5.4 La g´ en´ eration d’harmoniques d’ordre ´ elev´ e comme sonde de la dyna-
5.4.2 ENLOS (Extreme Non-Linear Optical Spectroscopy)
Nous avons vu que le rayonnement harmonique poss`ede des caract´eristiques int´
eres-santes, dans le but de sonder une dynamique, comme source d’impulsions XUV ou ultra-br`eves.
Il est ´egalement possible d’analyser le spectre harmonique lui-mˆeme pour remonter `a
des informations structurelles, statiques ou dynamiques, d’un syst`eme atomique ou
mo-l´eculaire. La g´en´eration d’harmoniques est un processus dans lequel le paquet d’ondes
´electronique se propage dans le continuum `a des distances ´elev´ees du cœur ionique apr`es
l’ionisation tunnel. Lorsque la recombinaison a lieu, on peut consid´erer le paquet d’ondes
libre comme une sonde de l’´etat ´electronique du syst`eme, par interaction avec la
fonc-tion d’onde li´ee. C’est cette interaction entre ces fonctions d’onde qui porte l’information
structurelle.
Lors de la recombinaison du paquet d’ondes ´electronique sur le noyau ce dernier
pos-s`ede une longueur d’onde de de Broglie (λe = h/p ⇒ λe[ ˙A] ≈ 12.26/qEc[eV ]) d’autant plus petite que l’´energie cin´etique accumul´ee dans le continuum est grande. Il est courant
d’obtenir des ´energies cin´etiques de plusieurs dizaines d’eV, conduisant `a des longueurs
d’onde de de Broglie inf´erieure `a 2 ˙A. Cela permet d’obtenir une tr`es bonne r´esolution spatiale, typiquement celle d’une orbitale.
Lorsque les ´electrons g´en´erant les diff´erentes harmoniques recombinent sur le cœur
io-nique, ils auront pass´e des temps distincts dans le continuum. Cela permet d’encoder dans
le spectre de chaque harmonique une information diff´erente sur la dynamique ayant eu
lieu entre l’instant d’ionisation et de recombinaison, et ce, en un seul spectre. Cette tech-nique se nomme PACER (Probing Attosecond dynamics by Chirp Encoded Recollision) [Baker 06].
La reconstruction tomographique des orbitales de N2 [Itatani 04,Haessler 10] est
cer-tainement l’une des exp´eriences les plus remarquables r´ealis´ees en ENLOS. La
reconstruc-tion des orbitales de ce diatomique a ouvert la voie `a d’autres exp´eriences dont notamment
le suivi de la dynamique de dissociation de Br2 [W¨orner 10]. Pour l’instant la taille des
syst`emes est limit´ee mais les syst`emes ´etudi´es vont tendre `a se complexifier dans l’avenir
au travers de nouveaux outils exp´erimentaux et th´eoriques.
Pour toutes les ´etudes structurelles (dynamiques ou statiques) l’avantage de travailler
`
a des longueurs d’onde dans le domaine infrarouge moyen est consid´erable. En effet, il est
possible de diminuer l’´eclairement de g´en´eration, permettant ainsi de moins fragmenter
des syst`emes mol´eculaires de faible IP, tout en g´en´erant une quantit´e d’harmoniques suf-fisante. De plus, l’harmonique de coupure est d´ecal´ee vers les hautes ´energies. La partie
5.3 r´esume cela.
45. D’autres techniques, comme les portes de polarisation, permettent la g´en´eration d’impulsion atto-seconde unique en ayant une polarisation lin´eaire (donc optimisant la g´en´eration) dans un laps de temps donn´e, plus court que l’impulsion totale [Corkum 94, Altucci 98,Constant 97,Sola 06].
Dans le chapitre qui suit, nous traitons de l’´etude d’un minimum structurel qu’est le minimum de Cooper dans l’argon. Cette ´etude nous permettra de v´erifier que la g´en´eration
d’harmoniques est bien sensible `a la structure atomique ind´ependamment des param`etres
exp´erimentaux, mais aussi de construire un mod`ele th´eorique fiable pour l’interpr´etation
des donn´ees issues des spectres harmoniques. Les chapitres suivants montrerons que la
Chapitre 6
Mesure du minimum de Cooper dans
le spectre harmonique de l’Argon
Pour utiliser la g´en´eration d’harmoniques d’ordre ´elev´e comme sonde de la dynamique mol´eculaire il faut d’abord nous assurer qu’elle est sensible `a la structure ´electronique d’unatome ou d’une mol´ecule, et comprendre comment cette information est contenue dans
le spectre. Dans ce chapitre, nous montrerons comment les harmoniques, tout comme la photoionisation, peuvent encoder une information structurelle telle que le minimum de
Cooper. La position du minimum dans l’argon sera ´etudi´ee en fonction de la variation
de diff´erents param`etres exp´erimentaux. Des mod´elisations th´eoriques fid`eles ont pu ˆetre
d´evelopp´ees au laboratoire notamment par Baptiste Fabre et Bernard Pons.
Le minimum de Cooper correspond `a un minimum dans la section efficace totale de
pho-toionisation. Ce minimum porte le nom du scientifique qui a d´ecouvert et mod´elis´e ce ph´ e-nom`ene au d´ebut des ann´ees 1960 [Cooper 62], par l’´etude de la section efficace totale
d’io-nisation des orbitales de Valence de gaz nobles et d’ions m´etalliques. Ce minimum pour la
photoionisation, dans l’argon, se trouve entre 48 et 49 eV : [Marr 76,Chan 92,Samson 02]
(voir figure6.1).
Dans le chapitre introductif `a la g´en´eration d’harmoniques d’ordre ´elev´e nous avons montr´e que le processus de recombinaison ´etait un processus analogue `a la photoionisation. Ici nous allons montrer que le spectre harmonique encode cette information structurelle de l’argon tout comme la section efficace totale de photoionisation.
Analogie entre la photoionisation et la recombinaison
La section efficace totale de photoionisation est proportionnelle au module au carr´e de
l’´el´ement de matrice de photoionisation et est d´efinie par :
σ ∝ |dIP|2 avec dIP = hΨe× Ψion| r.E |Ψneutrei (6.1)
o`u r.E = D qui est l’op´erateur dipolaire ´electrique.
Le minimum de Cooper en photoionisation dans l’argon est dˆu `a un moment de
tran-sition dipolaire nul entre la fonction d’onde p du fondamental et la fonction d’onde d de l’´electron photoionis´e `a une ´energie de photon de 48-49 eV. Si le minimum n’est pas une
Figure 6.1: Section efficace totale de photoionisation de l’argon mesur´ee par [Marr 76] et [Samson 02]
absence compl`ete de signal cela est li´e au fait que le moment de transition dipolaire n’est pas nul entre la fonction d’onde p du fondamental et la s de l’´electron photoionis´e de 48-49
eV (la transition peut ˆetre d’une orbitale de sym´etrie p vers d, mais aussi d’une orbitale
de sym´etrie p vers s).
Pour la g´en´eration d’harmoniques d’ordre ´elev´e, l’´el´ement de matrice de recombinaison peut ˆetre d´efini par46 :
dRec = hΨneutre| D |Ψe× Ψioni = d∗IP (6.2)
o`u Ψe, Ψion et Ψneutre repr´esentent respectivement les fonctions d’onde de l’´electron ´emis,
de l’ion et du neutre.
La recombinaison, qui est la derni`ere ´etape du mod`ele de g´en´eration d’harmoniques d’ordre ´
elev´e, est donc un processus dont les caract´eristiques physiques sont tr`es proches de la
photoionisation. Le signal harmonique est d´efini par [Le 09] :
S(ω) = W (E, ω).|dRec|2 (6.3)
Avec W (E, ω) le flux d’´electrons qui recombinent, d´ependant de la pulsation ω et du
champ ´electrique E. Le spectre harmonique est donc proportionnel `a |dRec|2 = |dIP|2. Le lien entre la photoionisation et la recombinaison est donc ´etabli. Des diff´erences sont tout
de mˆeme `a noter entre la GHOE et la photoionisation. En effet la g´en´eration
d’harmo-niques d’ordre ´elev´e est un ph´enom`ene r´egi par un champ fort qui peut avoir une influence sur ce minimum. De plus la g´eom´etrie de l’interaction est diff´erente, ce qui peut ´egalement
avoir une importance. C’est ce que nous allons voir dans la partie6.3.
6.1. Dispositif exp´erimental mis en œuvre au CELIA 119