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Les supports des cultures sont normalisés : des tables en métal juxtaposées (1,50 m x 0,90 m) où seules les hauteurs diffèrent (0,38 m ou 0,63 m du sol) sont équipées de bacs de cultures, de systèmes d'arrosage, de brumisation et d'évacuation de fluides. Elles peuvent également supporter des tuteurs verticaux et horizontaux. Les œuvres sont intégrées sur ces supports. Certaines utilisent une, deux ou plusieurs tables.

L'appel à projet paru dans Art Press en juin 1996 précise : " Les plantes présentent une grande plasticité. Ce sont les qualités de souplesse, d'adaptabilité des végétaux qui ont assuré leur succès évolutif sur la terre. Ce sont ces qualités qui sont aussi utilisées par l'homme, via les techniques d'amélioration, de multiplication et de culture pour maîtriser la croissance des plantes afin de répondre à des besoins très divers. Cette entité vivante qui croît, se reproduit, se nourrit, se défend est proposée à l'artiste pour qu'il en fasse le matériau de sa création. Assignée à être présentée dans la serre, l'œuvre n'est pas destinée à illustrer un quelconque phénomène biologique

ou procédé technique. Il s'agit essentiellement d'utiliser le végétal vivant comme matériau en vue d'une création poétique".

La plupart des artistes qui vont répondre, expérimentent pour la première fois le végétal. Leurs propositions sont nourries de ce qui anime habituellement leur démarche artistique.

Certains vont tenter de transgresser les lois de la nature : greffer des outils de jardinage sur des dracaena, alimenter des orchidées avec de l'encre, greffer des crayons de couleurs sur des rosiers qui portent un nom de peintre, mettre des poissons rouges dans un réseau de tubes linéaires en suspension, nourrir un chlorophytum au moyen de poches et tubes à perfusion (Jean-Luc Bichaud), tisser des carrés de

végétation et les suspendre en rideau à la verticale (Monique Deyres), cultiver des pleurotes dans des sachets et des bocaux en plastique (Georg Dietzler), pendre à l'envers des oliviers en pot (Alberta Pellacani) ou courber des ficus en tirant sur eux avec des boules de cordes (Nathalie Joiris), poinçonner les feuilles d'un lierre (Agnès Rosse), contraindre du

gazon à pousser sur une structure en forme d'anneau de Möbius (Luc Boniface), montrer que les racines tendent à rejoindre la matière qui les alimente : terre ou eau (Thomas Naegerl), lier deux troncs d'arbres par une greffe (Reiner Matysik), produire une improbable chaise cactus par de savantes greffes, dessiner des cartes de France en prothalle de fougère semé dans des boîtes de Pétri (Philippe Obliger).

La collecte, le prélèvement, la classification, la datation sont signifiés à travers les œuvres de Marinette Cueco qui introduit dans la Serre ses terres de Corrèze et plantes sauvages, de Monique Deyres qui dispose des mousses, graminées et lichens dans des casiers en métal, d'Agnès Rosse qui pose des

étiquettes datées sur la plante au fur et à mesure qu'une nouvelle feuille apparaît.

Ces multiples manipulations qui s'exercent à l'encontre du végétal vivant semblent faire référence à la position du scientifique face à la nature : observer, explorer, expérimenter, mesurer, classer.

Le troisième groupe d'artistes est celui des conteurs.

Des conteurs qui se réfèrent à l'histoire même de la plante :

José-Manuel Goday fait ainsi allusion à l'utilisation du papyrus comme support d'écriture, Philippe Lepeut nous rappelle, en citant le parcours de l'Ailante, arbre d'origine chinoise, que les plantes comme les hommes ont voyagé.

Un conteur visionnaire comme Jean-Luc Brisson associe animal et végétal, vivant et minéral en découvrant l'empreinte d'une grenouille " dans le béton du quai de la voie n°10, Gare du Nord. "

Jan Kopp, se livre à un simulacre d'étude sur les usages de

consommation. Une annonce a ainsi été publiée dans la presse quotidienne française et étrangère, sur Internet et à la radio. "Artiste cherche noyaux d'avocats pour l'exposition La Serre de la Cité des sciences et de l'industrie.

Avec qui avez-vous partagé votre avocat ? Où ? A quelle occasion ? Envoyez vos noyaux et vos réponses à Jan Kopp …"

Yan Kopp a mis les cent noyaux reçus dans des pots en plastique et imprimé les cent récits sur des plaques qu'il a plantées dans les pots. Textes de toutes sortes, humoristiques, émouvants, désinvoltes, cliniques, tendres, coquins même, surprenants comme celui-ci : "J'avais vingt ans quand j'ai quitté la Bulgarie pour m'installer à Paris. Un jour, j'ai acheté des poires qui me semblaient un peu étranges. C'étaient les poires les plus dégueulasses que j'avais jamais mangées de ma vie. Grasses, vertes, la peau épaisse et dure. Je ne sais plus quand j'ai appris que c'étaient des avocats".

Nicolas Floc'h fait référence au camouflage militaire en composant un parterre de galets et plantes brunes et vertes.

Micha Laury, à l'aube du 21èmesiècle, s'interroge sur le phénomène de la consommation et l'ampleur qu'elle a prise durant ces cinquante dernières années. Archéologie végétale est une installation qui couvre quatorze tables de la Serre, soit une vingtaine de mètres. Elle montre des objets du quotidien : jouets, ordinateurs, aspirateurs, vêtements, poussettes d'enfant, entièrement recouverts de mousse de roche, posés ou

suspendus.

Anne Brenner se met en scène dans les positions du jardinier sur des photographies envahies peu à peu par des plantes. L'humour cède au narcissisme de l'artiste qui nous renvoie à nos propres délires.

Zong Dé An, artiste coréen, construit avec La Pause du temps, une sorte de temple invitant à la méditation où sur une toile vierge tendue, des taches de couleurs se décolorent, des cercles de fer rouillent, des têtes sculptées dans des ignames et des patates douces, se rident et se creusent au milieu d'une forêt suspendue de peaux de bananes séchées.

La question du vivant, de sa

représentation a toujours été centrale dans l'art. Dans la Serre, l'occasion a été donnée aux artistes de jouer avec le vivant sous la forme du végétal. La diversité de leurs interventions nous interroge essentiellement sur le pouvoir que nous exerçons. L'histoire du vivant végétal est indéniablement lié à l'histoire de l'homme et

réciproquement. C'est peut-être aussi dans cette prise de conscience que se justifie la présence d'œuvres d'arts dans une exposition scientifique.

La programmation artistique de la Serre a cessé au 1ertrimestre 2001, son budget n'ayant pas été maintenu.

Pendant quatre ans, elle a pu

fonctionner à l'égal d'une galerie d'art, renouvelant son offre chaque

trimestre à la satisfaction du public.

(cf. La Serre, Jardin du futur : une exposition comme les autres ? Emmanuelle Vareille - août 1998, CRCM - Université de Bourgogne, dir.

Daniel Jacobi avec la collaboration de Viviane Jovet).

L'exploration du vivant se pratique également dans un tout autre champ artistique, celui des arts numériques

qui sont régulièrement programmés à la Cité des sciences.

Les outils informatiques permettent aux artistes de simuler le vivant, qu'ils créent des modèles virtuels comme Christa Sommerer et Laurent Mignonneau, ou qu'ils rendent possible la communication entre des personnages virtuels et le public, comme Luc Courchesne.

Christa Sommerer et Laurent Mignonneau, après Interactive Plant Growing en 1992 ont créé en 1993-1994,A-Volve, une installation interactive qui a été montrée dans le cadre de l'exposition " L'Homme transformé " en 2001-2002.

A l'origine, le dispositif comportait un aquarium rempli d'eau qui a dû être remplacé à la Cité, pour des raisons d'exploitation et de sécurité, par un bac dont le fond a été recouvert par une photographie. Le visiteur dessine une forme et son profil sur un écran tactile, il crée ainsi une créature virtuelle en trois dimensions qui vit et évolue dans l'aquarium.

Ses mouvements et son

comportement sont dus à sa forme, expression d'adaptation à

l'environnement. La créature la plus

satisfait ou de la lire à voix haute, pour avancer dans la fiction en compagnie de nos guides, les personnages à l'écran.

La visite du parc du Mont-Royal sous la conduite d'un passeur peut être interprétée comme la métaphore d'un apprentissage, une initiation.

L'espace n'est pas neutre, c'est un jardin, une construction culturelle.

Peut-être évoque-t-il le mythe du jardin de la connaissance,

convoquant le visiteur à une quête joyeuse et incertaine. Les

personnages que nous rencontrons en connaissent les codes. La liberté n'y est pas totale puisque les directions possibles sont pré-établies. Tout parcours est déterminé selon la façon dont on communique avec les autres.

Le parc et les personnages sont filmées en vidéo. Il n'y a pas d'image de synthèse. Le rythme des

déplacements est lent puisqu'il nécessite d'emblée un dialogue. Les visiteurs sur la plate-forme sont au centre du dispositif qui est le centre d'une clairière, le point de vue d'observation. Le jardin est dit-on la vision du jardinier. De sa forme et sa composition, de ses chemins et ses refuges, il reflète une philosophie, un mode de vie, une attitude. Le jardin de Luc Courchesne invite à la flânerie, au jeu, au désir. Dans le jardin, on taille, on élague, on plante.

C'est ainsi qu'on apprend.

Les expériences artistiques à la Cité des sciences se poursuivent, tentatives fragiles mais édifiantes de montrer que la culture scientifique n'est pas isolée et constitue un vivier de recherches et d'inspiration pour les artistes.

La prochaine grande exposition sur les arts numériques aura lieu dans le cadre de la biennale Villette

numérique 2004. Elle explorera la spécificité des arts numériques quand ils traitent du territoire, de la ville, de l'architecture.

Emma Abadi, Cité des sciences de la Vilette adaptée, capable de se mouvoir dans

l'aquarium, survivra plus longtemps et pourra se reproduire. Les créatures luttent pour acquérir le maximum d'énergie. Les prédateurs chassent les proies que les visiteurs peuvent protéger de leurs mains dans l'aquarium. Les algorithmes développés par Sommerer et Mignonneau rendent le

comportement de ces organismes, très naturel, presque animal. Aucune de ces créatures n'est pré-calculée.

Une infinité de formes est possible.

A-Volve serait donc une sorte de simulacre, un jeu de simulation calqué sur le modèle biologique, dont la quête pour la survie resterait l'enjeu principal. La forme du dispositif, l'esthétique des créatures montrent bien que nous sommes en pleine fiction. L'aquarium est en réduction un univers semblable au nôtre mais la violence qui y règne est tempérée par la virtualité de ses représentations. Ceci n'est pas une guerre, ceci est un jeu.

Luc Courchesne avec Paysage n°1 qui a été présenté dans le cadre de l'exposition " Nouvelle image, nouveaux réseaux " en 1999, nous invite aussi à jouer. Il met en relation

le monde réel, celui du musée où se situe son installation, et le monde virtuel qu'il a conçu.

Ce monde virtuel est créé à partir des images filmées dans un jardin public, le parc du Mont-Royal à Montréal où des personnages se croisent et se rencontrent : l'enfant, le père, le grand-père, l'amie, l'amant, le passant, le couple de fêtards et même le chien Catou.

Les visiteurs du musée sont invités à se déplacer dans le parc, représenté sur quatre écrans formant un

panorama de 360°, grâce au dialogue qui se noue entre eux et les

personnages filmés à l'écran. La nature et l'étendue de leurs déplacements découleront de la relation qu'ils développent avec le personnage qui les conduit. Le sujet de l'œuvre est l'espace et son appropriation par l'homme à travers les rapports humains.

L'installation emprunte une forme panoramique et interactive : Le dispositif se compose d'une plate-forme carrée centrale de deux mètres de côté, sur laquelle le public a accès. Face à chacun des côtés de la plate-forme est disposé un écran de rétro projection vidéo. Un grand miroir à l'arrière de chaque écran renvoie l'image diffusée par l'un des quatre vidéo projecteurs situés sous la plate-forme. Quatre ordinateurs gèrent les quatre lecteurs de vidéodisques dont les séquences sont sélectionnées selon le dialogue qui s'établit sur la plate-forme entre chaque visiteur et les personnes apparaissant à l'image. Ce dialogue s'inscrit sur quatre moniteurs qui affichent un choix de réponses aux questions qui sont posées par le personnage qui s'adresse à nous. Il suffit de pointer la réponse qui nous

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