I.4 Outils de diagnostic des piles
I.4.2 Enregistrement de paramètres de fonctionnement
Les techniques d’imagerie présentées dans le paragraphe précédent permettent de
visuali-ser la formation et l’écoulement d’eau liquide dans les éléments composant le cœur de pile.
Elles servent à affiner des modèles [KFM08,PLT
+08] ou, plus généralement, à comprendre
l’effet qu’a la présence d’eau liquide sur certains paramètres facilement mesurables tels
que la température locale, la densité de courant, la tension de la cellule ou encore la perte
de charge le long des canaux. Une fois ces relations établies, le suivi de ces paramètres
dans une cellule commerciale en fonctionnement peut devenir une méthode de diagnostic
en soi.
a. Mesure locale du courant
Wu et al. [WYW
+08a] ont décrit les différentes techniques qui existent pour mesurer les
courants locaux dans une cellule de PEMFC :
•
La méthode avec AME partiel consiste à rendre inactive une partie de la surface de la
cellule en n’y déposant pas de catalyseur. L’analyse des résultats nécessite de comparer
les mesures réalisées en régime permanent avec l’AME partiellement inactif et l’AME
de référence dont toute la surface est active.
•
Les cellules segmentées sont constituées de "sous-cellules" isolées électriquement les unes
des autres mais qui fonctionnent grâce au même AME.
•
Le joint de mesure de courant mis au point par Sun et al. [SZGL06] est constitué d’une
multitude de sondes dorées et s’insère entre la GDL et la plaque d’alimentation en gaz
de n’importe quelle cellule conventionnelle.
Parmi ces techniques, la plus répandue est la cellule segmentée dont la mise en œuvre a
donné lieu à quelques variantes technologiques.
Maranzana et al. [MLC
+08] ont utilisé une GDL segmentée à l’anode, c’est-à-dire que
des joints isolent électriquement les 20 portions de GDL, mais les relient mécaniquement.
Chaque segment de GDL est connecté à un fil doré équipé d’un capteur à effet Hall pour
mesurer l’intensité du courant produit. Ensuite, tous les fils se rejoignent pour rester au
même potentiel et fermer le circuit électrique avec la cathode de la cellule. Ces fils sont
coincés entre les segments de GDL et les canaux d’alimentation en gaz, conçus d’un seul
tenant dans une plaque transparente.
Pour la cellule transparente de Dillet at al. [DLM
+10], des segments métalliques
indépen-dants (numérotés de 1 à 18) servent à la fois de dents entre les canaux et de collecteurs
de courant comme le montre la FigureI.17et comme cela est expliqué dans le paragraphe
I.4.1. Grâce à ce dispositif, ils ont pu suivre le déplacement d’un bouchon d’eau le long du
canal. En effet, lorsqu’un bouchon est formé, la densité de courant en amont augmente et
la densité de courant en aval diminue, à cause de la variation de la concentration locale
en oxygène (voir explication plus détaillée dans le paragraphe II.5.2).
Fig.I.17 – Cellule transparente segmentée [DLM
+10].
Hakenjos et al. [HMWH04] ont conçu une cellule qui combine les deux méthodes : la GDL
est segmentée, ainsi que la plaque d’alimentation en gaz. Celle-ci est constituée d’éléments
en graphite qui sont les dents entre les canaux, maintenus par une plaque en séléniure
de zinc, matériau qui laisse passer les rayons infra-rouges, afin de mesurer localement la
température, comme expliqué dans le paragraphe suivant.
b. Mesure locale de la température
Le champ de température peut-être mesuré de deux façons différentes : grâce à une pile
segmentée ou à une caméra infra-rouge. La cellule de Maranzana et al. [MLC
+08] est
également équipée de 20 thermocouples, insérés dans les dents entre les canaux et qui
mesurent la température du gaz aussi près que possible de chaque segment de GDL.
Les cellules dont la température est mesurée par une caméra infra-rouge sont conçues
comme des cellules transparentes (cf. paragrapheI.4.1), à ceci près que la plaque fermant
les canaux d’alimentation en gaz n’est pas transparente aux fréquences visibles, mais aux
infra-rouges. Pour cela Hakenjos et al. utilisent du séléniure de zinc ZnSe [HMWH04], mais
ce matériau peut être remplacé par du verre de saphir [IHU08], ou encore du fluorure de
La cellule étudiée par Ishikawa et al. [IHU08] présente une originalité non négligeable :
la fenêtre est sur la tranche de la cellule afin de mesurer la température dans l’épaisseur
du cœur de pile, comme le montre la Figure I.18. De plus, le matériau utilisé (verre de
saphir) permet des observations à la fois dans les domaines du visible et de l’infra-rouge.
Fig.I.18 – Cellule transparente sur la tranche [IHU08].
Les différentes études disponibles montrent que la mesure de température donne des
in-dications sur la présence d’eau liquide dans la cellule, mais elle ne peut pas être dissociée
de la mesure locale de densité de courant. Lorsque l’eau liquide est totalement absente de
la cellule, une augmentation de la densité locale de courant traduit une intensification de
la réaction électro-chimique. Cela s’accompagne d’une légère élévation de la température
[MLC
+08, WGM06] due à la chaleur de réaction. Lorsque de l’eau condense et empêche
les gaz d’arriver sur les sites actifs, la densité de courant diminue. Mais paradoxalement
la température augmente davantage [HMWH04] car la chaleur latente dégagée lors de la
condensation de l’eau est transmise à la GDL. Ishikawa et al.[IHU08] ont travaillé à très
faible température pour simuler les conditions de démarrage d’une voiture en hiver. Ils ont
également observé une hausse locale, même faible, de la température lors de la formation
de glace.
c. Mesure de la tension de cellule
Lorsqu’une cellule fonctionne à intensité constante, un bon moyen d’évaluer ses
perfor-mances électriques est de mesurer sa tension. En régime stationnaire, la tension de la
cellule peut légèrement varier, mais sa moyenne reste stable.
Hussaini et al. [HW09] ont réalisé des expériences à trois densités de courant (0,2A.cm
−2,
0,5 A.cm
−2et 0,8 A.cm
−2) et pour cinq coefficients d’excès stoechiométrique compris
entre 2 et 4. Pour chaque point expérimental, ils ont mesuré la chute de tension entre
le démarrage de la cellule, lorsque les canaux sont secs, et le régime stationnaire. Ils ont
également calculé la proportion de surface active mouillée, grâce aux images qui montrent
l’eau dans le canal. Globalement, les chutes de tension les plus importantes se produisent
lorsque le canal contient le plus d’eau liquide, c’est à dire aux plus faibles coefficients
d’excès stoechiométriques. La conclusion est identique quelle que soit l’humidité relative
de l’air en entrée de cellule.
Siefert et Litster [SL11] ont fait fonctionner avec le même débit d’air des cellules de5cm
2équipées de canaux parallèles de section de passage 1 mmx0,5 mm. La seule différence
entre ces cellules est le nombre de canaux : 4, 8, 15 et 25. A même intensité, la tension de
la cellule comportant 25 canaux est très inférieure à la tension de la cellule à 8 canaux.
En effet le débit d’air, et donc sa vitesse dans chaque canal, diminue quand le nombre de
canaux augmente. L’eau liquide est difficilement évacuée et peut s’accumuler, diminuant
les performances de la cellule.
Spernjak et al. [SPA10] ont quant à eux comparé différents motifs de canaux à la cathode
dans les mêmes conditions opératoires. Les performances de la cellule équipées d’un
mono-canal serpentin sont meilleures que celles de le cellule équipée de canaux parallèles. Le
débit d’air étant plus grand dans un mono-canal, il empêche la formation de bouchons.
Dillet et al. [DLM
+10] ont mis en évidence le lien entre le bouchage d’un mono-canal par
une grosse goutte d’eau et la variation de la tension de cellule. En effet, la tension tend à
diminuer lorsqu’un bouchon se forme. Ensuite, le bouchon commence à être poussé par le
gaz, mais il grossit lors de sa progression dans le canal et la tension de la cellule continue
de diminuer tant qu’il n’a pas atteint la sortie. Enfin, la tension de la cellule augmente
brusquement dès que le gaz peut à nouveau circuler normalement. Comme la partie du
canal située en aval du bouchon n’est plus alimentée en réactif, la réaction électrochimique
ne peut plus se produire, expliquant la baisse de tension et d’intensité locale. Cet aspect
est développé dans le chapitre IV.
Siefert et Litster [SL11] ont également observé les fluctuations de la tension. Ils ont
re-marqué que la tension de la cellule équipée de 15 canaux parallèles est plus instable que
celle de la cellule à 4 canaux. C’est-à-dire que les oscillations sont moins régulières et
l’amplitude des variations est plus importante (environ 50 mV au lieu de 15 mV avec 4
canaux). Cela signifie que, lorsque le débit de gaz est plus faible, le canal reste bouché plus
longtemps, laissant le temps à la tension de diminuer de façon plus importante. Le fait
d’avoir à disposition plus de canaux, et donc des possibilités de "contourner" les bouchons
n’y change rien car les gouttes se forment dans tous les canaux à la fois.
d. Mesure des pertes de charge
L’observation des cellules en fonctionnement grâce aux techniques décrites dans le
para-graphe I.4.1 a mis en évidence le lien qui existe entre la présence d’eau liquide dans les
canaux d’alimentation en gaz et la perte de charge qui peut y être mesurée. Le chapitre
IV de cette thèse est consacré à l’étude des pertes de charge dans le canal cathodique
d’une cellule de type PEM. C’est pourquoi une brève synthèse des travaux disponibles à
Dans le document
Développement d'outils pour l'étude des écoulements diphasiques dans les canaux d'une pile à combustible de type PEM
(Page 49-53)