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Partie 2. Modèles, outils pour comprendre l’apprentissage en situation

4.1. Tâche d’apprentissage et activité de l’élève

4.1.1. Eléments théoriques

En classe, l’enseignant∙e, pour enseigner un savoir, est amené à prescrire des tâches à ses élèves. En analysant l’activité de l’élève dans la réalisation de ces tâches prescrites, cela permet de d’étudier si, d’une part, la tâche prescrite permet effectivement à l’élève de pouvoir apprendre ; et d’autre part, si l’activité déployée par l’élève pour réaliser la tâche conditionne son apprentissage, et dans quelle mesure (Ginestié et Tricot, 2013) ; puisque, comme le font remarquer ces auteurs, l’activité de l’élève, lorsqu’il réalise la tâche d’apprentissage prescrite par son enseignant∙e, correspond non seulement à une activité d’apprentissage de la connaissance relative au savoir porté par la tâche, mais également à l’activité de réalisation de la tâche.

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Même si je ne l’expose pas explicitement, dans mes travaux de thèse, j’ai analysé l’activité des élèves, et cela, sans pour autant faire référence à une théorie de l’activité. Analyser l’activité de l’élève est pour moi un moyen de repérer les comportements et stratégies de l’élève, de mettre en évidence les difficultés rencontrées par les élèves, de comprendre le pourquoi de leurs réponses erronées. Mais, il me semble difficile de proposer « une » théorie de l’activité. Comme le fait remarquer Dieumegard (2011), les recherches menées sur ce que font les élèves se sont développées dans différentes disciplines (didactique, didactique comparée, psychologie), et le concept d’activité, celui de l’activité humaine analysée par les disciplines relevant des sciences du travail (au sens large), de la sociologie, voire de la philosophie (Venturini, 2012), a alors pris place dans le champ de l’éducation (Dieumegard, 2011).

Ainsi, je me suis appuyé sur différentes approches pour cerner ces notions de « tâche » et « activité ».

Tout d’abord, l’élève, en classe, est amené à réaliser des tâches d’apprentissages prescrites par son enseignant∙e. Quand un∙e enseignant∙e conçoit une tâche d’apprentissage pour ses élèves, il définit, en fait, ce qu’il va leur faire faire, avec un but, celui de leur permettre d’apprendre les connaissances relatives au savoir enseigné, savoir porté par la tâche, et en précisant aux élèves comment ils doivent, ou ils peuvent, réaliser la tâche (Musial, Pradère et Tricot, 2012) ; ces conditions de réalisation de la tâche correspondent aux ressources et contraintes encadrant la réalisation de la tâche, comme cela est exposé par Rogalski (2008).

Rogalski (2008) propose d’articuler différents cadres théoriques pour analyser les pratiques enseignantes et les activités des élèves. Pour cette auteure, la théorie de l’activité qu’elle retient différencie « tâche » et « activité » de la manière suivante : - la tâche, c’est ce qui est à faire du point de vue du sujet, c’est-à-dire, en reprenant

les propositions de Leontiev, le but qu’il s’agit d’atteindre dans certaines conditions (Leplat, 2000) ; donc, dans le cas d’une tâche d’apprentissage, il s’agira d’apprendre les connaissances relatives au savoir enseigné, sous certaines conditions, c’est-à-dire en respectant les conditions de mise en œuvre de la tâche définies par l’enseignant∙e ;

- l’activité, c’est ce que développe un sujet lors de la réalisation de la tâche, c’est-à-dire ses actes extériorisés, mais aussi les hypothèses que le sujet est amené à faire, les décisions qu’il prend, la manière dont il gère son temps, ses interactions

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avec autrui dans la situation de la tâche. Rogalski (2008) prend également en compte l’état personnel du sujet en termes de charge de travail, de stress, de plaisir.

Cette prise en compte de l’articulation tâche-activité est également mise en avant par Pastré (2008) avec la nécessité de « comprendre l’apprentissage en cherchant à comprendre l’activité, sans les séparer » (p. 53). Ainsi, pour Pastré, l’apprentissage est inhérent à l’activité. Dès qu’un sujet agit, il apprend. Et pour analyser l’activité du sujet apprenant, il est nécessaire de prendre en compte les caractéristiques de la situation dans laquelle se fait cet apprentissage. Ainsi, si l’activité analysée correspond à une interaction entre deux acteurs (cas des situations d’enseignement, par exemple), cela implique une analyse conjointe de l’activité de l’enseignant∙e et de l’activité de l’élève (Pastré, 2008). On retrouve là des propositions similaires développées dans la théorie de l’action conjointe en didactique, théorie fortement ancrée sur les propositions de Brousseau (concepts de « jeu didactique », de « milieu », de « contrat didactique »), et le triplet de genèses propre aux apports de Chevallard (Sensevy, 2007 ; Venturini, 2012).

De la proposition d’Engeström (2001), l’apprentissage expansif, une re-conceptualisation de la théorie de l’activité, je retiens essentiellement le troisième principe, celui de l’historicité, que je rattache principalement à l’activité enseignante (même s’il est vrai qu’on peut aussi le faire avec celle de l’élève). Ainsi, suivant ce principe, l’activité de l’enseignant∙e, étudiée à l’instant t, ne peut véritablement être comprise sans une prise en compte de son « histoire », plus précisément de l’histoire du système d’activité dans lequel se situe l’enseignant∙e, car, pour Engeström, tout système d’activité se transforme dans le temps, et, de ce fait, a donc une « histoire » (ibid).

Pour Tijus (1999), la façon dont une tâche est réalisée dépend du sujet, c’est-à-dire de son niveau de connaissances (par extension, je dirais de son contexte interne et de son contexte émotionnel, donc de son contexte mental, tel que je l’ai défini précédemment), et de son activité, activité qui a des composantes observables (les actions, les comportements, qui dépendent souvent des moyens, proposés par l’enseignant∙e, dont dispose l’élève pour réaliser la tâche ; parfois des verbalisations) et des composantes inobservables (connaissances activées, processus cognitifs mobilisés, émotions éventuelles, facteurs de motivation).

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Tijus (1999) propose alors de distinguer deux types de situations possibles : les situations d’exécution dans lesquelles l’élève réalise une tâche nécessitant la mise en œuvre d’un savoir-faire (procédure et/ou méthode) ; les situations de résolution de problème pour lesquelles le système cognitif de l’élève n’a pas en mémoire les connaissances associées à une procédure ou à une méthode adéquate (ou parce que le système cognitif de l’élève ne peut mobiliser ces connaissances dans la situation considérée), ce qui permet d’étudier les processus d’interprétation de la tâche, d’évaluation, de changement de point de vue sur la tâche.

Ainsi, si la tâche prescrite amène le système cognitif de l’élève à pouvoir activer des connaissances relatives à des savoirs/savoir-faire alors analyser l’activité de l’élève permet d’analyser la mise en œuvre de ces savoirs/savoir-faire (voir exemple avec Hérold [2006] ou Hérold [2014a] au paragraphe 5.1) ; sinon, l’élève se retrouve en situation de résolution de problèmes (voir, par exemple, Hérold et Montuori [2018], notamment au paragraphe 5.2).

4.1.2. Contribution empirique : une activité de conception d’objet technique au