Chapitre IV : Réactivité anodique de porphyrines comportant une seule position méso
3. Réactivité anodique du monomère
3.4. Modulation de la réactivité en série Ni
3.4.2. Electrosynthèse et caractérisation
Dans le but de produire le dimère de nickel et à l’image de la réaction de dimérisation
du monomère 1-Zn, l’électrolyse de 20,1 mg de 1-Ni à 0,95 V/ECS en compartiment unique,
est menée en milieu CH
2Cl
2/CH
3CN (4/1 v/v) contenant 0,1 M de TEAPF
6comme électrolyte
support. Le nickel est réputé comme étant plus difficile à démétaller mais pour prévenir tout
risque de démétallation, 10 éq. de 2,6-lutidine sont ajoutés préalablement à l’électrolyse.
Schéma IV-10
L’avancement de la réaction est suivi par spectroscopie d’absorption UV-visible
réalisée à température ambiante (Figure IV-16). La bande de Soret subit un déplacement
bathochrome et une nouvelle bande Q apparaît à 531 nm au détriment de celle située à 520
nm. Par ailleurs, la présence de deux points isobestiques à 4λ8 et 526 nm témoigne d’une
transformation simple du réactif initial en un autre produit bien défini.
156
300 400 500 600 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 (nm)
520 531Ab
so
rb
a
n
ce
(a
.
u
.)
Figure IV-16 Evolution du spectre d’absorption UV-visible de 1-Ni au cours de l’électrolyse (CH2Cl2/CH3CN (4/1 v/v),C = 5.10-4 M, 0,1 M TEAPF6, électrode de travail : platine; électrode de référence : ECS ; contre-électrode : platine; Eapp = 0,95 V ; charge transférée : 15,0 Faradays par mole de 1-Ni ; température ambiante ;
longueur du chemin optique : 2 mm)
Contrairement à nos attentes initiales, ce produit s’est révélé être le dérivé mono
-chloré en position méso, 1-Ni-Cl, à l’exclusion de la molécule pressentie, le dimère 2-Ni.
L’absence totale de ce dernier a été démontrée par une synthèse indépendante qui nous a
permis d’en obtenir les caractéristiques spectroscopiques. Celles-ci ne se retrouvent en rien
dans le produit d’électrolyse. L’identification de 2-Ni est basée sur l’analyse par spectrométrie
de masse Malti-Tof qui fournit un pic moléculaire m/z = 1242,23 en plein accord avec la
formulation proposée.
La preuve ultime de la formation de 1-Ni-Cl a été fournie par l’analyse par diffraction
aux rayons X sur monocristaux (Figure IV-7, partie 2.3.3.).
Pour expliquer la formation du produit chloré, une étude approfondie a été menée sur
l’influence des conditions d’électrolyse sur la sélectivité de la réaction. Lorsque l’électrolyse
s’opère en compartiments séparés, mais dans les mêmes conditions de solvant que
précédemment (CH
2Cl
2/CH
3CN (4/1 v/v)), un mélange de produits difficilement identifiables
est obtenu. La nature du solvant est également un paramètre important. En compartiment
unique, l’utilisation de solvants non chlorés coordinants comme le THŻ ou le DMŻ ne permet
157
pas non plus d’obtenir de produit bien défini. Dès lors, le solvant chloré et le compartiment
unique nous sont apparus comme simultanément nécessaires à l’obtention sélective de
1-Ni-Cl, ce qui nous a conduit à envisager la possibilité d’interférence de la réaction du
dichlorométhane à la cathode.
Selon Savéant et coll.
[188], la réduction mono-électronique d’une porphyrine de Ni(II)
réalisée dans le DMF, le benzonitrile et le 1,2-dichloroéthane conduit à la réduction du métal
(Ni(II) en Ni(I)) plutôt que celle du macrocycle porphyrinique (radical anion). La réactivité de
cette espèce a été exploitée dans le cas de la réduction électrocatalytique de CH
3I
[189-190],
produisant des ions iodures et des radicaux méthyle (Schéma IV-11). Le cycle catalytique
débute par la formation du nickel Ni(I) puis, par un mécanisme en sphère externe,
l’iodométhane est réduit en régénérant la porphyrine de Ni(II) et libérant les ions iodures dans
la solution. Ces travaux nous ont conduits à examiner l’existence possible du Ni(I), formés à
la cathode lors des expériences menées en compartiment unique, qui, selon un mécanisme
similaire, réaliserait la réduction catalytique du CH
2Cl
2produisant des ions chlorure dans la
solution.
Schéma IV-11 Mécanisme de formation de l’ion iodure
En s’appuyant sur cette hypothèse, nous avons dans un second temps étudié plus en
détails le premier stade de réduction de 1-Ni. Le voltammogramme réalisé dans le mélange
CH
2Cl
2/CH
3CN (4/1 v/v) révèle que le pic de réduction situé à -1,375 V/ECS est de plus forte
intensité que celle attendue pour un transfert mono-électronique. Ce résultat est en accord
avec une réduction catalytique du CH
2Cl
2(Figure IV-15).
158
Après électrolyse en compartiment séparé, en imposant un potentiel de -1,4 V/ECS, en
milieu CH
2Cl
2/CH
3CN (4/1 v/v) contenant 0,1 M de TEAPF
6comme électrolyte support et
transfert d’un équivalent d’électron, l’analyse par chromatographie ionique du catholyte,
après extraction en phase aqueuse confirme la présence d’ions chlorures. Grâce à cette
technique, le rendement faradique est estimé à 93 % environ. Ce résultat confirme la
formation efficace des ions chlorures par réduction de la porphyrine de Ni(II) à son premier
stade de réduction. Cependant, il ne permet pas d’établir la nature de l’intermédiaire
réactionnel entre (1
∙−)-Ni(II) ou 1-Ni(I)
∙−. Afin d’identifier cet intermédiaire, la solution du
compartiment cathodique après électrolyse effectuée dans le THF, a été analysée par
spectroscopie RPE. Le spectre RPE (Figure IV-17) présente un singulet à g = 2,001, valeur
caractéristique du radical anion de la porphyrine
[188].
3000 3200 3400 3600 3800 4000 4200 -1,0 -0,8 -0,6 -0,4 -0,2 0,0 0,2 0,4
In
te
n
si
té
Gauss
Figure IV-17 Spectre RPE après réduction à un électron de 1-Ni en milieu THF