• Aucun résultat trouvé

1.2.1. Epreuve de classification verbale

Comme indiqué dans le paragraphe précédent, nous avons fait passer une épreuve de classification verbale à chacun des individus de notre échantillon, voyants comme aveugles. Nous avons choisi d'utiliser une épreuve déjà existante, l'épreuve de similitudes du WISC III. Cette épreuve consiste à demander aux sujets en quoi deux mots se ressemblent. Par exemple, la consigne du premier item est : « en quoi une roue et une balle se ressemblent? ». Nous ne nous sommes pas servies de l'étalonnage des résultats, mais seulement des scores bruts. En effet, nous avons eu recours à cette épreuve comme outil d'appariement des individus, et non pour évaluer le niveau des enfants par rapport à la norme des enfants de leur âge. Nous avons demandé aux psychologues des institutions spécialisées sollicitées l'autorisation de faire passer cette sous-épreuve du WISC III. Le protocole de passation de cette épreuve et le contenu de cette épreuve nous ont été fournis par l'un de nos maîtres de mémoire, ayant le statut de psychologue scolaire.

1.2.2. Epreuve de catégorisation

Pour tester la catégorisation à support concret (par opposition au support verbal) chez les aveugles, il nous faut passer par la manipulation d'objets. De ce fait, il importe de ne pas nommer les objets en les présentant aux enfants. La découverte des objets se fait donc par la manipulation pour les enfants aveugles, à laquelle s'ajoute la perception visuelle pour les enfants voyants. Certains enfants ont aussi eu recours à la perception olfactive, auditive ou tactile (en tapotant l'objet avec les doigts par exemple). Nous avons essayé de respecter les conditions écologiques d'appréhension des objets. Nous avons laissé les enfants découvrir les objets avec la modalité qu'ils utilisent naturellement. Par exemple, nous n'avons pas incité explicitement les enfants voyants à manipuler les objets s'ils ne le faisaient pas d'emblée par eux-mêmes. A l'inverse, nous ne les avons pas contraints à explorer uniquement de manière tactile, ce qui aurait été le cas si l'on avait bandé leurs yeux.

Par ailleurs, pour étudier la catégorisation de type fonctionnel, nous devons travailler avec des objets existants, et non des formes abstraites, comme celles qui avaient été utilisées par Hatwell (1966). Seuls les objets de la vie réelle peuvent avoir une fonction. Nous nous sommes aussi interrogées sur la taille des objets à présenter. Les objets peuvent en effet être miniaturisés, revêtant alors un aspect symbolique, ou être présentés à leur taille réelle. Cette question est d'autant plus importante que le recours à des objets miniaturisés permet de présenter des objets non tangibles ou dangereux (par exemple des objets coupants). Des études ont montré que les enfants aveugles sont en difficulté lorsque les objets sont miniatures. Ainsi, Tröster et Brambring (1994) se sont interrogés sur l'influence des jouets dits « symboliques », c'est-à-dire des miniatures d'objets réels, dans l'apparition du jeu fonctionnel des enfants aveugles. Ils observent que les aveugles ont souvent des difficultés à discriminer et identifier ce type de jouets puisque ces derniers sont conçus par et pour des voyants et valorisent donc des indices visuels. La ressemblance « physique » de la figurine représentant par exemple un chien peut alors être en décalage avec la représentation que l'aveugle se fait du chien, selon ses propriétés perceptives autres que visuelles (tactiles, auditifs, olfactives...). De même, les travaux de Morrongiello et al. (1994) vont dans ce sens : les auteurs demandent, dans cette étude réalisée auprès d'enfants aveugles précoces et voyants de trois à huit ans, de nommer ou d'indiquer la fonction des objets usuels que les enfants ont explorés librement en amont. L'expérience montre que les aveugles font plus d'erreurs que les voyants si les objets sont miniaturisés.

Dans le cadre de ce mémoire, nous cherchons à étudier essentiellement les catégorisations de type fonctionnel et de type perceptif. Nous avons donc sélectionné des objets permettant ces deux types de catégorisation, en évitant au maximum les possibilités de catégoriser les objets selon les autres types, à savoir taxonomique non fonctionnel et thématique. Quant au nombre d'éléments par item, nous avons choisi de présenter les objets quatre par quatre. Parmi ces quatre objets, deux peuvent être associés selon un critère fonctionnel, deux selon un critère perceptif, et un objet est un intrus qui ne peut être associé à aucun des autres. L'un des quatre objets peut donc être catégorisé d'une part de manière fonctionnelle, d'autre part de manière perceptive. Cette configuration nous permet d'explorer, avec les mêmes objets, la disponibilité des catégorisations fonctionnelle et perceptive.

Pour choisir les objets, nous sommes parties des différentes fonctions d'objets que les enfants peuvent connaître. Il est en effet plus difficile de lister des fonctions que des catégories perceptives. Ces fonctions doivent aussi correspondre à des objets que nous pouvons nous procurer facilement. Nous avons donc exclu les objets trop encombrants ou dangereux. Nous avons identifié dix fonctions différentes. Puis nous avons trouvé un associé perceptif à l'un des objets de chaque item. Nous avons veillé à explorer les différents types de critères perceptifs (forme, taille, texture, matière), à l'exclusion de la couleur, puisque les aveugles n'y ont pas accès. Nous avons construit vingt items de quatre objets chacun, de sorte que chaque fonction soit illustrée deux fois. Les critères perceptifs, quant à eux, sont illustrés plusieurs fois chacun.

Nous avons dû réduire le nombre d'items de vingt à quinze. Nous avons fixé à trente minutes la durée maximum de passation pour les enfants, en pensant particulièrement aux plus jeunes. Au-delà, en effet, les résultats pourraient être biaisés par le fait que les sujets les plus jeunes ont une capacité d'attention soutenue moindre. Or, nous avons testé notre épreuve avec un enfant voyant âgé de six ans. La passation ayant dépassé les trente minutes, nous avons décidé de retirer cinq items de notre liste. Nous expliquons nos choix dans le paragraphe suivant.