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Elimination des coupures

Dans le document Logique propositionnelle, P, NP (Page 16-19)

Le th´eor`eme d’´elimination des coupures se d´emontre en g´en´eral diff´eremment, par un syst`eme de r´e´ecriture des preuves. Cette fa¸con de faire a l’avantage de montrer une ver-sion plus forte : il existe un algorithme (une fonction totale r´ecursive) qui transforme toute d´erivation en LK en une d´erivation du mˆeme jugement sans coupure. Dans le cas d’une logique aussi simple que la logique propositionnelle, ceci n’a que peu d’int´erˆet. La proc´edure d’´elimination des coupures a ´et´e imagin´ee par Gentzen en 1934 pour traiter d’un probl`eme bien plus difficile : l’arithm´etique de Peano du premier ordre PA1 admet un calcul des s´equents, et l’´elimination des coupures d´emontre d’une part quePA1 est non contradictoire ; et d’autre part que l’on peut d´emontrer tout principe de r´ecurrence le long d’un ordinal α < ǫ0, mais pas la r´ecurrence selon ǫ0 lui-mˆeme. Pour plus de d´etails, consulter Schwich-tenberg [11].

Voici comment cette proc´edure d’´elimination des coupures fonctionne ; le cas proposi-tionnel renferme en fait l’essentiel des difficult´es pr´esentes pour le cas plus int´eressant de PA1. En se r´ef´erant `a la figure 4, appelons la formule atomiqueA dans (AxAtom) la formule d’axiome; la formule F dans (Cut) est la formule de coupure; dans les autres r`egles, la formule distingu´ee dans la conclusion (⊤ dans (⊢ ⊤), F1∧F2 dans (⊢ ∧) et (∧ ⊢), etc.) est la formule principale, et les formules distingu´ees (F1, F2; F dans (⊢ ¬) et (¬ ⊢) ; aucune dans (⊢ ⊤) et (⊥ ⊢)) sont lesformules actives.

La proc´edure d’´elimination des coupures r´e´ecrit toute d´erivation de sorte `a faire remonter les instances de (Cut). Lorsqu’une instance de (Cut) est remont´ee suffisamment haut pour que l’une des pr´emisses soit une instance de (AxAtom), elle disparaˆıt par l’une des r`egles de r´e´ecriture :

(AxAtom) Γ, A⊢A,∆

···π Γ, A⊢∆

(Cut) Γ,Γ, A⊢∆,∆

; ···π

Γ,Γ, A⊢∆,∆ (1)

(AxAtom) Γ, A⊢A, F,∆

···π Γ, F ⊢∆

(Cut) Γ, A,Γ ⊢A,∆,∆

; (AxAtom) Γ, A,Γ ⊢A,∆,∆

o`uπ est obtenu `a partir deπ par affaiblissement — lequel est admissible enLKet enLKcf. Le premier cas est celui o`u la formule de coupure est la formule d’axiome A, le second cas est celui o`u la formule de coupure est une autre formule. Nous n’avons repr´esent´e que les

deux cas o`u c’est la pr´emisse gauche de (Cut) qui est obtenue par (AxAtom). Les deux cas o`u c’est la pr´emisse droite sont similaires.

Tant qu’il reste une instance de (Cut) dans une d´erivation donn´eeπ, il existe une instance de (Cut) la plus haute. Ses deux pr´emisses sont alors obtenues par des d´erivations sans coupure. Il nous reste donc `a examiner les cas de coupures entre deux r`egles autres que l’axiome ou la coupure — lesquelles ont donc des formules principales.

On ´evacue d’abord un cas trivial : celui o`u l’une des deux pr´emisses a une formule prin-cipale qui n’est pas celle de coupure. Dans ce cas, la r`egle de coupure permute simplement au-dessus de la r`egle utilis´ee pour d´eriver cette pr´emisse, en dupliquant ´eventuellement cer-taines d´erivations. Par exemple, si cette r`egle est (⊢ ∧), on op`ere la r´e´ecriture :

··· π1

On note tout de mˆeme que ceci peut remplacer une instance de (Cut) par plusieurs.

Il ne reste alors qu’une famille de cas, la plus int´eressante : celle o`u la formule de coupure est principale dans les deux pr´emisses. Ceci bloque le processus de remont´ee de la coupure.

Pour continuer, nous devons en quelque sorte dissoudre le bloquage. Dans tous les cas, ceci supprimera les instances des r`egles gauche et droite introduisant les pr´emisses de la coupure, mais en introduisant de nouvelles instances de (Cut). Selon que le connecteur principal de la formule de coupure est ∧, ∨, ¬, ou ⇒, on op`ere les transformations d´ecrites `a la figure 5 (les cas ⊤et ⊥ ne se pr´esentent pas : pourquoi ?).

On en d´eduit le r´esultat souhait´e :

Proposition 1.10 (´Elimination des coupures) Il existe une machine de Turing qui, sur toute d´erivation π d’un s´equent en LK, termine et calcule une d´erivation du mˆeme s´equent en LKcf, c’est-`a-dire sans coupure.

D´emonstration. La difficult´e principale est de montrer que les r`egles de transformation d´efinies ci-dessus terminent. Il se trouve que, quelle que soit la strat´egie de choix d’une coupure `a faire remonter `a chaque ´etape, le processus termine effectivement, mais c’est relativement difficile `a d´emontrer. (Un tel r´esultat sera cons´equence des r´esultats du cours de logique et informatique, au second semestre.) `A la place, nous allons d´emontrer que la strat´egie qui consiste `a faire remonter les coupures les plus hautes, c’est-`a-dire entre deux

··

Fig. 5 – Les principaux cas dans l’´elimination des coupures en LK

d´erivations sans coupure, termine. La difficult´e principale est que les r`egles de transformation d´efinies plus haut peuvent remplacer une coupure par plusieurs.

On d´emontre donc en premier que l’on peut transformer toute d´erivationπ qui se termine par une instance de la coupure entre deux pr´emisses d´eriv´ees sans coupure, en une d´erivation sans coupure. Ceci se d´emontre par r´ecurrence sur le couple (|G|,|π|) de la taille |G| de la formule de coupure G et de la taille |π| de π, ordonn´e dans l’ordre lexicographique <lex

((m, n)<lex (m, n) si et seulement si m < m, ou bien m=m et n < n). Ceci est correct, car l’ordre lexicographique est bien fond´e. Une autre fa¸con de le dire est que nous op´erons uner´ecurrence double, c’est-`a-dire deux raisonnements par r´ecurrence imbriqu´es. Autrement dit, nous montrons par r´ecurrence sur m que : (∗) toute d´erivation π qui se termine par une instance de coupure entre deux pr´emisses d´eriv´ees sans coupure, et dont la formule de coupure Gest telle que |G|=m, se transforme par les transformations d´efinies plus haut en une d´erivation sans coupure. Pour ceci, `am fix´e, on d´emontre (∗) par r´ecurrence sur la taille deπ. L’hypoth`ese de la r´ecurrence externe est que (∗) est vrai pour toute formule de coupure de taille strictement plus petite que m. L’hypoth`ese de la r´ecurrence interne est que (∗) est vrai lorsque la formule de coupure est de taille exactementm, mais o`u la taille de d´erivation est strictement plus petite que celle de π. Autrement dit, pour d´emontrer le r´esultat (∗) qui nous int´eresse, il suffit de le d´emontrer, sous l’hypoth`ese de r´ecurrence combin´ee que (∗) est vrai pour toute formule de coupure G et toute d´erivation π de la forme indiqu´ee avec (|G|,|π|)<lex (|G|,|π|).

Si l’une des pr´emisses de la coupure `a la fin deπest obtenue par (AxAtom), les transforma-tions (1) et leurs variantes fournissent directement une d´erivation sans coupure. Sinon, et si l’une des pr´emisses de la coupure a pour formule principale une autre formule que la formule de coupure (par exemple la transformation (2)), on conclut par l’hypoth`ese de r´ecurrence (interne), la formule de coupure restant la mˆeme, mais la taille de la d´erivation diminuant.

Finalement, si les deux pr´emisses ont comme formule principale la formule de coupure (les cas de la figure 5), on conclut par l’hypoth`ese de r´ecurrence (externe), la formule de coupure

´etant strictement plus petite dans chacune des coupures engendr´ees sur le cˆot´e droit du signe de r´e´ecriture;.

Ayant d´emontr´e (∗), on d´emontre le r´esultat par r´ecurrence sur le nombre d’instances de (Cut) dans la d´erivation donn´eeπ. S’il n’y en a pas, on d´emontr´e la proposition. Sinon, on consid`ere une coupure la plus haute possible, on l’´elimine grˆace `a (∗), puis on applique l’hypoth`ese de r´ecurrence sur la d´erivation transform´ee. ⊓⊔

Dans le document Logique propositionnelle, P, NP (Page 16-19)