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IV. 1.3 AUTRES ELEMENTS TRACES (ET)

IV.1.3.3. Enrichissement et origines des ET

Les résultats précédents ont permis de déterminer la teneur en ET dans les sédiments des rivières Zio et Haho sans avoir une idée précise de la contribution des sources naturelles et des apports anthropiques comme source potentielle de contamination. En effet, la teneur totale en ET déterminée ne fournit pas d’identification sur la nature et de l’intensité d’une éventuelle contamination et la détermination de le teneur extractible n’est pas un élément suffisant pour apprécier la contamination, même si l’on sait que les contaminants vont se retrouver essentiellement dans cette fraction. En effet, on peut aussi retrouver dans ces phases extractibles des ET d’origine naturelle qui viennent de l’altération chimique des minéraux et qui sont ensuite lessivés et adsorbés sur les phases particulaires. Pour y arriver et appréhender quantitativement la contribution des sources anthropiques, le concept de facteur d’enrichissement ou EF (en

anglais : Enrichment Facteur) a été proposé pour discriminer les apports anthropiques des

sources naturelles, et ainsi définir l’intensité de la contamination. L’EF a été conçu pour des études de pollution métallique dans des tourbières (Shotyk, 1996). Sa conception a été inspirée par analogie à des indices de météorisation, ces indices utilisent la comparaison entre les éléments mobiles et des éléments dits conservatifs. L’élément conservatif est utilisé pour quantifier le gain d’un élément dans un produit d’altération par rapport à la roche mère et ainsi définir un apport anthropique (Shotyk et al., 2000).

Le facteur d’enrichissement nous donne le taux d’enrichissement d’un élément par rapport à l’abondance de cet élément dans un matériau de référence. Le calcul du EF consiste à comparer

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la concentration d’un élément donné dans le sol ou le sédiment à sa teneur naturelle dans le fond géochimique de la zone étudiée, en procédant à une normalisation par rapport à un élément de référence non affecté par une contamination (élément normalisant). C’est le rapport d’un élément avec le normalisant divisé par le même rapport obtenu dans un matériau de référence selon la formule suivante (Chester et Stoner, 1973 ; Salomons et Förstner, 1984).

EF = ([ET]/[R] )échantillon ⁄ ([ET]/[R]) matériel de référence Équation 7 [ET] étant la concentration de l’élément étudié et R concentration de l’élément normalisant)

Dans le calcul du facteur d’enrichissement, deux étapes sont incontournables : le choix du matériau de référence et le choix de l’élément normalisant. Ces deux choix vont déterminer la fiabilité et la représentativité de l’enrichissement calculé pour un élément donné à l’échelle d’une région. Dans le cadre de ce travail, le choix de l’élément normalisant et du matériau de référence a été effectué sur la base de certains critères présentés plus bas.

Selon Sutherland (2000) le degré de l’enrichissement est défini comme suit : EF < 2 Pas d’enrichissement

2< EF < 5 Enrichissement modéré 5 < EF < 20 Enrichissement significatif 20 < EF < 40 Enrichissement très élevé EF > 40 Enrichissement extrême

Dans notre étude, en raison du risque de la variabilité naturelle des sédiments, on a fixé la limite du fond géochimique à 1,5 car nous avons pu normaliser par rapport à un matériau de référence local, permettant d’avoir moins de variabilité et une meilleure précision sur le calcul de EF. Cette limite a déjà été établie et utilisée auparavant par Roussiez et al., 2005, N’Guessan et al., 2009 et Assaker (2016) dans les mêmes conditions de normalisation.

 Choix du matériau de référence

Généralement, deux catégories de matériaux de référence sont utilisées, caractérisés par leur localisation géographique :

o un matériau non régional correspondant à une référence mondiale utilisée par la communauté scientifique. C’est le cas des matériaux de référence internationaux comme les sédiments de la croûte terrestre-UCC (Wedepohl, 1995) ou celui du shale-PASS (Taylor et Mclennan, 1985) facilement accessibles dans la littérature pour la normalisation en absence des données fiables sur la roche mère locale. Certes, ces matériaux de références sont reconnus mondialement comme concentration de référence

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dans les zones non polluées toutefois leur choix est souvent problématique pour la fiabilité des résultats (N’guessan, 2008). En effet, cette moyenne terrestre ne reflète pas toujours les concentrations des roches mères locales et peut ainsi conduire à des interprétations erronées et donc à des sous-estimations ou à des surestimations des valeurs de EF (Duce et al., 1974 ; Fang et Hong, 1999 ; Reimann et De Caritat, 2004). Néanmoins, ils peuvent être utilisé car ils permettent de comparer sur une même base l’état de contamination d’échantillons provenant, par exemple, de deux sources différentes (Shotyk et al., 2002 ; Jara-Marini et al., 2008).

o un matériau régional ou local prélevé à proximité de la zone étudiée est utilisé pour quantifier l’état de contamination de l’échantillon en référence aux teneurs naturelles locales (fond géochimique naturel local/régional). Dans ce cas, l’horizon le plus profond d’un profil de sol, ou un échantillon du matériau parental local peuvent être utilisés comme référence (Hernandez et al., 2003 ; Orescanin et al., 2004 ; Sterckeman et al., 2006 ; Tijani et al., 2006 ; Panichayapichet et al., 2007, N’guessan 2008). Toutefois, ce matériel n’est pas toujours disponible surtout dans le cas des bassins agricoles.

La sélection du matériau de référence influence donc très fortement la valeur du facteur d’enrichissement (Covelli & Fontolan, 1997 ; Hernandez et al., 2003 ; N’Guessan et al., 2009). Dans le cas des sédiments des cours d’eau du bassin versant du lac Togo, l’utilisation du sédiment du ruisseau Médjé non contaminé sera privilégiée (confère caractéristiques au point II.4.7 dans le chapitre 2).

En effet, lorsqu’on normalise la moyenne des sédiments du BVZ et BVH avec l’UCC et le PAAS (Figure 50), on observe des anomalies très significatives en As, Cr, Ni, Rb, Zr, Cd et Cs, montrant probablement un enrichissement naturel régional par rapport à ces matériaux de référence. Par contre la normalisation à partir du sédiment du ruisseau prélevé en amont de la rivière Haho montre des anomalies de moindre degré spécialement pour les Rb, Zr et Cs. La discrimination de Zr en utilisant le sédiment du ruisseau confirme que cet enrichissement dans le sédiment de fond des rivières Zio et Haho est principalement dû au substratum géologique et aux sols latéritiques qui se sont développés et enrichis en Zr lors des processus d’altération chimique (Sow et al., 2018).

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Figure 48:Normalisation des teneurs en ET dans les sédiments des rivières des bassins du Zio (en haut)

et du Haho (en bas) avec le matériel de référence local (Séd Ruisseau), l’UCC (Séd/UCC) et le PAAS (Séd/PAAS). Les données du PAAS et UCC sont de Taylor et McLennan, 1985.

 Choix de l’élément normalisant

L’utilisation d’un élément normalisant permet de corriger l’effet des processus naturels et ainsi, de rendre compte uniquement des perturbations anthropiques (anomalies). Plusieurs éléments sont classiquement utilisés pour la normalisation, et il apparaît que leur sélection doit être adaptée non seulement l’ET étudié, mais aussi au type d’échantillon à traiter. Les éléments majeurs (Al, Fe) sont souvent utilisés comme normalisant du fait de la forte affinité des ET pour les oxydes de Fe et pour les minéraux argileux qui ont une forte capacité d’adsorption (Sutherland, 2000 ; Remy et al., 2003 ; Lu et al., 2005 ; Sterckeman et al., 2006; Panichayapichet et al., 2007 ; Yay et al., 2008). Cependant, certains éléments traces ne subissant pas de contamination comme Cs, Sc, Ti, U, Zr) peuvent être utilisés comme normalisant (Shotyk et al., 2000 ; Shotyk et al., 2002 ; Hernandez et al., 2003 ; Roussiez et al. 2005 ; Hissler & Probst, 2006 ; Schulin et al., 2007 ; N’Guessan et al., 2009). Les principaux fondamentaux dans le choix de cet élément sont les 3 suivants selon Schiff et Weisberg (1999) : (i) l’élément de référence doit varier proportionnellement aux concentrations naturelles des

0 1 10 As Sn Sc V Cr Co Ni Cu Zn Ga Rb Sr Y Zr Nb Mo Cd Cs Ba Pb Th U L o g [ sé d/ m at r éf ]

Séd BVZ/ UCC Séd BVZ/ PASS Séd BVZ/Séd Ruisseau

0 1 10 As Sn Sc V Cr Co Ni Cu Zn Ga Rb Sr Y Zr Nb Mo Cd Cs Ba Pb Th U L o g [ sé d/ m at r éf ]

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éléments auxquels on s’intéresse ; (ii) l’élément ne doit pas être issus d’apports anthropiques; (iii) l’élément doit être peu ou pas influencé par les processus naturels tels que réduction/oxydation, adsorption/désorption et autres processus diagénétiques pouvant modifier ses teneurs naturelles dans les sédiments.

Pour le choix du normalisant dans cette étude, nous avons dans un premier temps réalisé une présélection parmi quatre normalisants déjà utilisé dans la littérature, notamment Al, Cs, Sc et Ti, de manière à en choisir deux qui présentent de bonnes relation avec les teneurs en ET comme Ni, Co et Cu à étudier en contexte non pollué. Dans un second temps, nous avons comparé les facteurs d’enrichissement obtenus avec ces deux éléments normalisant ayant le plus d’affinité avec les ET choisis au niveau de la station H2.

Les résultats obtenus sur la figure 51 montrent clairement que tous les 4 normalisants n’ont aucune corrélation avec le Nickel et le Cobalt. Le cuivre, par contre, présente une bonne corrélation avec l’aluminium, le césium et le scandium respectivement de 0,74 ; 0,71 et 0,62. Le titane ne présente aucune corrélation avec les ET étudiés. Le césium étant idéalement utilisés dans la littérature comme normalisant des sédiments marins (Roussiez et al., 2005 ; Ackermann, 1980), nous ne l’avons donc pas retenu parmi les normalisants que nous allons utiliser dans cette étude, à savoir Al et Sc, pour calculer EF.

Figure 49:Relation entre les concentrations en ET (Ni, Co, Cu) et les différents éléments normalisants

(Al, Cs, Sc, Ti) pour l’ensemble des sédiments étudiés dans le BVLT

R² = 0,71 0 40 80 120 160 200 0,9 1,9 2,9 3,9 [E T ] [Cs] [Cu] [Ni] [Co] 0 40 80 120 160 200 2 7 12 17 22 [E T ] [Ti] [Cu] [Ni] [Co] R² = 0,7372 0 40 80 120 160 200 50 70 90 110 130 [E T ] [Al] [Cu] [Ni] [Co] R² = 0,62 0 40 80 120 160 200 12 17 22 27 [E T ] [Sc] [Cu] [Ni] [Co]

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Les résultats présentés sur la figure 52 donnent des facteurs d’enrichissement quasi identiques qu’ils soient calculés avec Al ou Sc comme normalisant et le PAAS comme matériel de référence. En effet, en fixant la limite du fond géochimique à 1,5 (comme préconisé par Roussiez et al., 2005), pour un même échantillon, on observe un enrichissement significatif pour le Cd avec Al ou Sc. Face à cela, l’Al et le Sc peuvent être tous les deux utilisés comme élément normalisant pour le calcul du facteur d’enrichissement mais pour la suite des travaux, nous avons privilégié Sc (Grousset et al., 1995 ; Hernandez et al., 2003 ; Hissler et Probst, 2006; Salvarredy-Arranguren et al. 2008) dont les EF semble être minimal et réaliste avec la tendance observée pour les concentrations.

Figure 50 : Comparaison des facteurs d’enrichissement en ET dans le sédiment de la station Z1 en

utilisant deux éléments normalisants, Al (en orange) et Sc (en bleu)