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Entretien mené auprès de Alain Absire, président de la Sofia

Annexe 1

Entretien mené auprès de Alain Absire, président de la Sofia

Alain Absire est un romancier, récompensé par le ​Prix Femina ​pour son roman ​L’Égal de Dieu ​aux éditions Calmann-Lévi. Il a également été le président de la SGDL de 2002 à 2006.

“Je pense qu’il est important de considérer la relation auteur-éditeur d’après l’angle du contrat d’édition et du partage de la valeur. C’est ce dont il a d’ailleurs été question lors des derniers ​É​tats généraux du livre, et cela a d’ailleurs provoqué quelques bravades.

Mais il faut être vigilant, car le statut de l’auteur ne se résume pas à ces deux points, c’est aussi de la situation sociale de l’auteur dont il est question. Il est fondamental d’évoquer la réforme de la retraite et de la CSG, il s’agit d’une révolution complète du statut de l’auteur. Ce sont des sujets qui ne sont que peu évoqués dans les débats. Pourtant, la question de savoir qui va s’acquitter des charges patronales est importante. Nous nous dirigeons aujourd’hui vers

une prise en charge par l’​É​tat de cette charge, accompagnée éventuellement d’une

augmentation de la cotisation diffuseur, qui reste aujourd'hui très minime.

Un autre point important est l’information systématique des auteurs au sujet de l’exploitation de leur œuvre. Aujourd’hui, les éditeurs n’ont pas du tout systématisé ces pratiques. Il y a eu des avancées sur la reddition de comptes, mais ce n’est pas encore suffisant. Je sais aussi qu’il a été question de créer des sorties de caisses qui permettraient aux éditeurs et auteurs de consulter le nombre d’exemplaires, à l’exemplaire près, qui génère des droits. Cela est tout à fait faisable et existe déjà en Grande-Bretagne.

Votre sujet peut aussi faire appel à la problématique de surproduction. Notamment en ce qui concerne l’autoédition, car cela pose la question de la visibilité. L’éditeur est nécessaire pour vendre les ouvrages et capter l’attention du lecteur. Lorsque l’on parle de surproduction avec les éditeurs, ils sont toujours d’accord, mais ils semblent attendre que leurs confrères changent leurs pratiques les premiers. Nous sommes bloqués dans un système de présence continuelle. C’est d’ailleurs un sujet qui touche aussi les libraires.

Enfin, l’accord-cadre qui a donné lieu en 2013 au nouveau contrat d’édition est une étape importante. Bien qu’il reste de nombreuses choses à faire, comme avec la question du partage de la valeur que j’évoquais tout à l’heure, c’est la preuve qu’il est possible de dialoguer.

Je trouve que les relations entre auteurs et éditeurs se sont tout de même améliorées depuis quelques années, lorsque j’étais à la SGDL la situation était plus complexe. Aujourd’hui, il est possible de discuter même si cela reste parfois difficile car il existe des tensions. Si vous rassemblez dans une salle 180 auteurs pour parler du partage de la valeur, vous pouvez être à peu près certain que le ton montera, comme lors des Etats généraux du livre. Il est vrai qu’il n’y avait pas beaucoup d’éditeurs présents mais ils étaient tout de même représentés par Vincent Montagne, président du SNE ou encore le PDG d’Albin Michel, Gilles Haéri. Cependant, cela reste plutôt des rassemblements d’auteur. À ma connaissance, les rencontres dans des lieux neutres ne sont pas fréquentes, et bien souvent elles nécessitent la présence de l’Etat comme arbitre.

La situation des auteurs est compliquée car c’est un métier qui n’est pas une profession, et une profession qui n’est pas un métier. Les auteurs qui vivent de leur plume sont très minoritaires, et c’est une position périlleuse. D’autant que les choses ont changées. Lorsque j’ai commencé, en littérature générale, on parlait de succès à partir de 15 000 exemplaires vendus, alors qu’aujourd’hui, à 5 000 exemplaires nous sommes satisfaits.

Tout ceci n’est pas que la faute de l’éditeur, c’est un problème de société. Sans doute faudrait-il réfléchir plus loin que la rémunération des auteurs. Il s’agit de redonner le goût de la lecture aux jeunes, c’est à mon avis sur ce point qu’il faut travailler. Le CNL organise des actions dans ce sens, notamment avec Partir en livre par exemple. On parle beaucoup de la Jeunesse et de la Bande-dessinée, mais ce sont des secteurs qui ont aussi du mal à vendre.

Au sujet des rencontres, il en existe déjà, notamment organisées par le CPE. Dans l’idée que vous avez eu d’un cycle de rencontres, il y a une chose qui est intéressante. Le CNL est un opérateur du ministère de la Culture, et sans l’intervention de l’Etat les

discussions risquent de ne pas avancer. D’ailleurs, ils travaillent justement à un rapport sur le partage de la valeur dans l’Édition pour le prochain Salon Livre Paris. Cela devrait relancer les discussions sur le sujet.

Je pense qu’un cycle de rencontres serait surtout une bonne idée symboliquement, mais il faut déterminer une chose : qui représente les éditeurs ? qui représente les auteurs ? Pour les éditeurs, c’est simple car il n’y a qu’un syndicat. Mais du côté des auteurs, il y a un très grand panel d’interlocuteurs. C’est pour cette raison que le CPE en rassemble un certain nombre, mais il y a aussi la Ligue, qui est plus revendicatrice. Ce type de rencontre devrait rassembler tous les types de maisons et d’auteurs. C’est pourquoi le rôle de rassembleur du CNL est important. Je suis convaincu que les grands sujets ont besoin de cette intervention pour avancer. En effet, les discussions ont déjà lieu mais elles n’ont pas de cadre et ne sont pas neutres.

Pourtant, il arrive que l’on tombe d’accord comme avec l’accord-cadre de 2013. Pour cela il faut des rencontres tripartites avec les pouvoirs publics, c’est nécessaire pour pouvoir acter les décisions légalement et les rendre efficaces. Passer par le CNL serait donc une manière d’élargir les questionnements et de parler des points de solidarité entre auteurs et éditeurs. Ils existent, si nous n’avions pas de points de convergence, nous n’existerions pas. »