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serait pas raisonnable de commenter les différences entre les deux spectres concernant la largeur ou la forme des bandes de résonance du fait de la simplicité des modèles utilisés pour le calcul. Toutefois, on remarque que la bande de résonance dans le cas du mélange (« l’alliage ») est située aux plus basses énergies que celle correspondant au core-shell. Si une modification de la structure de l’agrégat est responsable de l’évolution des spectres d’absorption au cours du temps, cela signifierait que les atomes de nickel et d’argent dans l’agrégat, initialement ségrégés, ont eu tendance à se mélanger. Cette hypothèse paraît peu probable compte tenu des considérations thermodynamiques précédemment exposées relatives au mélange Ni-Ag.

Figure IV-6 : Calcul classique du spectre d’absorption pour une sphère homogène

(Ni0,5Ag0,5)n (trait épais) ou pour une

sphère à deux couches concentriques (cœur de nickel, peau d’argent) de même stœchiométrie (trait fin) en matrice diélectrique de constante diélectrique 2,7 (rappelons qu’il s’agit approximativement de la valeur de celle de l’alumine poreuse).

Nous avons envisagé une seconde hypothèse : les agrégats ont pu s’oxyder dans l’échantillon, malgré la conservation sous vide primaire et la protection par une couche d’alumine poreuse. L’oxygène peut provenir de l’extérieur de l’échantillon, mais également de la matrice elle-même, puisqu’elle est sur-stœchiométrique en oxygène (cf. chapitre I). L’argent est connu non seulement pour mieux résister à l’oxydation que le nickel, mais également pour diffuser facilement l’oxygène21, ce qui laisse supposer que c’est plutôt le nickel qui est oxydé dans l’agrégat mixte.

1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5

3,10 eV

2,90 eV

(Ni

0.5

Ag

0.5

)

n

Absorption (unités arbitraires)

Energie (eV)

"Alliage"

La Figure IV-7 présente les parties réelle (en bas) et imaginaire (en haut) de la fonction diélectrique de l’oxyde de nickel NiO, issues de la référence 22. La partie réelle est très différente de celle du nickel (qui était proche de celle d’un métal simple de type Drude) puisqu’elle est positive et présente un maximum autour de 3,8 eV. La partie imaginaire est également très différente de celle du nickel : elle est nulle jusqu’à 3,5 eV puis augmente brusquement. Un spectre pour un agrégat d’oxyde de nickel ne présente donc pas d’absorption avant 3,5 eV. Il est donc évident que l’oxydation du nickel va modifier le spectre d’absorption des agrégats mixtes nickel-argent.

Figure IV-7 : Fonction diélectrique

2 1+iε ε =

ε de l’oxyde de nickel NiO

d’après la référence 22.

Dans un premier temps, on suppose que seuls les atomes de nickel proches de l’interface avec l’argent sont oxydés. Nous avons donc réalisé des calculs classiques de l’absorption pour une sphère (Ni0,5Ag0,5)n oxydée en matrice de constante diélectrique 2,7 (symbolisant l’alumine poreuse), constituée d’un cœur de nickel, d’une couche interne d’oxyde de nickel d’épaisseur variable et d’une couche externe d’argent. Plus l’agrégat est oxydé, plus l’épaisseur de la couche d’oxyde est importante. Et puisque le nombre d’atomes de nickel et d’argent est constant dans la sphère, alors l’agrégat est d’autant plus gros qu’il est oxydé. Les résultats de ces calculs sont présentés sur la Figure IV-8 pour une sphère de 3,5 nm de diamètre sans oxydation et pour des sphères avec une couche d’oxyde de 0,27 à 2,22 nm d’épaisseur, ce qui correspond à un pourcentage atomique de NiO compris entre 3,7 % et 28 %. 0 1 2 3 4 5 6 2 4 6 8 10 ε1 Energie (eV) 0 1 2 3 4 5 6 7 ε2 NiO

Figure IV-8 : Calcul classique du spectre d’absorption pour une sphère (Ni0,5Ag0,5)n en matrice de constante diélectrique 2,7 (alumine poreuse) constituée d’un cœur de nickel, d’une couche d’oxyde de nickel et entouré d’argent ;

Ag Ni NiO

NiO

p0 = + + .

Les spectres calculés présentent une large bande d’absorption vers 3 eV, attribuée à la résonance plasmon de surface. L’énergie de résonance plasmon de surface diminue quand l’oxydation dans l’agrégat augmente. Ce phénomène n’est pas lié à un éventuel effet de la taille des nanoparticules (qui grossissent quand l’agrégat s’oxyde) sur la résonance, puisque les effets de taille ne sont pas pris en compte dans le calcul. Il est donc vraisemblablement dû à l’oxydation des atomes de nickel au voisinage de l’interface avec l’argent quand les films d’agrégats en matrice « vieillissent ». On voit également que la bande plasmon de surface est élargie et amortie quand la proportion d’oxyde augmente dans la sphère. On ne retrouve pas ce phénomène de façon aussi nette dans les spectres expérimentaux, ce qui peut être expliqué par le fait que les spectres expérimentaux sont déjà élargis et amortis en raison des effets inhomogènes (distribution de formes, d’environnement…) dont on a déjà parlé dans les

2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5

p

O

=28%

p

O

=20%

p

O

=15%

p

O

=7%

p

O

=0%

p

O

=3,7%

(Ni

0,5

Ag

0,5

)

n

Absorption (unités arbitraires)

Energie (eV)

Ag

Ni

chapitres précédents. Lorsque la sphère comporte une forte proportion d’oxyde, la bande de résonance est très élargie et devient même pratiquement invisible, et une autre bande plus fine vers 3,7 eV apparaît sur le spectre, ce qu’on ne retrouve pas expérimentalement. En conclusion, on peut dire que si un phénomène d’oxydation se produit à l’interface entre les deux métaux, il reste néanmoins assez faible (quelques % en atomes).

Nous avons aussi effectué des calculs classiques dans l’hypothèse où le cœur de l’agrégat est constitué d’un alliage de nickel et d’oxyde de nickel, ce qui correspondrait physiquement à une situation pour laquelle l’oxydation ne serait pas localisée à l’interface avec l’argent. Dans ce cas, la bande de résonance est énormément déplacée vers les basses énergies (vers 2 eV) et ne se situe donc plus dans la bonne gamme d’énergies. Cette hypothèse doit donc être rejetée.

Enfin, il est possible que l’oxydation ait provoqué une démixtion des éléments des nanoparticules, c’est-à-dire qu’elle se soit séparée en deux gouttelettes. Dans ce cas, on s’attend à voir sur les spectres d’absorption une bande de résonance plasmon de surface due à l’argent seul23-25, le nickel pur ne présentant pas de bande de résonance plasmon de surface, ce qui n’est pas le cas : la bande de résonance du spectre le plus récent est très élargie par rapport à l’argent pur (même de petite taille).

Une étude similaire a été réalisée pour des agrégats mixtes (Ni0,75Ag0,25)n. Bien qu’il soit difficile de commenter les spectres car la bande de résonance est particulièrement peu marquée, le plasmon est encore moins net quand le temps passe, ce qui peut encore être une marque de l’oxydation. Les mesures sur les échantillons contenant des agrégats (Ni0,25Ag0,75)n ont été effectuées en incidence de Brewster plusieurs mois après leur fabrication. On n’a observé qu’un effet minime sur la position ou la forme des spectres en fonction du temps à partir de ce moment, ce qui n’est peut-être pas représentatif de l’évolution des premiers jours.

En résumé, nous avons observé que nos échantillons évoluent au cours du temps, ce qui se traduit dans les spectres d’absorption par un déplacement de la résonance plasmon de surface vers les basses énergies, accompagné d’un élargissement et un amortissement plus ou moins net de cette bande de résonance. Dans le cas d’agrégats (Ni0,5Ag0,5)n, ce phénomène est important les premiers jours, puis beaucoup plus lent. Pour comparer les spectres d’absorption de deux échantillons, il faudra donc qu’ils soient au même degré d’évolution. En pratique,

c’est évidemment impossible à déterminer, sauf pour un échantillon qui vient d’être préparé. Les spectres présentés dans la suite correspondent à un film qui a peu ou pas évolué, dans la mesure du possible. Pour les films contenant des agrégats (Ni0,25Ag0,75)n, on ne dispose pas de ces données, les spectres seront donc plus anciens.

4. Effet de concentration

Forts des constatations précédentes, nous avons étudié l’influence de la composition des agrégats (NixAg1-x)n avec x=0 ; 0,25 ; 0,5 ; 0,75 et 1 sur les spectres d’absorption des films minces en matrice d’alumine. La Figure IV-9 présente les résultats expérimentaux (à gauche) entre 1,5 et 4,5 eV pour des nanoparticules dont le diamètre optique moyen <Dopt> (proportionnel au volume moyen des agrégats dans l’échantillon) est d’environ 2,6 nm. Le spectre correspondant aux agrégats Nin ne présente pas de plasmon marqué, ce qu’on retrouve d’ailleurs quelque soit la taille des nanoparticules. Au contraire, comme on l’avait déjà vu au chapitre III, une bande de résonance plasmon de surface très marquée apparaît sur le spectre du film d’agrégats d’argent pur en matrice d’alumine.

L’aspect des courbes pour les agrégats mixtes (NixAg1-x)n (x=0,25 ; 0,5 ; 0,75) est intermédiaire entre ces deux extrêmes et le plasmon d’autant plus marqué que la proportion d’argent dans l’agrégat est grande. En particulier, la bande de résonance est large et amortie pour les films d’agrégats bimétalliques et quasiment invisible pour (Ni0,75Ag0,25)n. Lorsqu’on pointe la position du maximum des bandes de résonance, on voit qu’il est déplacé vers les hautes énergies quand la proportion de nickel augmente : 2,92 eV pour Agn, 2,94 eV pour (Ni0,25Ag0,75)n et 3,08 eV pour (Ni0,5Ag0,5)n. La présence de nickel dans l’agrégat modifie donc les propriétés optiques de l’argent. Nous allons essayer de mieux comprendre ce phénomène.

Nous avons calculé dans un modèle classique la réponse optique pour une sphère bimétallique (NixAg1-x)n sous la forme d’un cœur de nickel entouré d’une peau d’argent, de différentes compositions (x=0 ; 0,25 ; 0,5 ; 0,75 et 1) et enrobée d’un diélectrique de constante 2,7. Conformément à l’expérience, le spectre d’absorption calculé de la sphère homogène de nickel ne présente pas de résonance plasmon de surface, alors que celui de la sphère d’argent pur est très bien défini et son maximum est aux environs de 2,9 eV. Les spectres théoriques correspondants aux agrégats mixtes présentent une bande d’absorption quelque soit la proportion x de nickel dans la sphère. Elle est élargie et amortie par rapport au

cas de l’argent pur, et son maximum déplacé vers les hautes énergies quand x augmente (Epl=2,94 eV pour x=0,25 et 3,10 eV pour x=0,5), en assez bon accord avec les spectres expérimentaux.

Figure IV-9 : Spectres d’absorption expérimentaux pour des agrégats mixtes (NixAg1-x)n

d’environ 2,6 nm de diamètre enrobés d’alumine (à gauche) et calculés (à droite) pour une sphère à deux couches concentriques (cœur de nickel, peau d’argent) de même stœchiométrie en matrice diélectrique de constante 2,7, pour différentes fractions atomiques x de nickel. Les spectres expérimentaux sont choisis pour des échantillons « non oxydés » sauf pour x=0,25 et le diamètre moyen des agrégats dans chaque échantillon est d’environ 2,9 nm pour x=1 ; 2,6 nm pour x=0,75 ; 2,5 nm pour x=0,5 ; 2,4 nm pour x=0,25 et 3,2 nm pour x=0 (rappelons que les effets de taille pour des nanoparticules d’argent, i.e. pour x=0, sont très faible).

Nous avons également vérifié que l’évolution théorique de l’énergie de résonance plasmon de surface en fonction de la taille est similaire dans le cas d’un agrégat oxydé (l’oxydation localisée à l’interface entre le cœur de nickel et l’argent) et également dans le cas

Spectres expérimentaux

(Ni

x

Ag

1-x

)

n Spectres calculés

(Ni

x

Ag

1-x

)

n

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