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II. MATERIAU ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES

II. 4. CARACTERISATION DE L’ENDOMMAGEMENT

II.4.4. Emission acoustique (EA)

II.4.4.1. Généralités

La technique de l’émission acoustique (EA) est essentiellement utilisée comme méthode de contrôle non destructif pour l’étude de phénomènes physiques et des mécanismes d’endommagement des matériaux. Selon l’AFNOR, «le phénomène d’émission acoustique correspond à un phénomène de libération d’énergie élastique sous forme d’ondes élastiques transitoires au sein d’un matériau ayant des processus dynamiques de déformation ».

Les sources d’émission acoustique sont liées à des phénomènes irréversibles. Dans les matériaux métalliques, plusieurs phénomènes physiques peuvent être à l’origine d’un signal acoustique [Beattie 1983, Eitzen 1984] :

- la déformation plastique, mouvement de dislocations, maclage, glissement aux joints de grains, rupture d’inclusions ou de composés intermétalliques, transformation de phase (martensitique par exemple) ;

- amorçage et propagation de fissures (contraintes statiques, fatigue, corrosion sous contrainte, etc) ;

- fragilisation par l’hydrogène ; - corrosion ;

- ruptures micro et macroscopiques dans les matériaux composites ; - frottement ;

- impacts mécaniques ;

- fuites (liquide et gaz), cavitation, ébullition ;

- bruits extérieurs aux essais (alignement de mors, machine de traction, environnement, etc). Le phénomène-type de création d’une onde d’émission acoustique au sein d’un matériau est schématisé dans la figure II.10. Une fissure se crée au niveau d’un défaut lorsque le matériau est mis sous contrainte, ou une fissure préexistante croît, entraînant au niveau de cette fissure, la création d’une onde mécanique transitoire. Les ondes, de nature et de fréquences diverses, se propagent dans le matériau et subissent d’éventuelles modifications avant d’atteindre la surface de l’échantillon étudié. La vibration de surface est recueillie par un capteur piézo-électrique, puis amplifiée, et fournit donc le signal d’émission acoustique.

Cette technique permet donc de déceler en temps réel l’existence de défauts évolutifs. Les défauts passifs ne sont quant à eux pas détectés.

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Figure II.10 : Schéma de la chaîne d’émission acoustique, de la création de l’onde mécanique à la visualisation du signal EA

II.4.4.2. Types des signaux d’EA

Deux types d'émission acoustique peuvent être distingués, l'émission acoustique dite discrète et l’émission acoustique dite continue.

II.4.4.2.1. EA discrète

Le signal issu de l’EA discrète se présente sous forme d’ondes sinusoïdales amorties (Figure II.11), désignées également sous le terme de salves ou événements acoustiques. Chaque salve correspond à un événement physique dans le matériau et aura donc une forme directement liée aux caractéristiques de l'événement. Il est alors important de relever tous les paramètres permettant la caractérisation d'une salve et ainsi remonter à l’identification des différents mécanismes mis en jeu. Les principaux paramètres exploitables sont représentés dans la figure II.11. La plupart de ces paramètres sont définis par rapport à un seuil d’acquisition. Il existe plusieurs méthodes pour fixer ce seuil, la plus courante consiste à le régler à une valeur légèrement supérieure au bruit de fond. En d’autres termes, les signaux enregistrés sont ceux qui dépassent ce seuil.

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Figure II.11: Forme d'onde d'un signal d’EA discrète.

Les paramètres classiques enregistrés en temps réel sont les suivants : - l’amplitude crête exprimée en décibels ;

- la durée exprimée généralement en microsecondes. Elle correspond au temps qui sépare le premier et le dernier dépassement de seuil ;

- le nombre de coups ou le nombre d’alternances correspond au nombre de franchissements du seuil par le signal sur toute sa durée ;

- le nombre de coups au pic correspond au nombre de franchissements du seuil par le signal entre le premier dépassement du seuil et l’amplitude maximale ;

- le temps de montée exprimé en microsecondes. Il correspond au temps qui sépare le premier dépassement du seuil et l’amplitude crête du signal ;

- la fréquence moyenne : cette valeur donnée par la plupart des systèmes d’acquisition ne correspond pas à la transformée de Fourier du signal mais au nombre de coups d’une salve divisé par sa durée ;

- l’énergie du signal, qui est l’aire qui enveloppe le signal.

II.4.4.2.2. EA continue

Lorsque les salves sont si fréquentes qu’elles se chevauchent, le signal d’émission acoustique se traduit par une augmentation apparente du bruit de fond. Cette émission acoustique est dite continue (Figure II.12). L'amplitude de ce signal reste faible par rapport à l'amplitude du signal d'EA discrète. L'EA continue est principalement observée lors de la déformation plastique dans les matériaux métalliques [Shaira 2008, BenRhouma 2013].

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Figure II.12: Forme d'onde d'un signal d’EA continue.

II.4.4.3. Analyses des signaux d’EA

II.4.4.3.1. Analyse conventionnelle

Dans l’analyse conventionnelle de l’émission acoustique, la propagation et les altérations du signal ne sont pas prises en compte. Les paramètres analysés sont fortement dépendants des propriétés du matériau, de la géométrie de la structure et du capteur, du système de détection et d’analyse. Néanmoins, cette analyse permet d’établir des corrélations entre les paramètres d’émission acoustique et les sources. Cependant, ces corrélations ne sont pas universelles en raison de la dépendance des paramètres d’EA avec la géométrie de l’échantillon, les propriétés du matériau et le système d’acquisition. Une analyse quantitative des signaux acoustiques nécessite, la modélisation de la propagation et la prise en compte des fonctions de transfert, cela permet de déterminer la fonction source indépendante des propriétés du matériau et de la géométrie de l’échantillon. Cette analyse est limitée en raison de l’analyse complexe nécessaire pour traiter un événement unique.

II.4.4.3.2. Analyse statistique multivariable

Diverses méthodes mathématiques [Lippmann 1987, Jain 2000, Lindon 2001] permettent l’analyse statistique de données selon plusieurs paramètres. En effet, il est nécessaire après la collecte d’information de disposer de méthodes permettant de définir les ressemblances, ou les différences, entre les données en analysant, non pas un seul paramètre caractéristique, mais « n » paramètres, appelés aussi descripteurs.

Les critères de reconnaissance de classes est le principe fondamental de disciplines très variées. Fisher a mis en place, dans les années 30, les bases mathématiques de la reconnaissance statistique de formes ou de classes. Un des objectifs de l’analyse discriminante des données est de prédire

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l’appartenance de sujets à une classe, en analysant une ou plusieurs variables. Citons, parmi ces techniques, l’analyse de Fisher, l’analyse en composantes principales (ACP), mais également les k- moyennes, ainsi que les réseaux de neurones.

Le rôle d’un classificateur est de déterminer, parmi un ensemble fini de classes, la classe d’appartenance d’un objet. Il doit être capable de définir les frontières qui existent entre les différentes classes. Appliquées à l’émission acoustique, ces techniques servent à identifier parmi un grand nombre de signaux, décrits par un grand nombre de paramètres, des classes de signaux de paramètres proches et donc provenant de phénomènes à priori identiques au sein du matériau. La conception d’un classificateur nécessite de réaliser plusieurs étapes :

- choix des descripteurs pertinents ; - acquisition des données expérimentales ;

- détermination de la fonction de classification (c’est le résultat de l’apprentissage) ou de la fonction discriminante ;

- évaluation du taux d’erreur et validation.

Le terme de classifications non supervisées (Figure II.13(a)) signifie que les classes ne sont pas connues a priori par l’utilisateur. Cette classification ne nécessite aucune information sur les données. Elle est fondée sur la structure propre de l’ensemble des données. L’application de telles méthodes se fait généralement en deux étapes :

- l’emploi d’algorithmes permettant la réduction des données ;

- la représentation graphique des classes. Nous pouvons citer l’analyse en composantes principales [Chang 1994, Karhunen 1995], les k-moyennes [Venk 1992], la carte de Kohonen [Kohonen 1994].

Les méthodes supervisées, quant à elles, nécessitent un jeu de données, déjà identifié, pour construire le modèle statistique. Les classes, cette fois ci, sont connues par l’utilisateur et elles ont a priori un sens pour ce dernier (Figure II.13 (b)). Nous pouvons citer les techniques de l’analyse de Fisher, les K plus proches voisins [Hattori 1999], LVQ (Learning vector quantization) [Odorico 1997], multi-layer perceptron (MLP) qui est un réseau de neurones en couches.

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b) Classification supervisée a) Classification non supervisée

Figure II.13 : Les différentes étapes de la classification a) non supervisée, b) supervisée

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