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Enjeux et problèmes du développement des TIC

IV. Perspectives

1. Enjeux et problèmes du développement des TIC

Les TIC, on l’a vu, ne peuvent pas être considérées comme intégrées dans le système éducatif français. Recouvrant une réalité encore mouvante où les systèmes logiciels occupent une place croissante, elles procèdent encore souvent d’une innovation dont le “front” s’est déplacé, depuis le micro-ordinateur, d’abord excep-tion puis objet quasi-banal, vers des technologies de l’informaexcep-tion aux potentialités encore inexplorées, à la recherche de leur public et d’un marché. Par ailleurs, la mise à l’épreuve du modèle de l’informatique pédagogique a révélé des poten-tialités mais aussi des limites, des contraintes et, finalement, des bénéfices pour les élèves difficilement mesurables.

La pression politique, qui retraduit et oriente une demande sociale toujours hésitante, s’exerce maintenant vers des thèmes “porteurs” comme les multimédias, qui sont effectivement en train de se diffuser dans la société, principalement dans le domaine des loisirs, ou vers celui des outils technologiques de gestion de la distance comme les réseaux de communication à haut débit (qui font l’objet de la métaphore efficace des “autoroutes de l’information”1).

1 La métaphore n’est toutefois généralement pas filée jusqu’à prendre en compte les questions, pourtant critiques, des bretelles d’accès et des barrières de péages.

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Sans doute y-a-t-il, comme hier, des effets de mode, mais on perçoit également des enjeux liés à la diffusion d’outils de traitement automatique éventuellement à distance de grandes masses de données. Enjeux industriels (notamment dans le domaine des télécommunications), sociaux (en particulier dans le domaine de l’emploi et de l’aménagement du territoire), culturels. Ce dernier point, d’ailleurs peut-être le moins perçu, est des plus importants : le cas de l’audiovisuel a montré que les programmes (au sens large) portent la marque du contexte où ils ont été élaborés et exercent une influence plus ou moins forte sur le domaine culturel. Tout système d’information reflète et véhicule un point de vue sur le monde.

Le courrier électronique est par exemple un moyen efficace de transmettre rapidement de l’information à distance à de nombreux correspondants. Mais les systèmes couramment disponibles, sur des réseaux comme INTERNET, ont été conçus pour communiquer en anglais et ne permettent pas d’écrire en employant de manière simple les caractères accentués1. Concernant le développement des grandes bases de données, un enjeu important est non seulement celui de la constitution des bases, mais aussi celui des points d’accès possibles à l’information que les concepteurs ont ménagés aux utilisateurs. La façon dont le thésaurus a été constitué exerce des effets à longue portée.

De manière générale, il est assez bien établi que la gestion d’objets immatériels nécessite une formation, non seulement aux outils, mais aussi à des notions et des concepts communs entre les différents outils et invariants entre les différentes versions d’un même produit (cf. par exemple les contributions à Baron et Baudé, 1992).

Le système éducatif doit donc résoudre des problèmes nombreux et difficiles en tenant compte de données qui lui sont extérieures. Comment peut-il par exemple intégrer des dispositifs incomplètement socialisés ? Comment rester en phase avec une évolution technologique qui n’en finit pas de promettre des bouleversements, et qui tient souvent une partie de ses promesses ? Comment donner à tous les jeunes accès à ce qui, encore maintenant, est perçu comme “l’avenir”, même si ses épiph-anies actuelles ne provoquent pas toujours l’enthousiasme (c’est parfois le contraire) ? Comment anticiper les évolutions à venir ? Comment faire en sorte

1 Cela est possible, mais il est nécessaire de passer par un artifice comme le fait d’«attacher» au “mail” des fichiers de textes comportant des accents.

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qu’aux potentialités des outils correspondent des réalités tangibles, homogènes entre les différentes écoles ?

Un des problèmes majeurs (et très ancien) est alors celui des sorties de la phase expérimentale. Le processus de diffusion est lent et facilement contrarié par les contraintes ordinaires de l’organisation scolaire. Comment capitaliser les acquis d’une phase d’innovation quand que de nouveaux dispositifs, dotés de fonction-nalités différentes, plus attractives, sont apparus et ont démodé les précédents ?

Cette question pose notamment celle de l’existence d’un marché. Lors de chaque phase de développement, où l’enjeu était la socialisation d’un ensemble d’instru-ments et de démarches, sont apparus des problèmes d’organisation d’un marché de biens éducatifs multi-médias, public et subventionné ou bien libre et fonctionnant selon les principes de la concurrence. Le problème était d’industrialiser les procédés artisanaux jusqu’alors mis en œuvre. Redoutable problème. Des marchés viables se sont constitués dans le domaine de l’audiovisuel (essentiellement récréatif et culturel), ainsi que dans le champ des logiciels (essentiellement professionnels et ludiques), mais pas encore dans celui des multimédias éducatifs.

Comme le relève Alain Chaptal (Chaptal, 1993), un des grands problèmes du multimédia est celui de la normalisation des dispositifs techniques. Le monde de l’audiovisuel, habitué à des échelles de temps relativement longues, raisonne en termes de normalisation de chaînes de production de documents, tandis que celui de l’informatique prend pour seule valeur commune la loi d’un marché à l’évolution incertaine où «le concept moteur reste celui de l’initiative particulière d’un industriel qui, à travers sa solution personnelle, son système “propriétaire” cherche à s’emparer du marché ou d’un segment de celui-ci» (p. 208). De plus, il est probable que la création d’un marché suppose également la création de standards dans les procédures de description de situations pédagogiques et dans les instruments d’implémentation multimédia de celles-ci (Baron et al, 1990 ; Quéré, Baron, Le Meur, 1990).

Bien des questions restent à résoudre, dont la solution peut éclairer des décisions politiques mais dont la formulation même dépend de la façon dont le pouvoir politique réagit à des évolutions perçues en termes d’enjeux et les retranscrit en priorités de recherches faisant l’objet de programmes d’action et d’attributions de crédits. Dans ce processus, beaucoup dépend d’initiatives prises par des acteurs

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situés à des positions stratégiques à des moments critiques, donnant des orientations et fédérant autour de leurs idées des communautés1.

Mais, bien sûr, les initiatives individuelles ne prennent sens qu’une fois validées au sein de systèmes régis par des logiques institutionnelles, qui conduisent, une fois reconnues des priorités, à opérationnaliser des décisions de principe. Il existe alors une chaîne de conditions nécessaires à la création au développement puis à l’intégration de nouveaux dispositifs techniques dans l’éducation.