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LES ENQUÊTES AUPRÈS DES VILLAGEOIS : PROGRAMME ET MÉTHODOLOGIE

MÉTHODOLOGIE ADOPTÉE

Nous présentons ici la méthodologie d’enquête relative aux produits sauvages comestibles. En effet, comme précisé lors de la présentation des objectifs et hypothèses de ce travail, les enquêtes sur les modes de gestion, devant aider à interpréter les données recueillies lors des inventaires nocturnes, n’ont pu être effectuées.

VIII.1. DÉMARCHE GÉNÉRALE : PROGRAMME ET QUESTIONNAIRE Les enquêtes se sont déroulées aux mois d’avril et mai, en plusieurs sessions espacées, dont une d’une durée de neuf jours consécutifs sur le terrain. Ce programme était avant tout lié à des contraintes logistiques. Nous avons néanmoins laissé le temps le plus court possible entre les diverses séances afin d’interroger tous les villageois sans qu’ils ne préparent leurs réponses en réaction aux témoignages d’autres personnes déjà interrogées.

VIII.1.1. Lieux des enquêtes et personnes interrogées

L’annexe 2 reprend les informations concernant les 31 personnes interrogées, soit leur nom, leur âge, leur sexe, leur lieu de résidence et depuis combien de temps ils y habitent, leur statut social, le nombre d’enfants dont est composé leur ménage, leur nombre de frères et sœurs, leur profession, le nom de leur fokontany et de leur VOI s’ils sont en mesure de le donner, et enfin la date de l’entretien. Ces informations étaient toujours les premières demandées lors des interviews, parce qu’elles permettent de mettre la personne interrogée un peu plus à l’aise en se présentant à nous. Elles ont aussi pour avantage de figer le contexte d’enquête pour les enquêteurs. Enfin, elles constituent des indices à l’interprétation des réponses, et à leur extrapolation à l’entièreté de la communauté.

Les entretiens ont toujours eu lieu au domicile des personnes interrogées. On peut remarquer que la plupart d’entre eux se sont déroulés avec des habitants du fokontany d’Amby, alors que seulement six d’entre eux ont eu lieu avec des villageois de Vatolaivy, et cinq avec des habitants d’Ankalalahana (figure 2, page 15). Ceci s’explique par le simple fait que nos jours de résidence ont eu lieu à Amby, et que nous avons pu y rencontrer le plus de personnes. Le fokontany d’Ankalalahana était plus proche de la route nationale et il était moins évident pour nous de rencontrer les villageois, qui semblaient plus occupés et plus absents qu’ailleurs. Aussi, nous tenions à retourner au centre du fokontany de Vatolaivy (figure 2, page 15) pour y rencontrer les personnes qui avaient collaboré lors des inventaires nocturnes afin de les remercier de leur aide. Nous en avons profité pour interroger quelques villageois dans le but de constater d’éventuelles différences entre les régions où nous avons travaillé.

VIII.1.2. Questionnaire employé lors des enquêtes

Au cours des enquêtes, nous avons toujours procédé avec le même questionnaire. Les questions sont présentées ci-dessous.

1) Pouvez-vous me parler des produits que vous récoltez dans la forêt pour votre alimentation ?

Cette question était répétée plusieurs fois en remplaçant le mot « produits » par les mots champignons, plantes, insectes et araignées. Après l’énumération de ces produits, nous passions à la question suivante.

2) Pouvez-vous me décrire les caractéristiques des produits que vous venez d’énumérer ?

Par cette question, nous voulions connaître leurs périodes et lieux de récolte, les personnes chargées de les récolter, les personnes qui les consommaient, les raisons liées à cette

consommation, la préparation dont ils faisaient l’objet, la quantité consommée et la fréquence de consommation et aussi l’existence de pratiques commerciales les concernant.

Une troisième question relative à la consommation éventuelle de Deborrea malagassa (fangalabola, Psychidae connu pour être consommé à Madagascar) était ensuite posée. Cette espèce fait en effet l’objet d’une étude dans le cadre du projet Gevabo, visant notamment à déterminer si sa soie est utilisable au même titre que celle du landibe [Florence Hecq, Communication personnelle].

3) Consommez-vous des larves ou nymphes de fangalabola?

En cas de réponse positive à cette question, nous reprenions la liste des questions descriptives concernant les ressources.

Enfin, si le landibe ne faisait pas partie des denrées mentionnées spontanément par les villageois, nous insistions avec la quatrième question.

4) Consommez-vous le landibe ?

En plus des autres sous-questions de description, nous demandions, en cas de réponse positive, si la pratique était effectuée tous les ans. En cas de réponse négative, nous voulions savoir quelles étaient les principales causes de diminution des pratiques de consommation.

VIII.1.3. Les marchés d’Arivonimamo et d’Anosibe

Dans le but de compléter nos interprétations par du concret, nous avons visité les marchés d’Arivonimamo et d’Anosibe, le marché de la capitale qui réunit la plus grande proportion des produits qui viennent de l’Ouest malgache. Nous n’avons pu récolter que très peu d’informations à Arivonimamo, de par la période inadéquate pour la vente des produits recherchés. Quant au marché d’Anosibe, nous l’avons visité une seule fois lors de laquelle nous avons très vite compris que les étrangers n’y étaient pas les bienvenus. Dans ce marché de grossistes, servant à alimenter les plus petits marchés de la capitale, on n’attend aucun vazaha (touriste européen). Pourtant, les informations qui peuvent y être obtenues sont d’une importance cruciale dans le détail des filières économiques des produits sauvages comestibles vendus.

VIII.2. BILAN DES DIFFICULTÉS MÉTHODOLOGIQUES PEU APPARENTES LIÉES AUX TERRAINS MALGACHES

En résumé, les difficultés rencontrées sur le terrain peuvent être énumérées comme suit. Nous les citerons en expliquant quelles actions nous avons entreprises afin d’en limiter les impacts.

a) La culture malgache du non-dit accentuée face à l’étranger qui inspire la méfiance.

Pour lutter contre la méfiance inspirée par notre non-appartenance aux villages, nous avons décidé de commencer par faire des visites sans aucune enquête, pour simplement s’imprégner de la vie du village, du rythme de vie des villageois, et pour qu’ils s’habituent à notre présence peu habituelle. Nous avons montré notre intérêt pour le tissage, pratique au centre du projet, en demandant à apprendre à tisser. Les tisseuses ont étés très coopératives à ce niveau et enchantées de nous transmettre leur savoir. Les villages où nous avons principalement enquêté avaient déjà fait l’objet d’enquêtes dans le cadre du même projet, ce qui a probablement facilité la coopération de leurs habitants.

b) La structure hiérarchique, les pouvoirs peu apparents, et les mises en scène connexes. Lutter contre la complexité structurelle et les pouvoirs, et contre leurs effets sur les enquêtes est tout simplement impossible. Nous savions que nous serions pris dans les mises en scène des villageois liées à ces particularités. Lorsque ces comportements de mise en scène nous apparaissaient évidents, nous nous sommes laissés faire, tout en étant conscients de la situation et en l’observant attentivement pour mieux l’interpréter.

c) Les clivages cachés et les fausses pistes.

Dans notre manière d’enquêter, nous n’avons jamais demandé à une personne de la communauté de nous indiquer qui était bien placé pour répondre à notre question. En évitant d’être redirigés vers certaines personnes, nous avons évité de ne sonder que des personnes appartenant à un même groupe d’idées autour d’un clivage, ce qui a probablement enrichi la qualité de nos informations. Nous avons interrogé les personnes disponibles et qui acceptaient de nous rencontrer lors de rendez-vous, lesquels permettaient des conditions favorables aux réponses (le temps des villageois ne leur appartient pas : c’est la vie agricole qui rythme leurs horaires ; c’est pour cela que les enquêtes à l’improviste ne peuvent se réaliser dans de bonnes conditions).

d) Les rumeurs.

Pour tenter de déceler si une réponse était personnelle ou liée aux pratiques connues d’autres villageois ou dans des régions éloignées, nous avons utilisé des questions ouvertes. Ensuite, nous avons tenté d’approfondir les réponses données par des sous-questions elles aussi ouvertes.

e) La qualité des informations fournies.

Quand la réponse « Nos ancêtres faisaient cela. » survenait, nous demandions systématiquement pourquoi, en espérant récolter une quelconque information supplémentaire intéressante. Afin de conserver le maximum des données obtenues, nous avons procédé à leur encodage sous forme de tableaux (ceux-ci sont fournis sur le CD annexé à ce travail).