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Ende au sein de formules marquant l’origine

I L’héritage latin : la capacité référentielle de ende des débuts de l’espagnol jusqu’au milieu du XIVème siècle

A- Ende anaphorique d’un lieu précis explicite ou implicite

3- Ende au sein de formules marquant l’origine

Dans ces formules, le rapport au lieu se pose encore différemment, puisqu’il ne s’agit pas de quitter un lieu ou d’en extraire quelque chose, mais simplement d’être originaire de ce lieu, ce qui implique, comme nous allons le voir, d’en faire partie.

Ende est associé au verbe ser et à un adjectif ou un nom contenant l’idée d’origine. La présence récurrente de ces formules, en particulier dans la Primera Crónica, confirme cette capacité de l’anaphorique à s’intégrer au sein de formules. Le contenu sémantique des adjectifs et substantifs, qui viennent compléter le verbe copule ser, montre une fois de plus que ende ne déclare pas la provenance à lui tout seul, mais qu’il est combiné à des éléments du discours qui élaborent et déclarent l’idée de provenance.

- Ser ende + adjectif (natural) : 4

- Ser ende + adjectif ordinal numéral :10 - Ser ende + nom : 20

- Fazer ende + nom : 3

Mis à part 2 exemples, ende est toujours placé entre le verbe copule et le nom ou l’adjectif. L’idée de provenance ou d’origine n’est pas liée aux verbes fondamentaux ser ou fazer, mais à leur combinaison avec un nom ou un adjectif.

3-a. Ser ende natural.

La combinaison ser natural implique la référence à un lieu auquel elle est reliée par la préposition de :

(64) «En essa misme tierra, d’essa penna real, avié una contrecha, end era natural...» (Berceo, Cogolla, 138 b, p.111)

Dans l’exemple de Berceo, end placé en tête d’hémistiche permet d’insister sur son référent. End est surtout exclu du groupe formé par la copule et l’attribut : la vision rétrospective que porte l’anaphorique intervient avant le groupe copule-attribut, ce qui a pour effet d’exclure end de la vision prospective portée par era natural. La place de ende produit une insistance qui pourrait se traduire par le gallicisme c’est...que : c’est de cette terre que... En dehors de cette occurrence, ende est très vite intégré, dans les textes postérieurs, entre le verbe copule et l’attribut ou le substantif :

(65) «A Affrica dixieron otrossi este nombre dotra duenna que fue

ende sennora e ovo este nombre...»

(66) «... Aben Alahmar rey de Ariona que se llamo en comienço de su reyno «rey de Ariona» porque era ende natural...»

(Primera Crónica, IV, p. 737)

Une fois de plus, malgré la tentation, on ne peut poser que ende = de allí parce qu’il est évident que l’adjectif natural emporte avec lui la notion d’origine. Ende ne dit pas à lui tout seul la provenance, il est combiné à des éléments qui, réunis, évoquent une origine, une provenance.

La vision rétrospective portée par ende est désormais intégrée au sein de la formule, séparant ainsi le verbe copule de son attribut. Le verbe ser n’est pas auxiliaire en attente d’un participe passé (exemples 44 et 45) mais copule en attente d’un attribut, ici natural. La dématérialisation de la matière verbale du verbe ser provoque également une situation d’attente, de suspension d’attribution, dans laquelle se glisse ende pour rappeler le lieu resté en mémoire :

«Le verbe être employé auxiliairement comme copule sert à passer de l’attribution intemporelle (un homme jeune) à l’attribution temporelle (cet homme est jeune). L’auxiliaire être et la copule être procèdent pareillement d’une dématérialisation du verbe être. Dans cet homme est jeune, l’adjectif jeune occupe dans l’espace appartenant au verbe être la place laissée vide par la dématérialisation de ce verbe. Il s’ensuit que l’entier de discours auquel on a affaire c’est être jeune, et non pas être. Le mot être est verbe, sans dématérialisation qui en ferait un auxiliaire ou une copule,

dans : je pense, donc je suis.»17

Dans era ende natural, ende est intégré dans l’entier du discours, parce qu’il intervient avant que ne soit posé l’adjectif qui achève le discours et reconstitue du même coup le nouvel entier du verbe, «un verbe homogène qui s’exprimerait en deux mots».18

L’entier du discours ne vise pas à mettre en valeur un lieu déjà posé, mais à déclarer ser natural. Placé avant ou après ser natural, ende est exclu de l’entier du discours. La coupure nette entre le nouvel entier verbal que constitue ser natural et ende ne vise qu’à marquer de façon insistante la provenance, alors que l’intégration de ende dans l’élaboration temporelle de ser natural fait de cet entier l’information principale. Le groupe ser ende natural forme un tout, à l’intérieur duquel la rétrospectivité inhérente à ende n’a d’autre but que de rappeler du déjà pensé.

Dans ser ende + participe passé, comme dans ser ende natural, l’élément final (participe passé, adjectif) achève la suspension temporelle commencée avec l’auxiliaire ou la copule ser, et permet que soit réalisé, achevé, terminé, un entier. La collocation de ende suit la logique temporelle de tout le discours : le lieu, ou trace mémorielle, est, dans ce discours, préexistant à ser natural. La place de ende dans ser ende natural n’est que le reflet d’un lien mental déjà existant, obéissant à une logique temporelle. C’est la rétrospectivité intervenant après ser natural ou ser echado qui crée

17

G. Guillaume, Leçons de Linguistique, 1948/49B, Les Presses de L’université Laval - Québec, Paris, 1971, p.161-162.

18

l’insistance sur le lieu.

3-b. Ser ende + adjectif ordinal numéral.

Dans le cas où le nom est un numéral ordinal, la préposition s’impose une fois de plus puisqu’il indique le rang de quelque chose ou de quelqu’un dans un ensemble. Ici, le rang est rattaché à un lieu précédemment évoqué.

(67) «Et aquel anno fue Sant Maximino fecho obispo de Alexandria et fue ende el catorzeno et governo la eglesia diziocho annos.» (Primera Crónica, II, p.168)

Dans ces nombreux exemples, tirés exclusivement de la Primera Crónica, ende se trouve au centre d’une formule récurrente lexicalisée, qui vient clore de façon elliptique la vie de l’évêque en question, et le chapitre qui lui était consacré.

3-c. Ser ende + nom.

Dans cette combinaison qui regroupe 20 occurrences, comme dans les précédentes, l’idée d’origine se conjugue avec celle d’appartenance :

(68) «... fue Asclepiades fecho obispo de Antiocha ; e sant Alexandre, de Jherusalem, seyendo aun vivo sant Narciso, que era ende obispo.» (Primera Crónica, II, p.160)

On sera tenté de prêter à ende la même valeur que l’on prête au en français dans de tels cas, c’est-à dire la valeur possessive.

La préposition de est toujours aussi présente à l’esprit que dans les exemples précédents avec les verbes d’extraction, et elle s’impose

matériellement si l’on rétablit le rapport de possession, en espagnol comme en français :

Il était l’évêque de cette ville = il en était l’évêque = il était son évêque

Pour avoir la possession de cette ville = pour en avoir la possession = pour avoir sa possession

C’est le rapport qui s’établit entre le lieu et le fait d’être évêque, ou d’avoir quelque autorité en ce lieu, qui justifie l’emploi de ende. Autrement dit, c’est une fois de plus le lieu vu comme une intériorité que convoque ende : être l’évêque d’une ville, c’est faire partie de cette ville, c’est en faire partie. Le rapport d’appartenance revêt l’aspect d’un rapport entre le tout et la partie.

Cette variante du rapport d’appartenance est évoqué par Gustave Guillaume dans son « Examen des principaux rapports impliqués par la préposition de » :

Ǥ34. Rapport de la partie au tout.

Ce cas est une variante du rapport d’appartenance. Au lieu que le premier objet nommé appartienne au second, il en fait partie.»19

Etre l’évêque d’une ville, ou, de façon plus générale, remplir une charge importante dans une ville, signifie en faire partie et se distinguer des autres éléments formant cette communauté par l’exercice de cette charge.

L’évêque est donc une partie d’un tout, une ville formée de plusieurs

19

G. Guillaume, Le Problème de l’Article et sa solution dans la langue française, Les Presses de l’Université Laval-Québec, 1975, p.122-124.

éléments. C’est l’élément évêque qui, dans ce contexte particulier, est distingué.

Dans tous les exemples sans exception, ende est placé entre l’auxiliaire être et le substantif.

3-d. Fazer ende + nom.

Les 4 exemples que nous classons dans ces formules marquant l’origine réunissent à la fois l’idée d’appartenance à un lieu, et celle de la relation entre un tout et une partie.

Au verbe ser qui pose l’existence, dans les exemples précédents, succède le verbe fazer plus actif :

(69) «... el emperador Zeno a aquella sazon avie la cabeça et la siella del su emperio en la cipdat de Costantinopla, e nol obedecie Roma ni Ytalia por razon que Orestes, un patricio, se alçara con ella, et fiziera ende emperador a un su fijo que avie nombre Augustudulo...» (Primera Crónica, II, p. 243)

Ende rappelle toujours un lieu explicite, placé entre l’auxiliaire fazer et son support, un titre honorifique résumant le pouvoir exercé sur une ville ou un royaume, même imaginaire :

(70) «... e el rey Saturno, otrossi, quando esto vio en el, diol el poderio delas aguas, et fizol ende almirant e rey con sus derechos...» (General Estoria, I, p. 156)

Il nous a semblé intéressant d’observer plus en détail ces exemples, pour ensuite établir la comparaison avec d’autres exemples plus nombreux où ende est également intégré dans la formule fazer ende + nom, mais où il n’est pas anaphorique d’un lieu géographique posé explicitement (ou

implicitement), comme ce fut toujours le cas dans ces exemples.

De la même façon, dans la formule récurrente ser ende + adjectif, nous pourrons observer ende anaphorique d’une autre sorte de lieu.

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