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CHAPITRE 2 : Mise en phase gazeuse de biomol´ ecules 45

2.1.2 Electrospray

L’electrospray (ou ´el´ectron´ebulisation) est une technique, mise au point par J.B. Fenn

(prix nobel de chimie de 2002) [38], qui permet de mettre en phase gazeuse des mol´ecules

de grandes tailles multi-proton´ees, de mani`ere douce. Les premiers spectres de masse

pr´esent´es par l’´equipe de Fenn en 1988 lors d’une conf´erence montraient des pics d’ions

multicharg´es de l’alcool d´eshydrog´enase (jusqu’`a 45+) poss´edant une masse de 40000 Da

(figure 2.1).

Le processus de mise en phase gazeuse par ´electron´ebulisation peut ˆetre d´ecrit en

trois ´etapes :

1. formation de gouttelettes charg´ees `a l’extr´emit´e d’un capillaire m´etallis´e

2. ´evaporation du solvant et explosions coulombiennes des gouttelettes

3. obtention d’esp`eces ioniques en phase gazeuse

Figure 2.1 –Spectre de masse d’alcool d´eshydrog´enase produit par ´electrospray. Figure

tir´ee de la r´ef´erence [39]. A droite du spectre est repr´esent´ee la structure d’un alcool

d´eshydrog´enase humain cristallis´e obtenue par Rayon X.

1) Formation des gouttelettes charg´ees `a l’extr´emit´e d’un capillaire m´etallis´e :

La solution est introduite dans un capillaire grˆace `a une seringue. Ce capillaire est port´e

`

a un fort potentiel ´electrique de plusieurs kilovolts. Cette diff´erence de potentiel entre ce

capillaire et une contre ´electrode, plac´ee quelques millim`etres en aval, entraˆıne les cations

`

a l’extr´emit´e du capillaire (dans le cas o`u le capillaire est port´e `a un potentiel positif),

tandis que les anions vont se d´eplacer dans le sens inverse en s’accumulant `a l’int´erieur

Cette s´eparation des cations et des anions induit la formation d’un cˆone de Taylor

par r´epulsion ´electrostatique `a l’extr´emit´e du capillaire. Ce cˆone est conserv´e tant qu’il

y a un ´equilibre entre les forces ´electrostatiques et la tension de surface. Il suffit alors

d’une faible augmentation du champ ´electrique pour rompre le cˆone de Taylor en fines

gouttelettes multicharg´ees. Par la suite, les gouttelettes charg´ees se d´eplacent sous l’action

conjugu´ee du champ ´electrique et d’un gradient de pression qui s’applique entre la source

et l’entr´ee d’un spectrom`etre de masse.

Figure 2.2 –Principe de l’´electrospray. Les cations sont attir´es vers la contre-´electrode, et

les anions vers le capillaire. Cette s´eparation de charges produit une d´eformation sous la

forme d’un cˆone de Taylor. Par la suite, des explosions coulombiennes surviennent lorsque

la limite de Rayleigh est atteinte [40].

2 )Evaporation du solvant et explosions coulombiennes :

Les gouttelettes multicharg´ees entrent en collision avec le gaz r´esiduel et subissent une

´evaporation du solvant en gardant un nombre de charges constant. Dans certaines sources,

la temp´erature peut ˆetre augment´e pour rendre plus efficace l’´evaporation du solvant. La

diminution du rayon R des gouttelettes, qui poss`edent une charge q constante, conduit

`

a la limite de Rayleigh. A partir de cette limite, la gouttelette devient instable, et on

observe l’´emission de jets tr`es fins de gouttelettes plus petites (figure 2.2). Ce ph´enom`ene

se reproduit lorsque les nouvelles gouttelettes atteignent `a leur tour la limite de Rayleigh,

o`u q

Ry

est la charge `a la limite de Rayleigh, ε

0

la permittivit´e du vide, R le rayon de

densit´e de charges et γ la tension de surface. Une explosion coulombienne se traduit par

la production de gouttelettes plus petites.

Cette explosion coulombienne est optimale lorsque les gouttelettes ont une tension

superficielle non modifi´ee par des tensio-actifs. C’est pour cette raison qu’il est n´ecessaire

d’´eviter d’utiliser tout d´etergent lors de la pr´eparation d’un ´echantillon ´etudi´e avec une

source ESI. On peut ajouter que la d´esorption se fait mieux pour les analytes hydrophobes

que pour les analytes hydrophiles. En effet, les analytes hydrophobes moins solubles dans

l’eau de la gouttelette, migreront plus facilement en p´eriph´erie de la gouttelette, et se

d´esorberont en premier.

3) Obtention d’ions en phase gazeuse

Deux m´ecanismes encore en d´ebat peuvent expliquer le ph´enom`ene de d´esorption. Le

premier est le mod`ele des r´esidus charg´es ou

<<

Charged Residue Model

>>

(CRM) qui

est d´ecrit par Dole en 1968 et ´etendu par R¨ollgen [41]. Dans ce mod`ele on consid`ere

qu’une succession d’explosions coulombiennes conduit `a des gouttelettes charg´ees de plus

en plus petites jusqu’`a ce que la derni`ere ne contienne qu’un seul ion (figure 2.3 a). Le

second m´ecanisme, propos´e en 1979 [42], est appel´e le mod`ele de l’´evaporation ionique

ou

<<

Ion Evaporation Model

>>

(IEM). Dans ce mod`ele comme dans celui du CRM,

des explosions coulombiennes se succ`edent, sauf qu’ici des ions peuvent ˆetre expuls´es

directement en phase gazeuse alors qu’il y a plusieurs ions dans une gouttelette (figure

2.3 b)). Iribane et Thomson proposent que lorsque les gouttelettes obtiennent un rayon

de l’ordre de 10 nm, et une densit´e de charge ´elev´ee, l’expulsion des ions en phase gazeuse

est possible. L’´electrospray produit en r`egle g´en´erale des esp`eces fortement proton´ees ou

d´eproton´ees.

Aujourd’hui il est ´etabli que dans le cas des mol´ecules de tailles importantes, c’est

le mod`ele du CRM qui donne les meilleures estimations.

Figure2.3 –Les deux m´ecanismes sugg´er´es pour l’obtention d’ions d´esolvat´es en phase

gazeuse (a) Mod`ele des r´esidus charg´es propos´e par Dole (b) Mod`ele de l’´evaporation

Nous avons utilis´e cette technique de mise en phase gaz dans les exp´eriences men´ees au

CLUPS, `a Orsay, pour l’´etude des hydroxypyridines proton´ees (Annexe A).

Il existe une version optimis´ee de l’electrospray : le nano-electrospray (nanoESI).

Le nanoESI fut d´evelopp´e en Allemagne `a l’EMBL (European Molecular Biology

Labora-tory ) au milieu des ann´ees 90 par Matthias Wilm et Matthias Mann [43]. La technique,

proche de l’ESI, consiste `a introduire un faible volume d’´echantillon (2-3 µl) dans une

aiguille m´etallis´ee qui poss`ede un orifice de sortie de l’ordre de 1 `a 2 µm de diam`etre.

On applique une diff´erence de potentiel entre cette aiguille et une contre-´electrode plac´ee

quelques millim`etres plus loin, et cela g´en`ere un fin spray de gouttelettes avec un d´ebit

´evalu´e `a 20-100 nl.min

1

. La diff´erence de potentiel appliqu´ee est de quelques centaines

de volts contre quelques milliers de volts pour l’ESI.

L’avantage du nanoESI par rapport `a l’ESI, est que c’est une technique qui consomme

moins de produit, puisque quelques µl `a une concentration de l’ordre du µM suffisent `a

obtenir un spectre de masse. Cela est tr`es int´eressant si on d´esire travailler avec des esp`eces

qui sont disponibles en faible quantit´e, ce qui est le cas pour de nombreuses prot´eines. Un

second avantage repose sur sa sensibilit´e. Il est admis que le nanoSI est 100 fois plus

sensible que l’ESI. Cela provient du faible diam`etre de sortie de l’aiguille permettant de

former des gouttelettes tr`es petites et donc de former plus rapidement des ions en phase

gazeuse puisque le volume de solvant `a ´evaporer est moindre.

N´eanmoins, le nanoESI pr´esente un inconv´enient majeur : sa reproductibilit´e. Le diam`etre

de l’aiguille ne peut pas ˆetre contrˆol´e avec pr´ecision, or ce diam`etre joue un rˆole important

sur la taille initiale des gouttelettes, qui elle-mˆeme jouera sur le spectre obtenu, en

particulier l’´etat de charge des ions et l’intensit´e des diff´erentes esp`eces dans le spectre.

Pour nos ´etudes, on d´esire irradier des mol´ecules d’int´erˆets biologiques en solution,

pour ensuite les transf´erer en phase gazeuse de la mani`ere la plus douce possible,

afin de pr´eserver au mieux la structure adopt´ee en solution. Or, avec l’´electrospray, la

fragmentation est importante, car une phase d’acc´el´eration des ions se fait `a pression

atmosph´erique(le libre parcours moyen pour des mol´ecules d’air `a pression atmosph´erique

est de 93 nm). Les collisions `a pression atmosph´erique sont donc nombreuses. De plus,

les ions produits sont multicharg´ees, ce qui implique une forte r´epulsion ´electrostatique,

et provoque un changement de la structure pr´esente en solution (d´eploiement). On peut

ajouter ´egalement le fait qu’il n’est pas ais´e d’irradier en solution les mol´ecules d’int´erˆets

biologiques puisqu’elles sont dans un capillaire. Pour ces raisons, cette technique de

mise en phase gazeuse n’est pas suffisamment douce et n’est pas adapt´ee `a nos ´etudes

d’endommagement.