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Chapitre I : Technologies nitrures et HEMTs AlGaN/GaN

1.5. Fiabilité des technologies nitrure

1.5.2. Mécanismes de défaillance

1.5.2.4. Electromigration (EM) au niveau de la grille

Le phénomène d’électromigration a été identifié comme mode de défaillance dans les dispositifs semiconducteurs qui utilisent des films conducteurs métalliques avec des sections transversales inadéquates. Ce mode de défaillance est mis en évidence par une augmentation de la résistance de ligne, par une ligne devenant court-circuit ou circuit-ouvert, ou par une ligne adjacente court-circuitée [97].

L’électromigration est caractérisé par un déplacement d’atomes dans les interconnexions, activé par des fortes densités de courant et des températures élevées selon l’équation suivante [97] :

1

MTF= A ∙ J

2∙ exp (−Φ

kT) Éq. 8

où : MTF représente le temps moyen jusqu’ défaillance (heures), A est une constante représentative de la section transversale du film conducteur métallique, J définit la densité de courant (A/cm2), 𝛷 représente l’énergie d’activation (eV), k est la constante de Boltzmann et

T définit la température du film métallique conducteur (Kelvin).

L’électromigration a pour conséquence la formation des lacunes (voids en anglais) à une extrémité d'une ligne, et des extrusions, à l'autre extrémité, comme illustré dans la Figure I - 18 [68]. Leur taille (environ 100 nm) dépend de l’étape de fabrication. En raison de ces lacunes, la ligne est considérée comme étant soumise à des contraintes mécaniques engendrées par le déséquilibre thermique structurel. La passivation des lignes augmente la résistance EM, en introduisant des contraintes supplémentaires. Les lignes épaisses qui constituent un circuit ouvert définissent les fissures (la Figure I - 19 [68]) ; la diffusion du métal se produit principalement par le biais des lacunes.

Figure I - 18. Formation des lacunes et des extrusion dans une ligne Ag stressée avec J = 23 MA/cm² à T = 160°C [68].

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Figure I - 19. Micrographie SEM (Scanning Electron Microscope) représentant une fissure qui se propage [68].

Afin d’essayer de trouver une corrélation entre le phénomène physique et une potentielle signature électrique, Karboyan [98] compare le courant de grille et la signature EBIC (SEM qui permet l'observation des régions déplétées et des défauts actifs électriquement) d’un dispositif représentatif du lot ; il observe que plus l'intensité du signal EBIC est élevée (ou le nombre de spots EBIC le long de la grille), plus le courant de fuite de grille est important (Figure I - 20) [98] :

Figure I - 20. Exemple de corrélation entre la variation importante du courant de fuite de grille et la signature EBIC [98].

Des spectres EDX (Energy Dispersive X-Ray) effectués dans ces régions sombres du composant ont confirmé l’absence du métal dans cette région, démontrant ainsi la présence

des lacunes dans la barrière métallique. Cette étude a conclu sur le fait que les lacunes réduisent la hauteur de la barrière et elles sont les sites préférentiels pour les effets de piégeage dans le semiconducteur, près de l'interface ; cela engendre des instabilités RF et engendre donc des problèmes de fiabilité (dégradation rapide du courant de fuite, du IDS et de

la POUT) [98].

Dans la suite, nous allons distinguer deux mécanismes de dégradation activés par le champ électrique :

1.5.2.4.1. Effet piézoélectrique inverse

Les effets piézoélectriques sont les conséquences des contraintes mécaniques engendrées par des champs électriques élevés appliqués entre la source et le drain ou entre la grille et le drain. La nature piézoélectrique des matériaux AlGaN et GaN peut générer des contraintes significatives, même en l'absence de tout élément électrique. De plus, ces contraintes peuvent changer en fonction des variations thermiques lors des processus de fabrication des dispositifs.

Chowdhury et al. [99] ont étudié des lamelles TEM (Transmission Electron Microscope) de 20 HEMT AlGaN/GaN afin de mettre en évidence les effets piézoélectriques inverses à trois températures de jonction différentes : 250°C, 285°C et 320°C. Les analyses TEM ont révélé que les dispositifs vierges ne montraient aucun type de défaut, tandis que 18 échantillons mettaient en évidence plusieurs types de dégradations :

• défauts de type creux (pits), observés dans l’AlGaN, sous le drain, à 10 nm de la surface du semiconducteur (Figure I - 21.a) ;

• défauts de type fissures (cracks), également observés pendant un stress de 6h à une température de canal 2DEG de 320°C (Figure I - 21.b) ;

• diffusion du métal de grille d’environ 2 nm dans la fissure du semiconducteur (Figure I - 21.c).

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Figure I - 21. Exemples de dispositifs stressés : le semiconducteur est représenté en dessous de l’interface horizontale, et le métal de grille au-dessus [99]. a) Formation des défauts de type creux (pits) des deux côtés (source et drain) de la grille ; b) Formation d'un défaut de type fissure (crack) ; c) Cas de dégradation extrême, où le

métal de grille (Pt) s'est diffusé dans la fissure.

Dans son manuscrit de doctorat, Brunel [100] corrèle les défauts de type creux (pits) et fissures (cracks) relevés au long du bord du pied de grille au cours de test de vieillissement avec l’évolution des paramètres IDSS, VTH et 𝜙𝐵, et moins avec le phénomène de belly-shape

observé sur le courant de grille :

IDSS diminue progressivement ;

VTH se décale vers des valeurs moins négatives ;

1.5.2.4.2. Injection des porteurs chauds (ou ionisation par impact) [101]

Tout porteur de charge ayant été fortement accéléré sous l’effet d’un champ électrique intense (énergie cinétique importante) est appelle porteur chaud. L’électron chaud peut traverser le matériau semiconducteur par effet tunnel, au lieu de se recombiner avec un trou ou d'être conduit à travers le matériau vers un collecteur.

Lorsque le dispositif est polarisé en saturation (à VDS élevé), le maximum du champ

électrique est situé entre le point de pincement du canal et la jonction drain-substrat. Dans cette situation, les électrons chauds peuvent :

• soit traverser la barrière et être emprisonnés dans l’oxyde de grille ; • soit engendrer un courant de grille ;

• soit créer des pièges d’interface, ou états d’interface, ce qui mène à l’apparition des charges fixes.

Lors d’injections de porteurs chauds, on observe que (Figure I - 22) :

1. la tension de seuil augmente → phénomène lié à la génération des pièges d’interface : réduction de la densité et de la mobilité des porteurs dans la zone de drain ;

2. la mobilité des porteurs du canal diminue ; 3. la pente sous seuil varie ;

4. la transconductance est modifiée de façon significative (proportionnelle à la densité de pièges).

Figure I - 22. Représentation du courant de grille en fonction de la tension de grille, paramétrée à plusieurs VDS (0,

4 V, 8 V et 12 V). 1E-15 1E-13 1E-11 1E-09 1E-07 1E-05 1E-03 -14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2 IGS (A ) VGS(V) D5 : IGS(VGS), VDSde 0 à 12 V, avec un pas de 4 V VDS=0 VDS=4V VDS=8V VDS=12V

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L’application d’un champ électrique suffisamment intense (VDS élevé), certains électrons

de la bande de conduction acquièrent assez d’énergie pour pouvoir rompre une liaison de valence du réseau cristallin. Par conséquence, nous obtenons deux électrons dans la bande de conduction et un trou dans la bande de valence. Le processus peut devenir cumulatif ; dans ce cas, l’augmentation du champ latéral (proportionnel au VDS) conduit au phénomène

d’avalanche.

La solution proposée pour limiter l’électromigration au niveau de la grille consiste en l’utilisation d’un plateau de champs entre grille et drain, qui limite la valeur pic de ce champ électrique (field plate).