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I. Les apports de la transhumance

I.2. Enjeux pour le milieu

I.2.1. Maintien de l’esprit collectif

Le pastoralisme pyrénéen est marqué par le caractère collectif. Les troupeaux sont le plus souvent menés collectivement et sont, soit sous la garde de bergers salariés, soit sous la surveillance des éleveurs eux-mêmes (Eychenne, 2006). C’est l’occasion de nombreux rassemblements où les éleveurs s‘entraident et sont aidés par des amis ou de la famille : la tonte, le parage, la montée en estive, les visites au troupeau, la descente de la montagne…

Ces journées sont l’occasion d’accomplir à plusieurs des tâches souvent longues et difficiles, de faire un bon repas, de se retrouver autour des troupeaux. Elles rythment l’année de l’éleveur et de son troupeau, mieux que ne le font d’autres repères plus conventionnels, et sont souvent attendues avec impatience.

111 I.2.2. Activité identitaire

« [Le pastoralisme] n’est pas que de la technique, de l’économie, de l’environnement. Il a aussi une dimension culturelle forte, porteuse d’identité sociale pour les éleveurs et les bergers. »

Jean-Pierre Legeard ; président de l’Association Française de Pastoralisme et directeur du Centre d’Etudes et de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée (Legeard, 2009).

La pratique de la transhumance est un élément majeur de l’identité des éleveurs. Elle requiert de la ténacité, de la rusticité, de l’endurance, en plus d’une connaissance parfaite de la montagne. Mais elle accorde aussi une certaine liberté aux éleveurs tout comme aux animaux, contrairement aux élevages de type intégré qui se développent de nos jours. Les éleveurs et leurs troupeaux ne sont pas seulement des agents d’entretien des zones montagnardes touristiques. Ils y sont toute la saison, que le temps soit propice ou non, que le climat soit favorable ou pas. Leur survie en dépend. Il en résulte un fort attachement à cette estive qu’ils considèrent comme « chez eux ». Il en ressort également du ressentiment quand des décisions sont prises sans prendre en compte leur activité et leurs besoins. Certaines décisions, notamment celles concernant la réintroduction de l’ours, sont vécues comme une mise en cause de leur pratique et donc de leur légitimité sur ces espaces qu’ils valorisent depuis des générations (Eychenne, 2006).

De plus, au-delà d’un métier, être berger est un mode de vie et une philosophie. Parfois cela peut se révéler très dur. En plus du relief qui fait de chaque visite au troupeau un exploit sportif, les pertes dues aux accidents ou aux prédateurs peuvent être lourdes et les conditions de travail difficiles, avec de nombreux facteurs non maitrisables (climat, mouvement des animaux, ressource disponible, touristes …). Mais la montagne le rend bien. Pour celui qui aime ses hauts sommets et ses paysages escarpés, amener ses bêtes en estive est la récompense d’une année de travail et l’accomplissement d’un travail familial. Chaque visite au troupeau est l’occasion de retourner dans « sa montagne » pour renouer avec le véritable métier d’éleveur et de berger. Le départ se fait très tôt, quand le soleil n’est pas encore levé. Après avoir laissé la voiture, l’ascension commence pour rejoindre la cabane. Là, le berger s’octroie une pause pour manger un peu, remplir sa gourde à la source dont il connait par cœur l’emplacement, rechercher le troupeau dans la montagne avec les jumelles. Il va ensuite retrouver ses bêtes. Si le gros de la troupe est souvent ensemble, quelques brebis vont être récupérées dans des zones où aucun sentier n’existe, des endroits connus seulement des

112 bergers, des brebis et des isards. Une fois parquées dans le parc de tri, c’est l’heure des soins. Chaque bête est regardée, examinée, retournée. Elles sont ensuite comptées, moment toujours particulier dans l’attente de savoir si le troupeau est au complet ou non. Du sel est ensuite distribué aux abords de la cabane. Le berger et son équipe peuvent alors se restaurer, au milieu des brebis qui vont boire au ruisseau, avant de repartir tranquillement dans la montagne qui les accueille saison après saison.

I.2.3. Aménagement du territoire : entretien et valorisation de l’espace

« Il n'y a pas de place dans la haute montagne pour le fantastique, parce que la réalité y est par elle-même plus merveilleuse que tout ce que l'homme pourrait imaginer. »

(Daumal, 1952).

Les régions de montagne ont des atouts importants : richesse en eau, diversité et particularités biologiques et culturelles … Ces atouts en font des espaces touristiques de premier ordre. Ces régions ont un secteur primaire (principalement l’agriculture) avec une place prépondérante dans l’économie, même s’il génère de plus faibles revenus qu’ailleurs (Martin et al., 2014). L’existence et l’entretien des espaces de montagne sont liés à la charge de bétail qu’elle accueille. En l’absence de troupeaux, l’herbe reste haute et à l’approche de l’hiver, favorise les avalanches, la friche et la progression des broussailles, la disparition des sentiers et rend difficile l’accès aux randonneurs. Dans les estives sous-utilisées, les refus se développent et envahissent l’espace, suivis par l’installation de la strate arbustive (Lassausse, 1980). L’agriculture montagnarde, en entretenant les paysages naturels et façonnés par l’homme, et en maintenant le tissu rural, est le garant de l’attractivité des territoires et du maintien des activités économiques, notamment du tourisme. En tant que système agricole basé sur un faible recours aux intrants, il peut être qualifié d’activité agro-écologique (Benkahla et Mason, 2017).

I.2.4. Les externalités du pastoralisme

Le terme « externalité » est employé lorsqu’une activité de production a des effets sur des acteurs extérieurs à la filière et qu’aucun des acteurs concernés ne reçoit ou ne paye une compensation pour ces effets. Ceux-ci échappent complètement ou partiellement au marché et aux dispositifs publics.

113 Le pastoralisme façonne l’espace montagnard depuis des milliers d’années. Les modes d’usage et de gestion collective permettent le maintien des prairies ainsi que les habitats et paysages ouverts de montagne. Par son action sur l’estive, il crée donc des externalités positives : entretien de l’espace et du paysage, contribution à la biodiversité, maintien du tissu socio-économique rural, participation à la protection contre les risques, témoignage culturel et identitaire, préservation du patrimoine naturel et culturel.

Dans les années 1970, le pastoralisme a donc bénéficié de dispositifs publics de soutien pour son rôle sur l’espace et la vie en montagne (GIP-CRPGE, 2014b).

I.3. Enjeux économiques

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