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1.  S’OBSTINER A LES RECHERCHER :

En raison de la grande variabilité phénotypique inter et intrafamiliale pour une même mutation, il n’existe aucun signe clinique ou paraclinique spécifique des laminopathies ni des autres formes familiales. Néanmoins il existe plusieurs signes évocateurs tant sur la présentation clinique initiale que sur la séquence évolutive pathologique.

Au sein de notre sous-groupe de laminopathie, on avait constaté une très forte prévalence des troubles conductifs concernant tous les malades, avec trois quart de BAV 1 sur l’ECG préimplantatoire.

Van Berlo et al., au moyen d’une méta-analyse, avaient aussi constaté l’apparition précoce, entre 20 et 30 ans, de troubles conductifs type dysfonction sinusal ou bloc auriculo-ventriculaire, fréquemment associés à des arythmies supra-ventriculaires (ACFA, flutter), alors que les patients étaient asymptomatiques et qu’ils n’avaient pas encore de CMD (19). En 2008, Pasotti et al. avaient confirmé cette forte prévalence des BAV au sein de leur cohorte de laminopathies (67% des patients atteints) et en faisait un marqueur caractéristique et évolutif des cardiolaminopathies avec un délai d’apparition de 7 ans en moyenne avant la CMD (21).

2.  L’INTERET DIAGNOSTIQUE ET PRONOSTIQUE DU

BILAN GENETIQUE :

Dans notre étude la rentabilité du bilan génétique était faible avec seulement 36% de mutations identifiées au sein des CMD familiales, mais comparable aux données de la littérature (18). Il existe à l’heure actuelle plus de 450 mutations incriminées, mais elle ne concerne qu’une minorité de cas (à peine 5% des CMD) la plupart étant propre à chaque famille(16). Même si l’intérêt diagnostique du bilan génétique dans la CMD est mince par comparaison au cardiomyopathie hypertrophique, il est surtout d’intérêt pronostique dans la recherche des mutations des gènes LMNA et de la Desmine (DES) associées à un haut risque de mort subite (15). Aussi l’identification récente du gène de la Titine dans la pathogenèse des CMD familiale promet une utilité croissante du bilan génétique dans le diagnostic étiologique des CMD pour les années à venir.

3.  LES GENES INCRIMINES DANS LA PATHOGENESE

DES CMD FAMILIALES :

Dans notre cohorte, la totalité des mutations identifiée concernaient le gène LMNA. En 2015, Akinrinade et al. avaient cherché à étudier les anomalies génétiques impliquées dans les CMD, mais aussi leur prévalence et leurs conséquences phénotypiques. Parmi les mutations identifiées, le gène de la Titine (TTN) était le plus fréquemment incriminé avec une prévalence de 17%, devant le gène LMNA (8%), et est aujourd’hui la principale cause, génétique, des CMD (18). Ce gène code pour la protéine Titine, la plus grande protéine humaine avec plus de > 33 000 acides aminés, et > 60 000 mutations possibles, impliquée dans l’élasticité du sarcomère.

Ce gène TTN est aujourd’hui un challenge dans la difficulté de son analyse, l’identification de ses mutations pathogènes et leurs conséquences phénotypiques (107), mais aussi un espoir de progrès diagnostiques et thérapeutiques dans les CMD familiales pour de nombreux chercheurs et médecins. D’autres mutations concernant des gènes communs au CMH pour la plupart, ont aussi été identifiés : MYH7, DES, TNNT2, DMD, TPM1, DMPK, SCN5A, SGCB et TNNI3(16).

4.  CAS

PARTICULIER

DES

MUTATIONS

SPORADIQUES :

Par la même étude, Akinrinade et al. avaient identifié 40% de CMD liées à des mutations sporadiques, c’est-à-dire des mutations de novo alors que le patient n’avait aucuns antécédents familiaux de CMD. Ces cas concernaient plus fréquemment le gène TTN. Dans le groupe des laminopathies avérées, ces cas sporadiques représentaient 25% des mutations(18). Cette proportion non négligeable de patients, jusqu’alors non diagnostiqués par l’absence d’antécédents familiaux et pourtant d’aussi mauvais pronostic rythmique, a amené la Société Européenne de Cardiologie à étendre les indications du bilan génétique en 2016, aux cas de CMD isolées avec des signes suspects d’anomalies génétiques sporadiques tels qu’un bloc auriculo-ventriculaire ou une élévation des CPK (7).

5.  LE BILAN GENETIQUE EN PRATIQUE :

Dans notre groupe de CMD familiale, un peu plus d’un tiers des patients n’avait pas eu de bilan génétique, et le diagnostic avait été posé sur les antécédents familiaux de mort subite et/ou de CMD avérée. La totalité de ces cas avait été diagnostiqué avant 2012, et les trois quarts avant 2010.

L’introduction du test génétique dans le bilan des CMD familiales n’est que récente avec les recommandations américaines de 2009(108), et était considérée, à l’époque, de grade B. Aussi, même si l’indication et la réalisation du bilan génétique dans les cardiomyopathies hypertrophiques sont bien admises et entrées dans les pratiques, c’est encore hésitant pour les CMD et cela bien que les recommandations aient évoluées (classe I). Ces données expliquent certainement que plusieurs malades du groupe des CMD familiales n’aient jamais eu de bilan génétique au moment du diagnostic ou à posteriori.

6.  ENJEU PRONOSTIQUE ET THERAPEUTIQUE DU

DIAGNOSTIC DE CMD FAMILIALE :

A travers nos résultats confortés par les données de la littérature, les CMD familiales, et surtout les laminopathies sont de très mauvais pronostic rythmique comme hémodynamique et de progression rapide avec une pénétrance âge dépendante. Bien que la plupart soit héréditaire, il existe une proportion certaine et non négligeable de forme sporadique dont l’évolution est tout aussi sombre. S’obstiner à rechercher et identifier ces malades par une enquête familiale rigoureuse sur 3 générations associée à la recherche de troubles neuromusculaires et d’anomalies conductives auriculo-ventriculaires surtout, et d’une élévation des CPK, doit faire partie intégrante du bilan systématique des CMD, d’autant plus si aucune étiologie n’a été identifiée. La réalisation du bilan génétique doit faire partie intégrante de la démarche diagnostique de la CMD avec des indications très élargies (Classe I) au vue de l’impact pronostic de certaines mutations (gène LMNA et gène de la desmine) et de la proportion de cas sporadiques.

Tout comme pour les CMH, les médecins doivent être sensibilisés à l’importance d’identifier ces patients à haut risque de complications cardiaques. Au-delà de l’enjeu diagnostic, l’intérêt est surtout thérapeutique et préventif avec de larges indications de DAI, un dépistage familial systématique et impact majeur dans la prévention du risque rythmique.