire de manière très différente selon les sociétés, les lieux et les époques. A travers les récits de vie des acteurs de la filière, je chercherai à identifier les évolutions possibles ;

- le lien écologique ou environnemental : qui renvoie à l’aptitude du système à valoriser les ressources sans les épuiser, les dégrader ou hypothéquer leur potentiel de renouvellement, à s'insérer dans le milieu sans le polluer, à respecter sa capacité productive (sa fertilité) et sa biodiversité.

Ces différents liens permettant de structurer l’analyse, il est nécessaire de définir les critères correspondants, qui vont permettre de décliner et d’évaluer la durabilité des exploitations et de construire un référentiel. Landais (1998) propose un modèle générique (Figure 18). Ce modèle repose sur quatre piliers : viabilité, vivabilité, transmissibilité et, reproductibilité. La "viabilité" qui est fonction des revenus que l’exploitation obtient de façon autonome par ses performances technico-économiques des activités agricoles qui sont menées, les systèmes d’appuis (subventions, primes) ou les activités extra-agricoles qui sont conduites par les membres de l’exploitation. La durabilité dépend de la sécurisation à long terme des différentes sources de revenus.

La "vivabilité" qui traduit la qualité de vie de l'exploitant et de sa famille. La vivabilité dépend à la fois de la capacité de l’exploitant et de sa famille à maîtriser le fonctionnement du système et à assumer les risques encourus d’une part, et d’autre part à gérer des facteurs exogènes telle que l'insertion dans les réseaux professionnels locaux, l'entraide, l'accès aux services et les relations de proximité d'une manière générale.

Lien inter-générationnel Lien social Lien économique Lien écologique Exploitation agricole

Reproductible Durable Transmissible Viable Vivable Lien intergénérationnel Lien social Lien écologique

Figure 18. Les quatre piliers de la durabilité des exploitations agricoles Source : Landais (1998)

La "transmissibilité" qui est très liée à la qualité des relations sociales et économiques et à la place de l'agriculture dans la dynamique locale de développement. L'image de l'activité agricole, la représentation dans la société locale des métiers de l'agriculture et des modes de vie des agriculteurs, les valeurs qui lui sont associées sont en effet des facteurs déterminants de la motivation des jeunes à reprendre les exploitations. L'enjeu, c'est l'emploi agricole, la place de l'agriculture dans la société rurale et plus globalement l'avenir de l'agriculture elle-même.

La "reproductibilité" qui repose sur les composantes environnementales : la qualité écologique des pratiques agricoles, leurs effets sur les ressources naturelles et leurs conséquences à plus ou moins long terme. La reproductibilité induit une forte relation homme-nature et homme-territoire, ainsi qu’une certaine diversité et adaptation au milieu des systèmes de production et des itinéraires techniques, de manière à minimiser les risques sur l’environnement.

Toutes les lignes précédentes sur la durabilité des exploitations d’éleveurs sont également valables, avec évidemment des déclinaisons différentes, pour les activités des autres agents de la filière bovine.

53. Les voies de l’agriculture durable

La définition de l’agriculture durable ainsi que le modèle proposé par Landais représentent des cadres d’action, dont la mise en œuvre peut présenter plusieurs modalités suivant les acteurs et les contextes. Ainsi, plusieurs types de politiques, de « paquets technologiques » ou d’ensembles de pratiques relevant peu ou prou du domaine de l’agriculture durable ont été développés. On peut évoquer entre autres : l’agriculture biologique qui est basée sur une non utilisation des intrants chimiques dont les effets sont souvent néfastes pour l’environnement ; l’extensification qui a été préconisée notamment dans les pays où les systèmes intensifs étaient dominants, et la Révolution Doublement Verte (RDV). Cette dernière théorie présente un intérêt particulier pour le Nord Cameroun où l’écologie est plus ou moins fragile, contrastant avec la nécessité de l’augmentation des performances des exploitations pour répondre à la croissance de la demande est avérée.

La RDV est entendue par rapport au concept de Révolution verte (RV) que Griffon (2006) définit comme l’ensemble des techniques (génétique, utilisation de produits chimiques) et

des politiques qui ont permis à partir de 1970 en Asie et partout dans les pays tropicaux d’accroître de manière exceptionnelle les rendements. Ainsi entendue, la RV inclut aussi la révolution agricole qu’ont connue les Etats-Unis et l’Europe après la deuxième guerre mondiale. Dans le domaine des productions animales, le progrès technique basé sur l’amélioration génétique, l’amélioration de l’alimentation et une protection sanitaire renforcée, entre autres, a permis de raccourcir les cycles de production, globalement d’accroître la productivité des animaux et les performances technico-économiques des exploitations.

Si l’ensemble des mesures qui forment la révolution verte ont permis un accroissement rapide de la production agricole pour répondre à une augmentation de la demande, il n’en demeure pas moins que ces mesures qui engendrent une artificialisation du système ont aussi produit des effets néfastes et présentent des limites (dégradation et pollution de l’environnement, crises sanitaires, perte de rusticité etc.).

La Révolution doublement verte, veut corriger ces écarts à travers la promotion des systèmes qui permettent de produire en « harmonie avec la nature ». Le but de cette révolution est donc de renouer dans tous les cas avec des régimes de fonctionnement viables, tout en faisant face à l’évolution de l’accroissement des besoins alimentaires tel qu’il se manifeste aujourd’hui et qu’il se manifestera dans l’avenir. Plutôt que le rendement maximum sous conditions optimales, la RDV vise un rendement satisfaisant à moindre coût économique et écologique. La recherche des systèmes alternatifs plus productifs et accessibles à moindre coût constitue une préoccupation pour les pays du Sud où la pauvreté est prégnante.

Le concept de développement durable me permettra non seulement de formaliser les résultats de ma recherche, mais aussi d’aborder la question de la prospective en terme de voies d’évolution possibles. Comment les pratiques actuelles des acteurs garantissent ou, au contraire, hypothèquent le devenir des exploitations ? Autrement dit, est-ce que l’insertion marchande accrue des éleveurs, qui signifie aussi l’intégration des lois du marché dans leurs stratégies, ne risque pas de fragiliser davantage leurs exploitations ? Auront-ils les capacités appropriées pour gérer les effets néfastes liés à une plus grande connexion dans les circuits marchands. Pour aborder ce questionnement, je m’appuierai sur le concept de vulnérabilité. 6. La vulnérabilité commerciale des exploitations d’élevage

Cutter (2003) définit la vulnérabilité comme la probabilité qu’un individu ou un groupe d’individus soient exposés ou endurent une menace donnée. C’est l’interaction entre les menaces provenant de l’environnement et le profil social des communautés. D’autres auteurs (Finan et al., 2002) relèvent que la vulnérabilité doit aller au-delà de l’indication de l’exposition aux risques des effets néfastes liés à un changement donné ; intègrent également le niveau de sensibilité, et les capacités d’adaptation du système considéré aux effets négatifs engendrés par l’occurrence de ce risque. Le concept de vulnérabilité se rapproche de celui de résilience, laquelle est définie comme un type d’équilibre pour un système et l’aptitude de ce système à faire face à la perturbation, c'est-à-dire de retrouver son stade initial après le choc, ou le nombre de perturbations nécessaires pour faire passer le système à un autre stade d’équilibre (Milestad, 2003).

A la différence de la résilience qui met l’accent sur la capacité du système à retrouver son stade initial après une perturbation, la vulnérabilité met en exergue les capacités d’adaptation aux éventuels effets néfastes engendrés par la modification du milieu. L’adaptation ne signifiant pas le retour au stade initial, mais plutôt le développement de nouvelles stratégies qui permettent de résorber les effets négatifs engendrés par le

changement (Polsky et al., 2007). Ainsi comprise, la vulnérabilité a trois composantes: i) l’exposition à la menace, c'est-à-dire les effets liés à la variation de l’environnement (physique ou socio-économique) ; ii) la sensibilité à cette menace, c’est le degré auquel le système est affecté par la source de vulnérabilité, que ce soit de façon favorable ou défavorable et ; iii) les capacités d’adaptation à cette menace, qui traduit l’aptitude pour le système à modifier ou à changer ses caractéristiques pour mieux faire face ou à anticiper une contrainte (Brooks, 2003).

Les causes de vulnérabilité sont externes et internes par rapport au système considéré. Dans le domaine des sciences biophysiques (exemple : changement climatique) les causes externes sont privilégiées tandis qu’en sciences sociales, on considère que ce sont d’abord les propriétés internes du système qui déterminent sa vulnérabilité (Brooks, 2003). Dans tous les cas, Fussel (2007) relève que le concept doit être contextualisé, avec des précisions sur les causes de vulnérabilité, la nature de la préoccupation, le système considéré et, la menace.

Très usité par les chercheurs, politiques et autres communautés de professionnels qui s’intéressent à la problématique du changement environnemental global (Fussel, 2007), le concept de vulnérabilité montre son utilité pour la conduite des travaux sur la transformation et la durabilité des agricultures (Brugere et Lingard, 2003 ; Dufumier, 2004). Il me paraît opérant pour traiter la question de l’insertion marchande des systèmes d’élevage. D’emblée, je considère les pratiques des éleveurs comme un compromis entre leurs projets (facteurs internes) et les caractéristiques de leur milieu (facteurs externes) ; le milieu est compris ici comme englobant les ressources naturelles et les éléments humains et culturels ; les localisations d’éléments structurants de la filière (marchés, outils tels qu’abattoirs, services…) y sont considérées. Les pratiques des éleveurs évoluent selon leurs objectifs et les transformations du milieu.

Je pose que l’insertion marchande accrue des éleveurs peut être un moyen de réussir la transformation de leurs exploitations, bien que cette connexion au marché puisse aussi rendre leurs exploitations plus vulnérables. Je définis cette vulnérabilité commerciale comme la probabilité, pour une exploitation d’élevage engagée dans une dynamique de forte connexion au marché de subir, et de ne pas être en mesure de maîtriser ou de s’adapter aux conséquences néfastes de cette insertion marchande (Djamen et al., 2008). Cette vulnérabilité peut être liée à l’environnement socio-économique de l’exploitation (l’évolution de la demande et des prix sur le marché ; la disponibilité et l’accessibilité aux intrants ; l’organisation et le fonctionnement de la filière, dont notamment les relations avec les acteurs en aval) ou à l’exploitation même (structure ; pratiques et stratégies de l’éleveur).

L’application se fera sur les systèmes d’élevage, qu’il s’agisse du type extensif avec une forte dépendance au pâturage naturel ou du type en voie d’intensification et qui s’installe dans la zone urbaine. Mais je m’inspirerai également de ce concept pour apprécier les activités des autres agents dans la filière, et plus globalement de l’approvisionnement de Garoua en viande. La sécurité alimentaire est conditionnée par la durabilité des systèmes d’élevage qui représentent la base productive, mais aussi par la sécurisation et le développement des activités des agents en aval dans la filière.

CHAPITRE 4. DEMARCHE METHODOLOGIQUE ET DISPOSITIF