I.3 Recherche et développement pour la gestion de l’eau
I.3.1 Conception des éléments du cœur de cellule
Le souci croissant de gestion de l’eau dans le cœur de cellule implique de modifier la
conception des éléments qui le composent. Des modèles sont développés [GJ07, Chu09,
CPJ
+11] pour comprendre le comportement de chaque élément et leur influence sur le
noyage. Les expériences menées par la suite [CGF
+09, RD07, SPA07] complètent cette
connaissance et permettent de tester les solutions envisagées et de comparer concrètement
leurs efficacités.
a. Assemblage Membrane-Électrodes
La recherche actuelle sur les membranes vise à comprendre les mécanismes de
vieillisse-ment ou d’empoisonnevieillisse-ment pour augvieillisse-menter leur durée de vie. Même si la membrane est
l’élément central de la cellule, la gestion de l’eau dépend en grande partie des couches
poreuses qui l’entourent. La seule évolution sensible des membranes est la diminution de
leur épaisseur. En effet, les membranes les plus épaisses (175 µm pour le Nafion
R117)
ont tendance à se déshydrater à l’anode aux fortes intensités car la rétro-diffusion y est
moins efficace [FG01]. Ainsi les membranes couramment utilisées aujourd’hui sont plus
fines (30µm pour le Nafion
R211 et jusqu’à 18µmpour Gore
R).
Uchida et al. [UUHW03] ont eu une approche différente en mettant au point une
mem-brane capable de s’auto-humidifier. Les fines particules deT iO
2dispersées dans le Nafion
Radsorbent les molécules d’eau produites par la réaction électro-chimique et les libèrent
lorsque la membrane s’assèche, afin de préserver un équilibre entre l’eau libre dans la
membrane et l’eau adsorbée. Ainsi la cellule peut être alimentée en gaz secs sans voir ses
performances amoindries. Uchida et al. ont par exemple obtenu une tension de0,6V pour
une intensité délivrée de0,5A.cm
−2, ce qui est comparable aux performances habituelles
Une augmentation de la température de fonctionnement pourrait limiter l’apparition d’eau
liquide. C’est pourquoi certaines équipes s’orientent vers de nouveaux matériaux pour les
membranes qui ne se dégradent pas au-delà de 80 à 100˚C [Ram05]. Actuellement, le
matériau le plus prometteur est le polyéther-éther-cétone (PEEK). Il peut porter des
groupements acides sulfonates [ICG
+10] ou bien contenir des nanoparticules de
compo-sites [HRRP11] afin de reproduire le comportement du Nafion
Rvis-à-vis des protons.
En ce qui concerne les électrodes elles-mêmes, une avancée technologique majeure a eu
lieu au début des années 1990 [LM04]. Auparavant, les grains de carbone et de catalyseur
étaient liés par du PTFE qui rendait les électrodes hydrophobes afin d’évacuer l’eau
pro-duite. Les nouvelles techniques de fabrication comme le "film fin" ou l’électrodéposition
[LM04] ont permis de remplacer tout ou partie du PTFE par le polymère constituant la
membrane (Figure I.10). Ainsi il y a une continuité entre la membrane et les électrodes
qui facilite l’arrivée des protons sur les sites catalytiques. Depuis, de nouvelles techniques
de fabrication ont été mises au point afin de réduire encore les résistances dans les zones
de triple contact. C’est le cas par exemple de la technique d’impression décrite par
Raja-lakshmi et Dhathathreyan [RD07]. La méthode d’"électrospray" décrite par Chaparro et
al. [CGF
+09] permet quant à elle de maîtriser les quantités de polymère et de catalyseur
employées afin d’optimiser les coûts et les performances des AME fabriqués.
Cependant, les électrodes ainsi fabriquées restent des couches micro-poreuses où l’eau
produite s’accumule facilement. L’évacuation de l’eau pour éviter leur noyage doit donc
être facilitée par les couches de diffusion des gaz.
b. Couches de diffusion des gaz (GDL)
Le transport de l’eau dans les GDL est un processus complexe car il met en jeu des
écoulements souvent diphasiques dans un milieu poreux plus ou moins homogène. Pour
faciliter l’évacuation de l’eau, les GDL sont couramment traitées industriellement avec
du PTFE, matériau hydrophobe. L’optimisation de ce traitement et sa pertinence sont
discutées dans de nombreuses études.
Les études expérimentales de Park et al. et de Prasanna et al. [PSY
+04, PHC
+04] ont
montré qu’il existe une charge optimale en PTFE. Lorsqu’il est présent en trop faible
quantité, l’eau s’accumule dans la GDL et n’est pas évacuée vers les canaux. Mais en trop
grande quantité, il risque de diminuer la porosité de la couche de diffusion, rendant plus
difficile la circulation des gaz et diminuant la conductivité électrique de l’ensemble. De
plus, l’eau formée dans la couche active ne rentre pas dans la GDL, du fait de sa trop
grande hydrophobicité, et n’est pas évacuée vers les canaux, ce qui provoque le noyage de
l’électrode. La charge optimale en PTFE se situe autour de 20% [PSY
+04].
Spernjak et al. [SPA07] ont observé l’écoulement de l’eau liquide dans l’épaisseur de la
cellule pour décrire la façon dont elle est évacuée vers les canaux. Dans le cas de GDL
traitées au PTFE, des gouttelettes émergent des pores sur toute la surface et grossissent
progressivement jusqu’à être emportées par le flux de gaz, ou par d’autres gouttes déjà en
mouvement. Lorsque la GDL n’est pas hydrophobe, l’eau s’écoule le long des fibres puis
apparaît dans le canal le long des parois et s’y écoule sous forme de film. Ce mécanisme
est moins efficace car toute la surface active n’est pas utilisée pour évacuer l’eau, mais
seulement la surface de la GDL en contact avec les dents, entre les canaux. L’eau peut
donc s’accumuler dans la GDL.
Les nombreuses caractéristiques physiques de la GDL interviennent également dans la
ges-tion de l’eau et doivent être ajustées car, tout comme la charge en PTFE, elles peuvent
avoir à la fois des effets positifs et négatifs.
Ainsi la porosité doit être suffisante pour permettre une bonne diffusion des gaz [CYC03],
mais une taille de pores trop importante facilite l’accumulation de l’eau [PHC
+04].
L’épais-seur joue aussi un rôle important. D’après les résultats expérimentaux présentés par
Pra-sanna et al. [PHC
+04], la GDL doit être fine pour éviter la diminution de la concentration
en oxygène due à la diffusion et opposer une faible résistance électrique. Mais, selon ces
auteurs, une GDL plus épaisse est moins sujette à l’engorgement et présente une meilleure
tenue mécanique.
Lors du montage d’une cellule, les GDL sont comprimées à cause du serrage des plaques
bipolaires, modifiant à la fois leur épaisseur et leur porosité. Jiao et al. [JPL10] ont
étu-dié une GDL de 370 µm d’épaisseur au départ et l’ont comprimée pour qu’elle atteigne
300µm,250 µm, puis200µmd’épaisseur. Les mécanismes de diffusion des gaz et
d’écou-lement d’eau restent les mêmes, mais ils sont fortement ralentis par la diminution de
perméabilité due à la compression. Il est donc important de tenir compte de la
compres-sion lors de la définition des caractéristiques de la GDL (cf.paragraphe IV.2.3).
Nam et Kaviany [NK03a] ont développé un modèle basé sur la production théorique
d’eau par la pile en fonctionnement et l’hydrodynamique des écoulements diphasiques en
milieux poreux. Après étude de l’influence du diamètre des fibres de carbone, des forces de
capillarité et de la porosité sur la condensation de l’eau, ce modèle a permis de proposer
une conception de GDL idéale vis-à-vis de la gestion de l’eau. Cette GDL se compose de
deux couches présentant des tailles de pores différentes, ce qui correspond à une alternative
actuellement étudiée : l’ajout d’une couche micro-poreuse (MPL) entre une GDL classique
et l’AME.
c. Ajout d’une couche micro-poreuse
Comme le montre la Figure I.10, des couches de diffusion micro-poreuses, ou MPL pour
MicroPorous Layer, peuvent être insérées entre les GDL et les électrodes. Une MPL est
généralement un mélange de particules de carbone avec du PTFE déposé sur la face
in-terne d’une GDL conventionnelle [AKP
+07]. La taille des pores ainsi obtenues varie de
1à10µm, offrant un bon intermédiaire entre la GDL (10µm) et l’électrode (10à20nm).
De nombreuses études ont démontré l’amélioration des performances des cellules de type
PEM grâce à la présence de MPL. Cependant le rôle exact de cette couche
supplémen-taire à la cathode n’est pas encore bien identifié et plusieurs théories coexistent. Par la
modélisation, Malevitch et al. [MHK
+09] ont déduit les spectres d’impédance attendus
et les ont confrontés à ceux obtenus pour des cellules avec une MPL à la cathode. Ils en
ont déduit que la MPL placée à la cathode favorise le mécanisme de rétrodiffusion (cf.
Fig. I.10 – Représentation schématique des différentes couches du cœur de cellule et
photographies au microscope des couches poreuses [MHK
+09].
Spernjak et al. [SPA07] expliquent cela par la très petite taille des pores de la MPL qui
fait que la pression de la vapeur d’eau y est plus grande à cause de la condensation
ca-pillaire, créant une barrière pour l’eau liquide. Ainsi l’eau produite est repoussée vers la
membrane, ce qui facilite son transfert vers l’anode. Spernjak et al. ont formulé cette
hypothèse car, dans leurs conditions de travail, ils observent de l’eau liquide à l’anode
uniquement lorsqu’une MPL est présente à la cathode.
Atiyeh et al. [AKP
+07] rejettent cette explication trop simple. Ils ont déterminé le
coeffi-cient de partage en eau α(méthode expliquée dans le paragraphe II.3.4) dans une cellule
de100 cm
2fonctionnant à différentes intensités avec et sans MPL. La cellule fonctionnant
avec une ou deux MPL présente bien de meilleures performances et une plus grande
dura-bilité que la cellule sans MPL. Cependant la présence d’une MPL à la cathode n’augmente
pas de façon significative la valeur de αet la présence d’une MPL à l’anode fait même
di-minuer cette valeur, favorisant l’accumulation d’eau à la cathode. Ainsi d’après Atiyeh et
al. la présence des MPL est bénéfique pour les performances électriques de la cellule, mais
pas pour la gestion de l’eau. De même Holmström et al. [HILL07] arrivent à la conclusion
qu’une MPL est bénéfique à la cathode, mais n’est pas absolument nécessaire à l’anode.
Même si les mécanismes à l’œuvre sont encore méconnus [AKP
+07, HILL07],
l’inser-tion d’une couche micro-poreuse entre une GDL classique et l’AME côté cathodique
per-met d’améliorer les performances électriques de la pile. Cette amélioration passe par une
meilleure hydratation de la membrane et/ou une limitation de l’accumulation de l’eau
liquide dans la GDL côté cathode.
Dans le document
Développement d'outils pour l'étude des écoulements diphasiques dans les canaux d'une pile à combustible de type PEM
(Page 32-36)