• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.3 Utilisation des données de cartes à puce en transport en commun

2.3.1 Enquêtes versus cartes à puce

Selon Morency et Chapleau (2002), les données issues des enquêtes Origine-Destination constituent la meilleure source d’information disponible pour mesurer la mobilité quotidienne des Montréalais. Ces données permettent « d'obtenir un portrait global des habitudes de déplacements d'une population » (Trépanier, et al., 2008) notamment grâce à la richesse des informations collectées. Toutefois, l’essor des systèmes de collecte automatisés tel que le principe de perception par carte à puce modifie le type et la quantité de données disponibles (Utsunomiya, et al., 2006). On constate que dans la littérature, lorsqu’il est question de déterminer laquelle des deux sources de données est préférable, les avis sont loin d’être unanimes.

Le besoin de disposer de données sur des périodes de temps longues ne date pas d’hier. Axhausen et al. (2002) ont exploité les données de l’enquête Mobidrive 1999 afin « d’observer les rythmes de la vie quotidienne en détail et de capter les fréquences mensuelles au moins une fois ». Bayarma, Kitamura et Susilo (2007) ont utilisé ces mêmes données pour étudier les habitudes des usagers et les tendances de déplacement dans les transports. En effet, une analyse comportementale basée sur des données étalées dans le temps voire continues permet de saisir les tendances dans la fréquentation des transports. En ce sens, les systèmes de perception par carte à puce permettent un suivi continu de tous les usagers qui l’utilise alors que, bien qu’elles fournissent des données significatives, les échantillons de population sondés par les enquêtes restent généralement de petite taille (Bagchi & White, 2005; Morency, et al., 2007).

Une opinion répandue est que les données collectées grâce aux cartes à puce sont moins coûteuses et disponibles plus rapidement que les données d’enquêtes (Seaborn, Attanucci, & Wilson, 2009). Les principaux défauts des données d’enquêtes sont les coûts élevés engendrés, les taux de réponses faibles qui ont encore tendance à décroître, ainsi que des biais et erreurs occasionnés pour différentes raisons (Barry, Newhouser, Rahbee, & Sayeda, 2002; Reddy, Lu, Kumar, Bashmakov, & Rudenko, 2009; Trépanier, et al., 2008; Utsunomiya, et al., 2006). Les données d’enquêtes ont tendance à être biaisées car la contribution humaine est plus grande que pour les données de cartes à puce dont les critères sont prédéfinis et enregistrés automatiquement (Bagchi & White, 2004). Parmi les biais et erreurs engendrés figurent notamment la difficulté à déchiffrer les différentes écritures (Reddy, et al., 2009), les écarts entre les taux de réponse selon le type d’usager ou encore la diminution du taux de réponse sur le trajet retour due au fait que les usagers sont moins enclins à remplir une nouvelle fois un questionnaire (Barry, et al., 2002). De nombreux auteurs se sont attelés à la comparaison entre les enquêtes et les cartes à puce en s’appuyant sur des données réelles issues de ces deux sources. D’après ces études, on peut identifier trois conclusions possibles : les données de cartes à puce peuvent remplacer les données d’enquêtes, les deux sources de données sont complémentaires et les données d’enquête doivent être utilisées pour valider les données de cartes à puce (les deux dernières reviennent plus ou moins au même selon les auteurs). Seaborn, Attanucci et Wilson (2009) qui ont comparé les données Oyster Card (carte à puce en usage à Londres) aux données de l’enquête annuelle LTDS (London Travel Demand Survey) se prononcent en faveur des données de cartes à puce en raison des faibles divergences obtenues. Reddy et al. (2009) parviennent à la même conclusion quant au métro de New York, bien qu’ils concèdent que la carte à puce n’est pas sans défaut. Cependant, bien que la carte à puce fournisse des informations riches sur les comportements de déplacement des usagers, il existe toujours des problèmes pour conduire les analyses seulement à partir de ces données (Utsunomiya, et al., 2006). Bagchi et White (2004, 2005) s’opposent radicalement à l’idée initialement répandue selon laquelle la carte à puce peut remplacer les enquêtes. Selon ces deux auteurs, les données d’enquêtes et celles collectées grâce aux cartes à puce sont complémentaires et les sources de données utilisées doivent correspondre à l’usage que l’on souhaite en faire :

« the key question is what data source will play the lead role and what data sources will play the complementary role for any given process or analysis. The roles will differ according to the analysis being undertaken and the nature of the variables of information that need to be captured for that analysis. »19

En effet, au Royaume Uni, la longueur de trajet doit être connue pour des procédures de remboursement de certains usagers. La carte à puce n’étant généralement pas validée au lieu de débarquement, les informations doivent être récoltées par le biais de sondages (Bagchi & White, 2004, 2005). Dans le cas où les lieux de débarquement et les correspondances sont inférés selon différentes méthodes, les données d’enquête doivent être utilisées pour valider les résultats obtenus (Bagchi & White, 2005). Les deux auteurs font de plus remarquer que le but des trajets ne peut être connu que grâce aux enquêtes et que les données de cartes à puce ne prennent pas en compte les usagers occasionnels qui n’utilisent pas ce support. Barry et al. (2002), suite à une étude concernant le métro de New York, font également le choix d’utiliser des données d’enquête en complément des données collectées par les cartes à puce. Trépanier, Morency et Blanchette (2008) adoptent également l’idée de la complémentarité des deux sources de données, invitant à ne pas sous-estimer la valeur des données issues d’enquêtes:

« En effet, d'un côté, les enquêtes ménages comportent des biais statistiques reconnus dus à des sous-échantillonnages, des non-réponses, la méthode utilisée, etc. Cependant, elles fournissent des données essentielles sur les caractéristiques sociodémographiques des usagers, sur leurs lieux de domicile et d'activités et sur la structure de leur ménage. D'autre part, les données provenant de systèmes de cartes à puces ne sont pas parfaites. Elles souffrent quelquefois des erreurs liées au système en lui-même (équipements, bases de données) et aux impondérables du réseau (voyages décalés, détours, etc.). De plus, par souci d'extrême confidentialité bien légitime, aucune information nominale n'est disponible sur les usagers et seules les cartes sont analysées. »20

19

Bagchi, M., & White, P. R. (2004). What role for smart-card data from bus systems ? Proceedings of the Institution of Civil Engineers: Municipal Engineer, 157(1), 39-46.

20

Trépanier, M., Morency, C., & Blanchette, C. (2008). Les systèmes de paiement par cartes à puces: un complément aux enquêtes origine-destination? 43e congrès annuel de l'Association québécoise du Transport et des routes, Québec, 20 pages.

Ainsi, la prépondérance des données de cartes à puce sur les données d’enquêtes est à nuancer bien que cette technologie élargisse de manière certaine les possibilités d’analyse quant à la fréquentation des transports collectifs.