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Journaliste indépendant, spécialiste des questions sociales et des quartiers, producteur de l’émission Périphéries sur France Inter, rédacteur en chef et animateur de l’émission

Bondy Blog café diffusée sur LCP et l’un des responsables du Bondy Blog.

■ Pourquoi tant de clichés sur les jeunes dans les médias?

Probablement parce que la jeunesse est souvent dans les médias cantonnée à un domaine prédéterminé. On illustre avec des jeunes des sujets sur les études, la galère, les jobs d’été, les stages, les quartiers… mais on y arrive avec des a priori qui ne laissent que peu de place à la (re)découverte du «continent jeune». Tout le monde a été jeune donc tout le monde est persuadé de savoir ce que cela signifie de l’être en oubliant parfois le temps qui passe et le fait que les réalités changent.

■ Quels sont les points forts du prix Stop aux clichés?

Le prix Stop aux clichés a au moins deux avantages à mes yeux: la composition de son jury et son mode de sélection. La composition du jury fait de ce prix une récompense décernée par des lecteurs, des auditeurs ou des téléspectateurs jeunes qui décident entre eux, selon leurs critères, des reportages à primer en dehors de toutes les contingences de la profession. Le fait que les reportages soient sélectionnés en dehors de tout processus de candidature assure de son côté une grande diversité à cette «compétition». J’ai accepté d’en être le parrain parce que le travail mené par les jeunes dans le cadre de ce prix me paraît être parfaitement libre et d’une grande qualité. Être le parrain du prix Stop aux clichés n’est pas un exercice contraignant. Il suffit juste de recommander aux membres du jury de laisser s’exprimer leur libre arbitre. Et, en la matière, les surprises sont toujours agréables. De plus les différents prix remis me laissent penser que les jeunes membres du jury ne souhaitent ni «positiver», ni réhabiliter, ni récompenser une image d’Épinal de la jeunesse… Ils attendent simplement de nous que nous racontions leur réalité telle qu’ils la ressentent, la vivent ou la redoutent. En cela, le prix nous permet a

posteriori de savoir que nous avons «tapé» juste au regard d’un public averti de jeunes. ■ Éduquer les jeunes aux médias, est-ce une solution pour faire changer les pratiques journalistiques?

Bien sûr qu’il faut éduquer les jeunes aux médias… et les éduquer c’est d’abord leur permettre d’accéder à un bouquet le plus large possible. Si nos lecteurs, auditeurs, télés- pectateurs sont avertis et exigeants, ils seront les meilleurs freins pour nous empêcher de nous laisser aller parfois à la facilité et les meilleurs lanceurs d’alertes pour nous aider à faire taire nos a priori ou nos certitudes. Je ne suis pas enseignant. Il me semble que de nombreux profs font cela très bien. La question que je me pose souvent, lorsque je rencontre des lycéens, c’est le peu d’attirance qu’ils ont pour les médias «traditionnels». À titre personnel, je crois que nous devons nous efforcer de temps en temps d’embarquer avec nous des jeunes dans le cadre d’une coproduction de l’information. Accepter un rôle de média au sens littéral, c’est-à-dire que nous devons simplement rendre acces- sible au grand public une parole qui n’est pas forcément «formatée» pour l’expression médiatique traditionnelle. Aider les jeunes à dire ou à écrire pour qu’ils puissent parfois «s’emparer» de médias grand public et généralistes. C’est en tout cas dans ce sens que j’ai essayé de mener les opérations dont je me suis occupé tant pour RFI que pour France Inter lors de la journée spéciale Tous au poste en 2006.

■ La solution est-elle une question de formation des journalistes?

La formation des journalistes me paraît d’assez bonne qualité. C’est plus le flux de l’info qui est à interroger. La majorité des journalistes serait à mon avis volontaire pour s’emparer de sujets plus décalés, plus «magazines», mais le temps manque souvent et les rédactions en chef sont parfois plus conformistes que la réalité du terrain ne permettrait de l’être.

■ Pourquoi est-ce si difficile de parler de certains sujets dans les médias (banlieues, jeunes, économie sociale et solidaire, par exemple)?

Certains sujets comme ceux que tu évoques sont assez transversaux et ne relèvent pas d’un service identifié dans les rédactions ce qui rend leur présence plus aléatoire. D’autre part, sur ces sujets, les journalistes ne sont que peu sollicités. Les jeunes, les banlieues ne bénéficient pas des services d’attachés de presse qui alertent ou poursuivent les journa- listes pour les convaincre de s’emparer du sujet. Il faut que l’actu se déchaîne (émeutes en banlieue, manifestations lycéennes) pour que les rédactions se décident à enquêter sur ces groupes sociaux.

■ Certains sujets n’intéressent-ils pas le public?

C’est ce que disent certains. Pour ma part je pense que certains sujets ont du mal à s’inscrire dans les formats habituels ou à trouver leur place dans les «cases». Pour autant la diversité des sujets traités est quand même grande.

L’expérience du Bondy Blog café montre au contraire qu’il est possible de faire une émission politique pertinente avec des jeunes, dans un quartier populaire et sans «gros» moyens… Pourquoi est-ce finalement un tel défi de réaliser de telles émissions alors que le résultat est plus intéressant que la plupart des autres productions et que les interviewés semblent ravis?

Nous avons voulu à travers cette émission permettre à des jeunes de s’inviter sur le terrain du débat politique de la présidentielle. À nos yeux ils ne sont pas des prétextes, des témoins jeunes mais des intervieweurs à part entière. Pour cela nous avons insisté sur la préparation et nous accompagnons les jeunes dans le cadre du Bondy Blog. On a coutume de leur répéter que l’on «peut tout dire mais pas n’importe comment». Nous leur demandons de nourrir leurs questions de leur expérience personnelle pour essayer de demander aux politiques des réponses concrètes ou des prises de position de principe. Pour les aspects pratiques, le Bondy Blog café est effectivement un sacré défi. Sans le «coup de folie» de Paul Rozenberg, le directeur de Zadig productions, et la volonté de LCP, cette émission ne serait pas aujourd’hui à l’antenne sous cette forme. Le plan de financement de cette expérience, qui est autant citoyenne que journalistique, est aujourd’hui loin d’être bouclé. Notre visibilité économique ne va pas au-delà du début d’année prochaine. Si nous ne trouvons pas de partenaires rapidement nous serons obligés «d’éteindre la lumière et de couper le son». Ce serait dommage que ce travail effectué par les jeunes et les questions qu’ils essayent de porter ne soient plus entendus mais effectivement cette émission relève du défi… Défi journalistique que nous avons au moins partiellement réussi à relever, mais aussi défi économique qui, lui, est plus délicat.

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