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2 Réseaux de nanofils métalliques dans AAO

2.2 Electrodéposition des nanofils métalliques

2.2.1 Présentation générale

L’électrodéposition est une technique d’élaboration de matériaux relativement ancienne, dont les premières observations expérimentales remontent au début du 19ème siècle. C’est la technique la plus utilisée aujourd’hui pour élaborer des entités métalliques dans des templates nanoporeux. D’une manière simple, elle consiste à faire migrer des ions métalliques en solution, sous l’effet d’un courant électrique, pour les amener à cristalliser sur une surface 110 (le plus souvent elle aussi métallique).

Dans la cadre d’une synthèse typique de réseaux de NFs/AAO réalisée à l’IMCN, une membrane nanoporeuse est introduite dans un bain électrolytique en présence des cations à déposer qui peuvent pénétrer librement à l’intérieur des nanopores. En pratique, on utilise une cellule polymère de polytétrafluoroéthylène (PTFE) aussi appelé Téflon, afin de sceller la membrane au fond du dispositif (Figure. 2.7). Des masques de caoutchouc servent à déterminer la forme et la surface de la zone de croissance tout en prévenant les fuites d’électrolyte 111. L'application d’un potentiel entre l'électrode de travail (la cathode située sous l’échantillon) et

la contre-électrode (anode typiquement un film de Pt) est à l’origine du processus de diffusion cationique à l’intérieur des pores imbibés ainsi que de la réduction cationique sur la surface de la cathode. On utilise un potentiostat (EG&G Princeton Applied Research) auquel on associe une électrode de référence Ag/AgCl afin de contrôler la différence de potentiel entre l'anode et la cathode. Ce dispositif « trois électrodes » permet de compenser la chute ohmique due à la conduction entre l'anode et la cathode

112.

Figure. 2.7. Schéma du dispositif d’électrodéposition potentiostatique “trois électrodes”.

Lorsque l’on applique une différence de potentiel entre l’anode et la cathode, les ions en solution vont se déplacer et être réduits à la surface de la cathode selon la réaction :

Y=(>?) + Z @→ 2.7

où est une espèce métallique quelconque de charge Z. Dans le même temps, la réaction suivante se produit à l’anode de Pt :

:12 :9 2 =9 2 @ 2.8

De manière quantitative, on définit la charge déposée Q, comme le produit :

\ R]^\_Z 2.9

avec R la masse de l’espèce métallique électrodéposée, sa masse molaire, Z le nombre d’électrons nécessaire à la réduction d’une espèce métallique (équivalent à la charge du métal dans l’équation (2.7)), \_

la charge électrique d’un électron et ]^ le nombre d’Avogadro. Le produit ]^\_est appelé constante de Faraday noté , ainsi la quantité de matière totale déposée peut s’écrire :

U = \Z (2.10

La charge est également le produit du courant de dépôt par le temps de dépôt. Ainsi, si le courant est enregistré en fonction du temps lors de l’électrodéposition, on peut calculer la charge totale en intégrant le courant sur le temps :

\ a bcBd 2.11

Nous précisons que les équations ci-dessus supposent que l’efficacité du dépôt est de 100%, c’est à dire que chaque électron réduit, va correspondre à un ion réduit. Expérimentalement, l’efficacité du dépôt n’est jamais de 100%, et des différences notables seront observées si l’on veut déterminer la masse totale déposée à partir de la charge mesurée pendant le dépôt.

Deux modes d’électrodéposition sont couramment utilisés au laboratoire. Le mode galvanostatique (courant constant) permet généralement d’obtenir des dépôts de meilleure qualité structurale, mais nécessite au préalable de bien connaître la surface effective de la cathode sur laquelle seront déposés les ions (lié à ). Le mode potentiostatique (potentiel constant) est le modèle le plus répandu car c’est le plus simple à mettre en œuvre. Il suffit de connaître le potentiel de réduction du ou des métaux à déposer.

Lorsque l’on parcourt la littérature, trois méthodes

d’électrodéposition sont principalement mises en œuvre en fonction de la géométrie du template, la qualité structurale et chimique des NFs à synthétiser ou le type de métal à déposer (Figure. 2.8) 98. Chacune des méthodes se décline dans les deux modes galvanostatique et potentiostatique.

Figure. 2.8. Les trois méthodes d’électrodéposition pour la croissance de NFs à l’intérieur de templates AAO a) méthode continue, b) méthode alternative et c) méthode pulsée.

La méthode continue (DC) qui privilégie l’utilisation de tensions faibles est considérée comme la plus adaptée aux templates dont la couche d’Al métallique rémanent ainsi que la couche barrière isolante Be ont été éliminées au préalable par une attaque chimique (Voir figure. 2.3). Elle est donc nécessairement utilisée pour électrodéposer dans des membranes

autosupportées d’épaisseur conséquente (supérieure à 20 µm). Le remplissage est régi par la loi de Faraday telle que nous l’avons introduite ci-dessus et tient compte des caractéristiques géométriques des membranes D , I , B . Cette méthode se révèle puissante en termes de rendement de dépôt et de contrôle de la composition et de la cristallinité des NFs. Elle permet également d’opérer des modulations de composition le long des NFs.

Les deux autres méthodes (alternatives et pulsées) sont plus adaptées aux membranes à dimensions réduites (couches minces). En effet, il a été montré que l’étape d’attaque chimique ne permet pas d’assurer une élimination totale de la couche barrière Be 113, ce phénomène étant accentué lorsque le template est supporté sur un substrat. Les méthodes qui utilisent des tensions alternatives ou pulsées permettent d’injecter de forts potentiels sinusoïdaux durant des laps de temps très courts, capables de transpercer et d’éliminer la couche barrière et l’Al rémanent avant de procéder à la réduction électrochimique à proprement parler. La procédure de dépôt à tension AC est évolutive et permet de produire des NFs de très petites longueurs bien cristallisés (énergie des atomes favorisée par les fortes tensions). Le contrôle de la fréquence permet d’assurer un remplissage plus lent et homogène des pores Néanmoins, le remplissage réel des nanopores reste généralement limité en tension AC en raison d’un taux de redissolution important et d’une évolution critique de l'H2 durant la réaction 114, qui peut provoquer l’arrêt du processus.

C’est pour contrer ce phénomène que la méthode pulsée hybride fut développée 98. Il s’agit d’appliquer le potentiel de réduction pendant un court intervalle, puis pendant un temps plus long un potentiel juste inférieur de manière à maintenir un faible courant (limite la dissolution du métal). Pendant l’intervalle de temps où le métal n’est pas déposé, la concentration en ions au niveau de la cathode s’homogénéise, réduisant ainsi les gradients de concentration ionique dans la solution. Dans le cadre de la fabrication de NFs par électrodéposition, ceci entraîne une croissance plus régulière des NFs, réduisant ainsi l’écart type par rapport à la longueur moyenne.

2.2.2 Evaporation préalable de la cathode

Le fonctionnement du processus d’électrodéposition « trois électrodes » tel qu’il est utilisé à l’IMCN nécessite le dépôt préalable d’une cathode conductrice sous le template. Le dépôt d’une couche de Pt est anticipé dans le cas des systèmes supportés sur wafer Si. Dans le cas des templates commerciaux autosupportés utilisés pour la réalisation des systèmes cœur-écorce, il est nécessaire de procéder à une étape d’évaporation métallique supplémentaire. Cette étape est réalisée par une technique d’évaporation métallique de type "e-beam" (electron beam) qui permet d’obtenir rapidement des couches minces de qualité moyenne. Généralement le métal à évaporer est placé sous forme de bâtonnets dans un creuset de graphite, le tout placé dans une enceinte sous vide. Celui-ci est ensuite chauffé à l’aide d’un faisceau d’électrons jusqu’à sa température

d’évaporation et le nuage métallique ainsi crée se dépose sur l’échantillon à métalliser, placé à la verticale du creuset. L’échantillon est fixé sur un plateau dont la vitesse angulaire est contrôlable au besoin. La vitesse de dépôt est déterminée par l’intensité du faisceau d’électrons, en fonction du courant typiquement de l’ordre de quelques mA à quelques dizaines de mA. Côté pratique, le dispositif de dépôt est équipé d’un plateau tournant à quatre empreintes permettant l’association de plusieurs métaux par le biais de dépôts multicouches.

Il a été validé empiriquement que l’épaisseur métallique à déposer doit être supérieure à quatre fois le diamètre des pores pour assurer le recouvrement des templates dont la densité de pores ρp est supérieure à 4.109/cm2 dans le cas de notre étude. Une séquence de dépôt typique mise en œuvre dans le cadre de ce travail est de type multicouche Cr(10 nm)/Cu(900 nm)/Au(100 nm) pour atteindre une épaisseur globale de 1 µm. Le Cr/CrxOy est utilisé comme agent métal/oxyde pontant, le Cu pour ses bonnes performances en terme de conduction. L’Au agit comme couche protectrice afin d’éviter l’oxydation du Cu. Une vitesse limite est établie (de l’ordre de 4.5 nm/s) afin d’éviter la projection de de gouttes de métal en fusion sur les membranes quel que soit le type de matériau.

2.2.3 Croissance électrochimique contrôlée de nanofils

métalliques dans AAO

Une description détaillée de la croissance électrochimique des NFs/AAO telle qu’elle est réalisée à l’IMCN est livrée afin d’identifier les points clés du processus permettant de contrôler la morphologie des systèmes. On considère l’électrodéposition du Ni métallique selon la méthode DC en mode potentiostatique dans un template commercial Sy150 30%. Dans ces conditions, le dépôt est facilement géré par le suivi du courant qui circule entre l’anode et la cathode (Figure. 2.9. (a)).

Figure. 2.9. a) Suivi de l’électrodéposition du Ni dans un template AAO Sy150 30%, b) Micrographie MEBHR d’un remplissage figé en zone

Quatre étapes distinctes sont identifiées. Lorsque le potentiel est appliqué, une couche de diffusion est formée par l’accumulation d’espèces ioniques au niveau de la cathode. Elle est responsable de l’augmentation soudaine du courant observée (I). Juste après la phase de nucléation, le courant met quelques secondes à se stabiliser, le temps que le gradient de concentration ionique s’équilibre (II). Durant le pallier (III), on assiste à la phase de remplissage des pores par les nanofils métalliques. Le mécanisme de croissance est caractérisé par une valeur de courant pratiquement constante qui dépend de la surface efficace du dépôt (définie par le masque en caoutchouc) et de la porosité du template AAO. L’augmentation du courant en fin de pallier (IV) est le signe du débordement des premiers fils en surface de la membrane. Physiquement, ce saut traduit la croissance tridimensionnelle du métal qui forme petit à petit une couche continue à la surface de la membrane. La surface conductrice efficace en contact avec la solution augmente. La Figure. 2.9 (b) et (c) montre deux images MEBHR d'un template AAO autosupporté dont l’électrodéposition a été figée en zone (III) puis en début de zone (IV). En pratique, nous prendrons toujours garde d’arrêter les dépôts avant le débordement pour éviter de briser le caractère unidirectionnel des NFs et éviter les court-circuits ultérieurs, notamment pour assurer un dépôt homogène des électrodes pour les caractérisations physiques.

Enfin, pour aller plus loin dans la compréhension des mécanismes, on peut se baser sur l’équation 2.7 qui régit le processus général de réduction. Ce processus complexe peut être divisé selon les étapes suivantes 115: (I) le transfert des ions métalliques =de la solution vers la cathode, (II) son adsorption sur la surface de l'électrode, (II) le transfert de charge pour former l’atome métallique et (IV) la nucléation et la croissance du cristal. Les étapes (II) et(IV) ne sont pas influencées par la géométrie du template, mais l'étape (I) qui est un processus de transport de masse est largement tributaire de la longueur des nanopores et la diffusion à l’intérieur des pores. D’après la loi de Fick, la densité de courant limite de diffusion fgh est exprimée :

fgh = U Di

F (2.12)

où U est le nombre de charges, la constante de Faraday, D le coefficient de diffusion de l’espèce électro-active, i la concentration de l’espèce métallique et F l’épaisseur de la barrière de diffusion. L’expression de la couche de diffusion F est

F= 2jD. (2.13)

avec D coefficient de diffusion de l’espèce électroactive et . le temps d’application du courant. En considérant F comme équivalent à la longueur des nanopores k, on peut considérer que:

flmn 1k (2.12)

Dans le cas de templates AAO épais, le courant limite diminue rapidement et rend le dépôt de NFs compacts et denses difficile. D’après 2.12 la diffusion des espèces à l’intérieur des pores dépend aussi de la concentration en ion métalliques de la solution i . L’augmentation de la concentration en ions provoque l’augmentation de la densité de courant limite car plus d’espèces sont disponibles dans le milieu (si toutefois les

phénomènes de transfert de charge sont plus rapides que la diffusion). Les

étapes (II) et (IV) vont être fortement affectées par D : le diamètre des NFs est logiquement prédéterminé par ce paramètre. La croissance latérale est limitée et peut générer des contraintes dans les dépôts. La diminution de D réduit le nombre de sites de nucléation actifs et peut provoquer des modes de croissances remarquables (structure de type bambou, ou même des monocristaux). Toutefois, en règle générale, les NFs électrodéposés dans des templates à D réduit sont polycristallins et de tailles nanométriques.

Le pH optimal du bain électrolytique dépend du matériau à déposer et des précurseurs métalliques utilisés. Les métaux comme Ni et Fe nécessitent habituellement des valeurs de pH proches de 3, alors que le Co peut être déposé dans une plage de pH plus large. On note que les valeurs de pH ont tendance à augmenter au voisinage de la cathode et des parois des pores. Elles sont responsables de la formation d'hydroxydes métalliques, qui peuvent dans certains cas recouvrir la totalité du template. Pour pallier ces problèmes on utilise généralement un tampon à base de H3BO3.